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Comment changer le monde

MondrianChanger le monde, certains en rêvent; beaucoup ne savent pas trop comment faire.Alors on accepte ou, au mieux, on s'adapte.

Adam Kahane pense, lui, que ce sont les histoires qui changent le monde, les histoires que l'on se raconte sur le futur et qui changent notre vision du futur, notre compréhension du présent, et nos actions.

Il a eu trois vies : Diplômé de Physique, il s'est d'abord intéressé à la prévision du futur, pour s'apercevoir que c'était impossible. Sa deuxième vie l'a amené à se confronter à la vraie vie, et a notamment travaillé pour Shell, pour la planification, et développé les méthodes de "scenario planning" : mieux comprendre le futur, les différents scenarios possibles, pour mieux s'y préparer et s'y adapter. Mais c'est à l'occasion d'une expérience en Afrique du Sude qu'il s'est lancé dans sa troisième vie, en s'intallant dans ce pays, pour non plus s'adapter au futur, mais le transformer : comment, dans un présent et des futurs possibles que l'on n'accepte pas, non pas s'adapter, mais le transformer. Il a passé, dit-il, vingt ans à affiner et construire les démarches qu'il soutient aujourd'hui, en tant que professeut à Oxford, et fondateur d'une entreprise sur le sujet,

Ces recherches et expériences sont relatées dans les livres qu'il a publiés, et notamment "Transformative Scenario Planning", petit ouvrage d'à peine une centaine de pages, mais trés inspirant.

Les situations pour lesquelles il a imaginé cette approche sont du type de celle qu'il a connue en Afrique du Sud : une situation que les personnes considèrent comme innacceptable, ou non pérenne (par exemple l'apartheid); une situation où individuellement, ou même avec un petit groupe, on ne peut rien faire, il nous faut la participation où l'engagement de nombreuses parties prenantes; Une situation où les acteurs ne peuvent pas transformer la situation directement, car il y a trop de divergences entre eux (certains sont d'une opinion, d'autres d'une opinion complètement contraire, même s'ils sont d'accord sur le fait qu'il y a un problème et qu'il faudrait le résoudre).

Voilà typiquement l'objet du "transformative scenario planning" : ce n'est pas un moyen pour les acteurs de s'adapter à une situation, ni de les forcer à adopter des propositions déjà formulées, ni même de négocier entre eux des propositions; non, il s'agit pour les acteurs de travailler de manière collaborative et créative pour sortir de l'ornière où ils se sentent, et d'aller de l'avant.

Cette démarche comprend cinq étapes, que Adam Kahane représente sous forme d'un U :

- Réunir une équipe qui comprend toutes les parties prenantes,

- Observer ce qui se passe,

- Construire les histoires sur ce qui pourrait arriver,

- Découvrir ce qui peut et ce qui doit être fait,

- Agir pour transformer le système (c'est là que l'on est dans le bas du U).

Pourquoi un U ?

Parce que, pour Adam Kahane, cette démarche est aussi une démarche intérieure, qui nous conduit comme une introspection collectivement. Les premières étapes sont celles où l'on observe, où l'on comprend les différences d'opinion, où l'on commence à changer nos regards, où l'on fait une pause. C'est d'ailleurs là le secret ( Adam Kahane appelle ça un "mystère") de l'approche : plutôt de confronter, parfois violemment, les protagonistes, et de chercher tout de suite les solutions, le "transformative scenario planning" va d'abor faire prendre du recul, suspendre les jugements.

TransformativeCar une fois exploré les certitudes et incertitudes du futur, et décrit les scenarios et les histoires qui décrivent des options de réponses pour les incertitudes ( j'ai déjà évoqué ces méthodes ICI ou ICI), si l'on veut agir pour transformer il faut cette pause. Elle peut durer quelques instants, ou un trés long moment, comme une promenade en forêt, en solitaire, pour laisser émerger les possibles.

 C'est ce que Adam Kahane appelle "The inner game of social transformation" : la transformation qu'il essaye de provoquer ne peut pas se réduire à une application mécanique des étapes et workshops qu'il propose; c'est d'ailleurs pourquoi il raconte de nombreuses tentatives qui ont échouées.C'est tout le paroadoxe qu'il met en évidence : dans ces situations où l'on croit qu'il faut des actions urgentes et rapides pour sortir de la crise ( le rêve de tous les chefs de guerre), il défend à l'inverse de faire une pause, de "suspendre", comme on suspendrait les ingrédients de la situation et des blocages sur une corde devant l'ensemble des acteurs et parties prenantes pour imaginer autre chose.

A l'intérieur de ce paradoxe, il y a aussi un dilemme (encore un) : un dilemme c'est une situation où nous sommes face à deux impératifs apparemment opposés et avec lesquels nous devons néanmoins composer. Les deux impératifs dont parle Adam Kahane sont le pouvoir et l'amour, deux "drives" en tension permanente.

L'amour est le "drive" qui nous permet de nous ouvrir, de nous connecter aux autres idées, aux autres acteurs, aux autres possibilités. Nous avons besoin de l'amour pour créer le potentiel pour transformer nos pensées et nos actes et ainsi transformer le système.

Le pouvoir ("power") est à l'inverse est le "drive" pour rélaiser son potentiel et grandir.C'est ce pouvoir qui permet d'utiliser le potentiel que nous créons avec l'amour.

Certains pourraient croire que le pouvoir et l'amour s'opposent, sont en conflit. Adam Kahane nous enseigne l'inverse. L'ouverture et la connection aux autres sans le pouvoir, l'action, ne produit qu'un sentiment d'amitié mais rien de trés tangible pour faire changer les choses. Inversement l'exercice du pouvoir de chacun, sans ouverture ni amour, laisse chacun inchangé avec sa propre perspective, ses idées, sa volonté, mais ne change rien au système. Un pouvoir sans amour est toujours abusif.

D'où la conviction de Adam Kahane que la transformation des systèmes sociaux de manière collaborative n'est possible qu'en choisissant à la fois l'amour et le pouvoir. C'est d'ailleurs le sujet d'un de ses autres livres.

Alors, changer le monde : juste faire vivre ensemble amour et pouvoir, c'est simple, non ?

NOTA : Pour certains, c'est l'art qui change le monde; d'où l'illustration de Mondrian en tête de ce post.


Un chateau de nuées effacé sans laisser de trace

BellepoquePas facile d'imaginer, lorsque l'on traverse l'Autriche aujourd'hui, qu'un autre monde, un monde d'hier, a existé :.

" Je suis né en 1881 dans un grand et puissant empire, la monarchie des Habsbourg; mais qu'on ne le cherche pas sur la carte; il a été effacé sans laisser de trace. J'ai été élevé à Vienne, la métropole deux fois millénaire, capitale de plusieurs nations, et il m'a fallu la quitter comme un criminel avant qu'elle ne fut ravalée au rang d'une ville de province allemande".

Celui qui écrit avec amertume ces lignes, c'est Stefan Zweig. " Le Monde d'hier" est son dernier livre; il l'écrit en exil au Brésil, en février 1942. A peine terminé il ira le poster à son éditeur, et se suicidera avec sa jeune femme, Lotte, le lendemain.

L'ouvrage nous fait ainsi revivre l'Europe et l'Autriche depuis cette fin du XIXème siècle jusqu'en 1941. La guerre, les guerres, le déchirement de l'Autriche. La fin d'un monde. Effacé sans laisser de trace.

Quand on observe avec Stefan Zweig toute l'indolence de cette Autriche de fin de siècle, comme le calme avant la tempête, on remarque forcément combien ce pays semble endormi, comme assoupi dans son confort; et comme on connaît la suite, on a envie de lui crier que son empire est fragile, que ça va mal tourner. Mais elle n'entend pas, elle court vers son destin.

Stefan Zweig appelle cette époque "l'âge d'or de la sécurité".

Tout a l'air immuable, fondé sur la durée, " et l'Etat lui-même paraissait le suprême garant de cette pérennité".

Grâce à cette durée, on pouvait tout prévoir d'avance : " Qui possédait une fortune pouvait calculer exactement ce qu'elle lui rapportait chaque année en intérêts; le fonctionnaire, l'officier trouvait dans le calendrier l'année où il était assuré de bénéficier d'une promotion ou de partir en retraite".

"Tout, dans ce vaste empire, demeurait stable et inébranlable, à sa place".

Et ce siècle de la sécurité devient l'âge d'or des assurances: on s'assure sur tout; " Les ouvriers eux-mêmes s'organisèrent et conquirent par leur lutte un salaire normalisé et des caisses de maladie; les domestiques prirent sur leurs économies une assurance-vieillesse et payèrent d'avance à la caisse mortuaire leur propre enterrement. Seul celui qui pouvait envisager l'avenir sans appréhension jouissait avec bonne conscience du présent".

Et se développe une foi en un "Progrès" ininterrompu et irrésistible : " On croyait déjà plus en ce "Progrès" qu'en la Bible et cet évangile semblait irréfutablement démontré chaque jour par les nouveaux miracles de la science et de la technique".

Ce monde de la sécurité, il n'a pourtant pas survécu :

" Maintenant que le grand orage l'a depuis longtemps fracassé, nous savons depuis longtemps que ce monde de la sécurité n'était qu'un chateau de nuées. Pourtant mes parents l'ont habité comme une maison de pierres".

Ce monde d'hier, de la sécurité apparente, c'est aussi le monde où rien ne va vite, ce que Stefan Zweig appelle "un monde sans hâte". Les corps confirment cette impression :

" Quand j'essaie de me représenter l'apparence des adultes au temps de mon enfance, je suis frappé du grand nombre de ceux qui accusaient une obésité précoce. Mon père, mes oncles, mes professeurs, les vendeurs dans les magasins, les musiciens de l'Orchestre philarmonique devant leurs pupitres étaient tous à quarante ans des hommes corpulents et "dignes". Ils marchaient à pas lents,parlaient d'un ton mesuré et, en conversant, caressaient leur barbe, trés soignée et souvent grisonnante".

Oui, dans ce monde "bourgeoisement stabilisé", on va lentement : "jamais il ne se produisait rien de soudain".

Les formules de Stefan Zweig, comment ne pas avoir envie de les appliquer à d'autres mondes qui, eux aussi se sentent "bourgeoisement stabilisé" et en sécurité : nos entreprises, surtout les plus grandes ( on pourrait dire les plus grosses, celles qui sont "corpulents et dignes"); celles qui se croient des empires, et qui elles non plus, n'aperçoivent pas qu'elles sont parfois des "chateaux de nuées" qui pourront se faire éliminer par de nouveaux entrepreneurs agiles. Mais le danger guette toutes les entreprises,même les plus petites, surtout celles qui commencent à se croire importantes, qui commencent à être un peu prétentieuses.Et d'elles, ou de leurs dirigeants, leurs managers, on dira qu'ils "s'embourgeoisent", eux aussi. Et l'entreprise où les dirigeants s'embourgeoisent ressemblent tellement à cette Autriche de la Belle Epoque.

Repenser à cet empire des Habsbourg, c'est prendre conscience que les empires des entreprises qui s'endorment dans la nonchalance peuvent, eux aussi être "effacés sans laisser de trace".

Lire Stefan Zweig et le "Monde d'hier" est une façon de s'en protéger....Peut-être.


La liberté par la curiosité

LibreDans ce pays, la quasi totalité de la population n'a pas accès à internet; pas pour des raisons techniques, mais parce que le régime politique l'interdit. Oui, on l'a reconnu, ce pays est la Corée du Nord. Là où précisément le patron de Google, Eric Schmidt s'est rendu en janvier pour tenter de convaincre les dirigeants de s'ouvrir au monde, de se connecter. Pas sûr qu'ils les aient convaincus cette fois ci.

Autre initiative de Google : cartographier ce pays sur Google Map; là encore, pas pour les nord coréens, mais pour tous ceux qui veulent mieux connaître le pays. On peut même localiser les camps de prisonniers politiques ( qui enferment apparemment plus de 200 000 personnes).

Pourtant ce pays, malgré toute la volonté de ses dirigeants, la famille Kim Jong depuis trois générations, de la maintenir sous contrôle dictatorial, est en train de changer, comme le montre le reportage de The Economist cette semaine. La liberté commence à venir, non pas de l'intérieur, mais de l'extérieur. L'information pénètre le pays grâce aux connections avec l'extérieur, même illégales. Et ces échanges d'informations font sortir progressivement la population du lavage de cerveaux qu'elle a connu jusque là.

Les yeux s'ouvrent, les positions changent, depuis la famine dans les années 90, qui aurait fait plus de 1 million de morts ( sur une population de 25 millions). Les habitants commencent à comprendre que l'on vit mieux en dehors de la Corée du Nord, dans les pays "libres". Et des "entrepreneurs" apparaissent, même si ils vivent dans une économie parallèle de marché noir et souvent de corruption.

Ces "entrepreneurs" veulent à la fois mettre du business dans leur pays, mais aussi, comme le dit l'article, préserver le statu quo, car cette économie clandestine leur procure les bénéfices, et c'est donc paradoxalement ce régime despotique qui est leur meilleur soutien, invonlontaire, pour leur business.

Ce qui constitue, et le reportage termine là-dessus, la vraie chance pour la liberté demain, c'est l'information, que l'on aura de plus en plus de mal à empêcher de pénétrer et de sortir, et la curiosité. Un observateur fait remarquer que l'envoi d'information dans ce pays peut faire plus encore que l'aide alimentaire : " C'est seulement quand les gens peuvent faire la différence entre la vérité et les mensonges que leur curiosité est stimulée". Et c'est probablement cette curiosité dont peut le plus avoir peur le régime de Kim Jong Un.

 Cette curiosité, source et nourriture de la liberté, comme une façon de s'opposer à tout ce qui ressemble à une idéologie de monopole et de contrôle absolu, elle n'est pas seulement nécessaire en Corée du Nord.

La Cour des Comptes est venue, en France, regarder de plus près, pour en dénoncer l'inefficacité, notre système d'allocations chômage. On en connaît les caractéristiques : monopole public; cotisations imposées à tous, les entreprises et les travailleurs salariés ( seuls les entrepreneurs sont exonérés de ces cotisations), système d'indemnisation considéré comme "généreux" (dixit la cour des Comptes elle-même), pouvant, disent certains ( et le pensent d'autres plus nombreux), encourager ceux qui sont indemnisés à ne pas trop se secouer pour retrouver un job tant que les indemnités leur sont versées.

La Cour des Comptes propose des modifications à la marge, consistant en fait à baisser les indemnités pour certains ( et notamment pour les cadres, c'est à dire ceux qui cotisent le plus, un comble). Car ce système mélange un objectif d'assurance contre le chômage avec un rôle de redistribution.

Pascal Salin, dans Les Echos de jeudi dernier, énonce un point de vue trés différent: pour lui, les difficultés financières et les injustices du système actuel viennent précisément du fait qu'il constitue un monopole public (il adresse le même diagnostic d'ailleurs sur l'assurance-maladie ou le système de retraite). Voilà de quoi exciter notre curiosité....un bon début.

Il suffit de le citer pour comprendre :

" Imaginons que la concurrence existe dans le domaine de l'assurance-chômage, Chaque salarié déciderait de contracter avec l'assureur de son choix, qui lui proposerait - moyennant des cotisations plus ou moins importantes - un taux de remplacement plus ou moins élevé, une durée d'indemnisation plus ou moins longue, avec une dégressivité plus ou moins importante. On passerait ainsi d'un système de "protection sociale" à un système de "protection individuelle", fondé sur la responsabilité personnelle et l'on répondrait plus précisément à la diversité des besoins et des circonstances particulières".

Voilà une façon de redonner le pouvoir de décision aux individus concernés, en tournant ainsi le dos aux " luttes de pouvoir entre prétendus partenaires sociaux, aux conflits catégoriels".

Pour être libres, soyons curieux !


Sortir du confort ?

Feu_chemineeLe confort, on l'aime au coin du feu.

Mais dans les entreprises, on parle pas du confort; ça fait "routine", "pépère"..

On préfère jouer au héros, tout en ayant besoin d'amour (le confort d'être aimé).

Et le confort prend d'autres formes, on pourrait l'appeler le conformisme, le masque des apparences.

C'est le confort de l'ego; qui peut nous étouffer comme une armure rouillée.

Comment s'en sortir ?

C'est le sujet de ma chronique sur "Envie d'Entreprendre" de février, qui est déjà en ligne ICI.

Sortez de votre zone confort...

Un clic suffit pour la découvrir.