La liberté par la curiosité
10 février 2013
Dans ce pays, la quasi totalité de la population n'a pas accès à internet; pas pour des raisons techniques, mais parce que le régime politique l'interdit. Oui, on l'a reconnu, ce pays est la Corée du Nord. Là où précisément le patron de Google, Eric Schmidt s'est rendu en janvier pour tenter de convaincre les dirigeants de s'ouvrir au monde, de se connecter. Pas sûr qu'ils les aient convaincus cette fois ci.
Autre initiative de Google : cartographier ce pays sur Google Map; là encore, pas pour les nord coréens, mais pour tous ceux qui veulent mieux connaître le pays. On peut même localiser les camps de prisonniers politiques ( qui enferment apparemment plus de 200 000 personnes).
Pourtant ce pays, malgré toute la volonté de ses dirigeants, la famille Kim Jong depuis trois générations, de la maintenir sous contrôle dictatorial, est en train de changer, comme le montre le reportage de The Economist cette semaine. La liberté commence à venir, non pas de l'intérieur, mais de l'extérieur. L'information pénètre le pays grâce aux connections avec l'extérieur, même illégales. Et ces échanges d'informations font sortir progressivement la population du lavage de cerveaux qu'elle a connu jusque là.
Les yeux s'ouvrent, les positions changent, depuis la famine dans les années 90, qui aurait fait plus de 1 million de morts ( sur une population de 25 millions). Les habitants commencent à comprendre que l'on vit mieux en dehors de la Corée du Nord, dans les pays "libres". Et des "entrepreneurs" apparaissent, même si ils vivent dans une économie parallèle de marché noir et souvent de corruption.
Ces "entrepreneurs" veulent à la fois mettre du business dans leur pays, mais aussi, comme le dit l'article, préserver le statu quo, car cette économie clandestine leur procure les bénéfices, et c'est donc paradoxalement ce régime despotique qui est leur meilleur soutien, invonlontaire, pour leur business.
Ce qui constitue, et le reportage termine là-dessus, la vraie chance pour la liberté demain, c'est l'information, que l'on aura de plus en plus de mal à empêcher de pénétrer et de sortir, et la curiosité. Un observateur fait remarquer que l'envoi d'information dans ce pays peut faire plus encore que l'aide alimentaire : " C'est seulement quand les gens peuvent faire la différence entre la vérité et les mensonges que leur curiosité est stimulée". Et c'est probablement cette curiosité dont peut le plus avoir peur le régime de Kim Jong Un.
Cette curiosité, source et nourriture de la liberté, comme une façon de s'opposer à tout ce qui ressemble à une idéologie de monopole et de contrôle absolu, elle n'est pas seulement nécessaire en Corée du Nord.
La Cour des Comptes est venue, en France, regarder de plus près, pour en dénoncer l'inefficacité, notre système d'allocations chômage. On en connaît les caractéristiques : monopole public; cotisations imposées à tous, les entreprises et les travailleurs salariés ( seuls les entrepreneurs sont exonérés de ces cotisations), système d'indemnisation considéré comme "généreux" (dixit la cour des Comptes elle-même), pouvant, disent certains ( et le pensent d'autres plus nombreux), encourager ceux qui sont indemnisés à ne pas trop se secouer pour retrouver un job tant que les indemnités leur sont versées.
La Cour des Comptes propose des modifications à la marge, consistant en fait à baisser les indemnités pour certains ( et notamment pour les cadres, c'est à dire ceux qui cotisent le plus, un comble). Car ce système mélange un objectif d'assurance contre le chômage avec un rôle de redistribution.
Pascal Salin, dans Les Echos de jeudi dernier, énonce un point de vue trés différent: pour lui, les difficultés financières et les injustices du système actuel viennent précisément du fait qu'il constitue un monopole public (il adresse le même diagnostic d'ailleurs sur l'assurance-maladie ou le système de retraite). Voilà de quoi exciter notre curiosité....un bon début.
Il suffit de le citer pour comprendre :
" Imaginons que la concurrence existe dans le domaine de l'assurance-chômage, Chaque salarié déciderait de contracter avec l'assureur de son choix, qui lui proposerait - moyennant des cotisations plus ou moins importantes - un taux de remplacement plus ou moins élevé, une durée d'indemnisation plus ou moins longue, avec une dégressivité plus ou moins importante. On passerait ainsi d'un système de "protection sociale" à un système de "protection individuelle", fondé sur la responsabilité personnelle et l'on répondrait plus précisément à la diversité des besoins et des circonstances particulières".
Voilà une façon de redonner le pouvoir de décision aux individus concernés, en tournant ainsi le dos aux " luttes de pouvoir entre prétendus partenaires sociaux, aux conflits catégoriels".
Pour être libres, soyons curieux !
Commentaires