Ça mâche plus
17 janvier 2013
Il faut peu de choses pour qu'une stratégie dérape. Les tendances de consommation, les signaux faibles de l'économie, des habitudes, atteignent nos parts de marché et la santé de nos entreprises bien avant que l'on s'en aperçoive, et parfois, on attend trop longtemps et il est trop tard pour réagir.
J'avais déjà parlé de la "compression d'âge" qui attaque les fondamentaux du marché des jouets.
Un article de Keren Lentschner dans Le Figaro du 28 décembre vient nous révéler un autre drame : l'essoufflement du chewing-gum.Un comble !
Aprés dix ans de croissance, c'est la dégringolade : le marché régresse en France depuis 2009 ( - 7,5% en 2012, même si on dépense encore 602 millions d'euros pour mâcher), en Europe de l'Ouest, on est à - 4,2%, et aux Etats-Unis à - 2,7%.
Alors, ce qui est intéressant, c'est de savoir pourquoi ce phénomène a lieu.
Réponse immédiate : c'est la crise !
C'est vrai que les chewing gums, on les achète par impulsion, dans les kiosques, aux caisses des bureaux de tabac, des supermarchés; et on mâche au travail et en allant au travail ( même si on peut trouver insupportable de côtoyer de tels mâcheurs dans nos entreprises et dans les bureaux).
Et bien, avec le chômage, moins de travail,....moins de chewing gum. Et puis c'est cher les chewing gums ( jusqu'à 4 € pour un paquet). Entre le chocolat, les "bonbons gélifiés régressifs" ( sic), et un chewing gum, on ne choisit plus le chewing gum.
Et qu'ont fait les fabricants pour essayer de s'en sortir : multiplier les produits nouveaux, les formats. Chez Wrigley, leader du secteur, on a lancé jusqu'à quinze nouveautés par an.
Autre coupable en France : l'Etat. La règlementation s'est durçie sur les comptoirs de caisse ( 98% des ventes); et le chewing gum a perdu douze kilomètres de linéaires en deux ans.
On a aussi essayé le truc "Santé" : le chewing gum qui fait du bien aux dents, sans sucre. C'est le créneau de Freedent ( marque du Groupe Mars Wrigley). Mais cette astuce ne suffit plus pour défendre le marché.
Alors, on cherche, on cherche...Et ce qui ressort, c'est : comment innover ?
L'article nous montre cette effervescence dans la remise à plat complète des stratégies des leaders, Wrigley et Kraft ( marques Hollywood, Malabar, Trident).
Kraft attaque les jeunes : et lance une offre d'entrée de gamme, moins chère, avec des paquets de taille plus petite et même unitaires. Il espère remonter les ventes de 5% cette année.
Wrigley fonce sur la santé bucco-dentaire, les dents blanches, le sourire, la propreté.
Autre action : on réduit les nouveautés, on simplifie la gamme, on clarifie les emballages.
Et puis, ultime cartouche : les nouveaux produits. Le chewing gum qui dure plus longtemps ( "40 minutes de fraicheur"), les tablettes multicouches "aux vrais fruits", spécial pour les ados, le chewing gum qui blanchit les dents, grâce au peroxyde d'hydrogène ( comme dans les dentifrices).
En clair, on lutte pour redonner le goût de mâcher à ceux qui ne mâchent plus. Cela suffira-t-il ? Ou bien toutes ces initiatives ne feront rien contre ce qui est peut-être une tendance plus profonde.
A suivre en 2013.
Bon, et puis les fabricants ont une cartouche secrète : si ça ne mâche plus en Europe ou aux Etats Unis, il reste les petits nouveaux. Les brésiliens, les chinois.
La Chine, tiens. Là, ça mâche bien : + 7% en trois ans .
C'est peut-être le moment de vendre du riz cantonais en France ?
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