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Ailes de cire

IcarusIl paraît que ce sont les deux mots qui font saliver (ou même plus) les businessmen et managers : leadership et global. Alors si vous les mettez ensemble, "global leadership", c'est l'orgasme assuré.

C'est du moins ce que rapporte The Economist cette semaine.On met du global et du leadership partout. Et une catégorie est particulièrement prometteuse, c'est les " Young Global Leaders", ceux qui vont diriger le monde de demain, qui sont guidés par une mission et des principes.

On le comprend, The Economist se moque un peu de cette histoire, et trouve cet engouement un peu suspect.

Car le "Global Leadership", c'est un vrai business : les écoles, les universités, les instituts de formation, ils veulent tous faire du "global leadership", et, forcément, on a aussi des gourous spécialisés dans le global leadership.

Au point de se demander si ces personnes dont le job nécessite de passer du temps dans les aéroports et les avions n'ont pas un peu surestimé cette "globalisation". La plupart des managers passent toute leur vie dans un seul pays, à part les voyages; le commerce, majoritairement, se passe à l'intérieur des frontières d'un pays; les politiques sont locales, les règlementatios aussi. Même quand on est un "global leader", il vaut mieux comprendre la culture locale du pays où l'on veut faire des affaires, et pas seulement se la jouer "global".

Mais il est vrai que le business du "global leadership" prospère. Formations, séminaires, forums, congrés, on a l'embarras du choix.D'où ces programmes dans les entreprises où on considère que pour accéder à un poste au Comex, il faut avoir séjourné dans deux pays différents avant ( j'ai entendu le PDG de Lafarge me raconter cette histoire; il a été DG en Turquie et dans un autre pays avant de prétendre à la promotion comme PDG du Groupe). Chez Nestlé, les membres du Board viennent de huit pays différents.

Par contre, cette histoire de "global leaders" a un autre inconvénient majeur relevé par The Economist, et intéressant.

Il concerne ces personnes que l'on va qualifier de "Young Global Leaders" , la fine fleur de la nouvelle génération de managers prometteurs; vous en avez peut-être rencontré. Ils ont tendance, affublés d'une telle parure, à être plus arrogants.En leur faisant croire qu'ils sont en quelque sorte les "maîtres de l'Univers" on les magnifie ;et cette arrogance leur fait parfois faire des erreurs, par exemple se lancer dans des fusions ambitieuses, alors qu'à l'évidence ces fusions vont se planter. Ils sont équipés des mêmes ailes de cire que Icare et, en s'approchant du soleil du pouvoir,voient celles-ci se brûler.

Si le leadership a un secret, c'est peut-être plutôt celui de l'humilité.pour cela il faut peut-être ne pas écouter seulement les gourous du "global leadership" ou les autres "leaders" que l'on rencontre à Davos; mais aussi des personnes plus anonymes qui ne sont pas à Davos ou dans ces congrés, des personnes qu'on a peut-être oubliées : nos collaborateurs et nos clients.


La machine à idées est-elle cassée ?

MachineideesAlors que la crise semble perdurer, certains avancent que l'une des causes est que l'innovation, celle qui a poussé la croissance des années et siècles passés, a commencé à ralentir. On n'innove plus assez vite; rien de spectaculaire ne sort plus de nos machines à idées.

C'est la thèse de l'économiste Tyler Cowen, star américaine, dans son livre " Great Stagnation". Il considère que nous en avons fini avec l'exploitation des " low hanging fruits" des innovations et de l'économie moderne; maintenant les innovations technologiques continuent, mais elles n'ont plus les mêmes impacts sur notre vie. Le PNB par personne n'augmente plus aussi vite aux Etats-Unis, et dans le monde occidental.

Cette thèse est reprise et analysée dans un récent numéro de The Economist. Pas possible de dire qui a écrit l'article car dans ce journal tous les articles sont anonymes, vous aviez remarqué ?

 Ces économistes pessimistes distinguent deux types de croissance : la croissance "extensive" et la croissance "intensive".

La croissance "extensive", c'est celle qui ajoute plus et mieux en travail, capital et ressources. C'est la croissance qu'ont obtenus les Etats en augementant le niveau d'éducation des travailleurs, par exemple. Ce type de croissance se caractérise par des retours qui se réduisent avec le temps. Si ce n'était que la seule source de croissance, celle-ci s'arrêterait.

Mais il y a la croissance "intensive" : celle-ci est générée par des découvertes permettant de mieux utiliser les travailleurs et les ressources. Ce type de croissance permet une amélioration continue des revenus et du bien-être, et permet aussi une croissance de l'économie, même si sa population diminue.

Ces deux dernières décennies, grâce aux innovations technologiques, la croissance "intensive" s'est accélérée. Mais aujourd'hui nous allons retourner à une croissance "extensive", donc plus lente. C'est aussi la thèse d'un autre économiste, Robert Gordon.

 Pour lui, il y aura probablement d'autres innovations, mais elles ne changeront pas notre vie comme l'ont fait l'électricité, le moteur à combustion,la plomberie,  la pétrochimie et le téléphone?

 Et même si les dépenses en R&D continuent à augmenter, ainsi que le nombre de chercheurs, ils sont moins productifs. On ne fait pas de grand saut. On pensait découvrir la voiture volante, on a trouvé les messages à 140 caractères (Twitter). Si les ordinateurs et l'internet étaient les nouveaux relais de la croissance, selon les deux économistes Gordon et Cowen, cela devrait se voir dans les chiffres; or, on ne voit rien de tel. C'est au contraire la "great stagnation".

Alors, ces économistes américains, ils ont raison ? 

L'article de The Economist présente, heureusement, d'autres arguments pour équilibrer ces jugements.

Et montre que ce qui a tendance a empêcher l'innovation et la croissance, ce sont aussi les régulations, les règlements, les gouvernements, les institutions trop rigides. Parce que les opportunités sont grandes notamment quand on considère la demande dans les pays émergents.  

Ces débats d'économistes pessimistes et de libéraux nous laisse finalement dans une certaine expectative.

Ils permettent cependant de percevoir que, peut-être, ce ne sont pas seulement internet et twitter qui feront la croissance et que d'autres domaines sont encore à explorer et développer.

C'est un message optimiste, finalement, non ?

La machine à idées n'est pas réservée aux geeks.


Ça mâche plus

ChewinggumIl faut peu de choses pour qu'une stratégie dérape. Les tendances de consommation, les signaux faibles de l'économie, des habitudes, atteignent nos parts de marché et la santé de nos entreprises bien avant que l'on s'en aperçoive, et parfois, on attend trop longtemps et il est trop tard pour réagir.

J'avais déjà parlé de la "compression d'âge" qui attaque les fondamentaux du marché des jouets.

Un article de Keren Lentschner dans Le Figaro du 28 décembre vient nous révéler un autre drame : l'essoufflement du chewing-gum.Un comble !

Aprés dix ans de croissance, c'est la dégringolade : le marché régresse en France depuis 2009 ( - 7,5% en 2012, même si on dépense encore 602 millions d'euros pour mâcher), en Europe de l'Ouest, on est à - 4,2%, et aux Etats-Unis à - 2,7%.

Alors, ce qui est intéressant, c'est de savoir pourquoi ce phénomène a lieu.

Réponse immédiate : c'est la crise !

C'est vrai que les chewing gums, on les achète par impulsion, dans les kiosques, aux caisses des bureaux de tabac, des supermarchés; et on mâche au travail et en allant au travail ( même si on peut trouver insupportable de côtoyer de tels mâcheurs dans nos entreprises et dans les bureaux).

Et bien, avec le chômage, moins de travail,....moins de chewing gum. Et puis c'est cher les chewing gums ( jusqu'à 4 € pour un paquet). Entre le chocolat, les "bonbons gélifiés régressifs" ( sic), et un chewing gum, on ne choisit plus le chewing gum.

Et qu'ont fait les fabricants pour essayer de s'en sortir : multiplier les produits nouveaux, les formats. Chez Wrigley, leader du secteur, on a lancé jusqu'à quinze nouveautés par an.

Autre coupable en France : l'Etat. La règlementation s'est durçie sur les comptoirs de caisse ( 98% des ventes); et le chewing gum a perdu douze kilomètres de linéaires en deux ans.

On a aussi essayé le truc "Santé" : le chewing gum qui fait du bien aux dents, sans sucre. C'est le créneau de Freedent ( marque du Groupe Mars Wrigley). Mais cette astuce ne suffit plus pour défendre le marché.

Alors, on cherche, on cherche...Et ce qui ressort, c'est : comment innover ?

L'article nous montre cette effervescence dans la remise à plat complète des stratégies des leaders, Wrigley et Kraft ( marques Hollywood, Malabar, Trident).

Kraft attaque les jeunes : et lance une offre d'entrée de gamme, moins chère, avec des paquets de taille plus petite et même unitaires. Il espère remonter les ventes de 5% cette année.

Wrigley fonce sur la santé bucco-dentaire, les dents blanches, le sourire, la propreté.

Autre action : on réduit les nouveautés, on simplifie la gamme, on clarifie les emballages.

Et puis, ultime cartouche : les nouveaux produits. Le chewing gum qui dure plus longtemps ( "40 minutes de fraicheur"), les tablettes multicouches "aux vrais fruits", spécial pour les ados, le chewing gum qui blanchit les dents, grâce au peroxyde d'hydrogène ( comme dans les dentifrices).

En clair, on lutte pour redonner le goût de mâcher à ceux qui ne mâchent plus. Cela suffira-t-il ? Ou bien toutes ces initiatives ne feront rien contre ce qui est peut-être une tendance plus profonde.

A suivre en 2013.

Bon, et puis les fabricants ont une cartouche secrète : si ça ne mâche plus en Europe ou aux Etats Unis, il reste les petits nouveaux. Les brésiliens, les chinois.

La Chine, tiens. Là, ça mâche bien : + 7% en trois ans .

C'est peut-être le moment de vendre du riz cantonais en France ?


L'open Innovation dans les Services

InnovationopenHenry Chesbrough est connu pour son concept d' "open innovation" que tout le monde a aujourd'hui adopté : L'idée est que les entreprises doivent organiser leurs processus d'innovation pour devenir plus ouvertes aux savoirs et idées externes.

Son dernier ouvrage est spécifiquement consacré à l'innovation dans les services. Car les services sont pour lui le lieu privilégié de l'innovation aujourd'hui.

Une des souces d'innovation dans les services, c'est la spécialisation. Il suffit de voir tout ce qui peut aujourd'hui être externalisé, "outsourcé", grâce justement à des entreprises de services diverses et innovantes, pour le comprendre. La paye - outsourcée ; la compta : outsourcée; l'encaissement - outsourcé; le paiement des fournisseurs : outsourcé; la récupération de l'argent chez les clients mauvais payeurs : outsourcé; la livraison, la logistique : outsourcé.

En fait, on peut tout outsourcer; sauf peut-être la gestion des prestataires d'outsourcing.

Au point de se demander, avec tous ces prestataires qui nous proposent de tout faire à notre place, en se spécialisant, et donc en étant plus efficaces, quels sont donc les process que l'entreprise va décider de garder en interne.

La réponse de Chesbrough a l'air simple : il faut garder ce qui précisément fait la différenciation de l'entreprise, ce qu'elle veut garder comme un savoir-faire à ne pas copier.Ils les appelle les "core processes". Pourtant, même en ouvrant ces "core processes", on peut trouver des opportunités de croissance. Alors ?

Faut-il ouvrir les processus, les partager avec d'autres, en les outsourçant ? ou bien faut-il les fermer, les garder pour soi ?

Deux concepts mis en évidence par Henry Chesbrough viennent aider au choix.

Le premier est celui d'économie d'échelle : on fait une économie d'échelle lorsque l'on réduit les coûts grâce au volume de production de l'item en question. Dans les services, cela consiste à utiliser plus de capacité d'un actif pour exercer le service pour un plus grand volume : Exemple l'utilisation de serveurs, de moyens informatiques, mutualisés, qui abaisse ainsi le coût du service par unité.

Là où l'économie d'échelle est la plus stratégique est dans la valeur du savoir accumulé sur un client grâce aux informations sur les transactions que nous collectons. C'est ainsi qu'Amazon collecte de nombreuses informations sur les achats de ses clients, et est capable d'identifier les habitudes, les préférences, de ces clients.C'est précisémént cette valeur accumulée grâce à la connaissance d'un grand volume de transactions qui apporte la valeur. Et l'économie d'échelle devient un avantage stratégique fort et différenciant. Cet avantage peut bénéficier aux grands acteurs, mais aussi, bien sûr, aux "outsourceurs" qui accumuleront et exploiteront cet avantage.

Alors que les économies d'échelle procurent un avantage en étalant des coûts fixes sur un plus grand nombre de transactions, un autre concept peut procurer un avantage, celui que Chesbrough appelle " economies of scope" ( économies de champ") : celui-ci se réfère à l'efficience qui résulte de l'offre de multiples items par une seule source.

 Là encore un concept bien connu des services. Exemple des banques qui peuvent offrir des produits variés à leurs clients, comme des assurances, sans surcoût important. C'est l'idée du "One Stop Shopping", qui a motivé aussi des entreprises de conseil ou d'informatique à proposer à leurs clients, sous le même toit, la gamme de services la plus étendue. L'idée est de tirer le maximum de revenus d'une "relation client", en proposant le maximum de services à partir de cette relation.

Et, précisément, l'ouverture, " l'open innovation" est un bon moyen pour obtenir plus d'économies d'échelle et plus d' "economies of scope". Comment ?

Deux modèles sont proposés par Henry Chesbrough : "Outside In", où l'entreprise utilise plus d'idées et de technologies externes pour son business, et "Inside Out", qui consiste pour l'entreprise à autoriser les autres à utiliser ses propres idées et technologies.

Outside In et "economies of scope"

Cette ouverture commence quand l'entreprise réalise que, aussi capable et intelligente soit-elle, il existe plein de gens capables et intelligents qui ne travaillent pas pour elle. Et si il existe de nombreuses personnes capables et intelligentes dans le monde, imaginons ce que l'on pourrait en tirer si elles travaillaient pour nous. Pour l'entreprise de service, cette prise de conscience va permettre d'ajouter des services complémentaires aux services déjà proposés aux clients, que l'expérience propre à l'entreprise et ses savoir faire ne pourraient proposer seuls.Cela va permettre d'être encore meilleur en "economies of scope" et en "One Stop Shopping".

Là encore, on pense à Amazon, qui propose de vendre des livres d'occasions d'autres vendeurs sur sa plate-forme.

 Inside-Out et économies d'échelle

 L' "open Innovation" est aussi un moyen de stimuler les économies d'échelle.

Alors que l'entreprise n'a pas intérêt à outsourcer ses "core processes", ceux qui apportent une vraie différenciation, elle peut, à l'inverse, trouver des gains réels, y compris sur ses "core processes", en les proposant à d'autres entreprises ou partenaires. C'est le principe du modèle " Inside-Out". C'est ainsi que Procter&Gamble a distribué des licences de ses technologies et produits à des partenaires pour mieux valoriser ses savoir-faire. Cela permet de faire croître encore plus, et plus vite, les compétences de l'entreprise. Bien sûr, ce n'est pas Unilever qui va prendre la licence de P&G; mais de nombreuses petites entreprises, n'ayant pas la taille, ni les moyens, de la R&D de Procter&Gamble, seont les partenaires adéquats pour ce type d'appproche.

Economies d'échelle, "economies of scope", Inside-Out, Outside-In... : qui a dit qu'on ne pouvait pas pratiquer l' "open innovation" dans les services ?

Merci Henry Chesbrough.

Il ne reste plus qu'à appliquer ces idées dans les plans stratégiques et les Visions des entreprises de service.


Propreté et confiance

FenetresUn appartement à Amsterdam avec de grandes fenêtres.

La confiance.

Les qualités du leader du futur.

L'authenticité du leader qui inspire confiance, aux collaborateurs, aux clients.

Quels rapports entre tout ça ?

C'est le sujet de ma première chronique de l'année sur "Envie d'Entreprendre".

Cela reparle aussi de Bob Johansen.

Pour y voir plus clair, pas besoin d'aller jusqu'à Amsterdam.

Un clic suffit.

Bon voyage.