Une histoire de pressoir
Le complexe de l'édifice

La tyrannie du choix

ChoixRenata Salecl est slovène, philosophe, sociologue et historienne du droit. Son premier livre traduit en français vient de paraître : " La tyrannie du choix".

Elle analyse ce qu'elle appelle la détresse qui se développe chez les gens pour la seule bonne raison qu'ils ont bien trop de choix dans leur vie.

Se référant à Lacan, elle nous explique que l'individu est marqué par un manque qui le conduit à  essayer constamment de récupérer l'objet qui, à ses yeux, incarne la jouissance perdue. Nous sommes donc constamment à la recherche de la chose dont nous espérons qu'elle nous comblera - un conjoint, un enfant, un objet de consommation - et inversement nos choix nous laissent un goût d'insatisfaction. En même temps nous avons l'impression que les autres connaissent la jouissance que nous recherchons, ce qui en retour éveille en nous de l'envie et de la jalousie.

Alors, pour s'en sortir, nous cherchons à éviter de choisir, en en appelant à une autorité, à "l'Autre", que nous nous représentons comme celui qui nous oblige à un choix. L'individu essaye alors d'interpréter le désir de l'Autre pour choisir sans vraiment choisir, comme si son choix était imposé.

Cette expérience de l'Autre est vécue par certains comme un doute, une incertitude : je vais alors me plaindre qu'il n'y a pas d'autorité qui assure la cohésion et l'unité de la société; il n'y a pas de responsable, les autorités sont impuissantes, mon patron est un imposteur, mes associés sont des corrompus ou des impuissants. Ceux là souffrent que l'Autre n'existe pas comme une entité suffisamment puissante et cohérente, et vont rechercher un maître qui semble être responsable de leur choix, tout en s'employant à secouer le joug de son autorité.

Pour d'autres, l'expérience sera celle du la perception du pouvoir menaçant de l'autorité; mon patron me vole mes idées, Dieu communique avec moi et m'envoie des messages secrets, les politiciens conspirent contre moi et menacent mon existence; Pour ceux là, leur conception de ce qu'est l'Autre est bien arrêtée : un regard menaçant ou une voix lancinante. Il vit l'Autre comme une entité matérielle qui exerce une puissance particulière sur lui et sur lui seul.

Cette façon d'analyser le choix veut nous montrer que notre histoire est toujours l'histoire de l'Autre, et même des histoires de l'Autre.

Nous croyions que la possibilité de choisir nous rendait libre; Renata Salecl nous embarque dans des histoires de psychanalyses qui veulent nous démontrer l'inverse : plus nous sommes libres de choisir, plus nous sommes angoissés, et recherchons des moyens de ne pas choisir, recherchant chez un Autre le choix que nous faisons.

Elle cite une chanson de John Lennon :

" La vie, c'est ce qui t'arrive alors que tu es occupé à faire d'autres plans".

C'est pareil pour le choix : réfléchir aux opportunités qui s'offrent et faire un choix ne sont pas la même chose.

Nous pouvons donc, librement, choisir d'accepter ou de refuser la tyrannie du choix.

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