Le rappel de Roselyne
31 juillet 2012
C'est la première lettre des "lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke; j'ai dû la faire lire à de nombreux proches ou collaborateurs ou associés de PMP; à tous ceux qui me parlent de leur motivation, de leur recherche d'orientation professionnelle ou personnelle; à ceux aussi qui me paraisent un peu égarés dans des préoccupations matérialistes et qui perdent le sens; je la relis moi-même toujours avec la même émotion. Elle me guide moi aussi dans mes choix.
Là aujourd'hui, c'est Roselyne qui me l'a rappelé, à l'improviste.
Cette lettre, c'est celle qui répond à un auteur débutant qui demande conseil sur ses écrits au poète. Et il lui répond :
" Vous demandez si vos vers sont bons. Désormais (puisque vous m'avez permis de vous conseiller), je vous prie de renoncer à tout cela. Votre regard est tourné vers le dehors ; c'est cela surtout que maintenant vous ne devez plus faire. Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il
n'est qu'un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d'écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « Je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité. Votre vie, jusque dans son heure la plus indifférente,la plus vide, doit devenir signe et témoin d'une telle poussée."
Et ce conseil en quelques mots :
" Une œuvre d'art est bonne quand elle est née d'une nécessité. C'est la nature de son origine qui la juge.
Aussi , cher monsieur, n'ai-je pu vous donner d'autre conseil que celui-ci : entrez en vous-même, sondez les profondeurs où votre vie prend sa source. C'est là que vous trouverez la réponse à la question :
devez-vous créer ?"
Oui, cette lettre nous parle de nos motivations; pourquoi nous faisons ce que nous faisons; aprés quoi courons-nous. Toutes ces questions qui se posent chaque jour à l'entrepreneur, au manager, au dirigeant, comme au poète.
Car on n'entreprend pas, on ne dirige pas une équipe, une entreprise, avec un objectif seulement matérialiste; il faut autre chose pour y croire, et pour réussir. Ce message a traversé le siècle, et nous parle encore et toujours.
Mais alors, Roselyne ?
Oui, c'est Roselyne Bachelot, qui dans son épilogue à ses carnets de campagnes, " A feu et à sang", se rappelle cette lettre dans la voiture qui la ramène chez elle, aprés cette soirée de défaite pour son candidat le 6 mai dernier. Elle se rappelle cette lettre en se remémorant cette campagne qu'elle n'a pas trop aimée.
Et comment ne pas partager avec elle ses doutes et cette méllancolie :
" Cette exigence exprimée par Rilke, ce refus d'une conception utilitariste de la création me ramènent à la campagne que nous venons de vivre. Qu'allons-nous en retenir ? Probablement son atmosphère de grande violence et la complexité des stratégies électoralistes qui ont conduit les candidats sur des terrains parfois escarpés, voire scabreux. Mais saurons-nous dire quelles valeurs ont été portées et défendues ? Saurons-nous dire quelle vision de l'homme et de la société nous avons voulu promouvoir ? A l'évidence non.
En effet pendant cette campagne présidentielle, personne ne s'est véritablement posé la question des valeurs."
Oui, ces valeurs, les nôtres, individuelles, celles que nous partageons, les valeurs de notre collectivité, notre entreprise, notre société, celles auxquelles on croit, qui nous poussent et nous sauvent, on y revient toujours...
Merci Rainer Maria Rilke,...voilà une belle lecture de vacances.
Et merci Roselyne.....