Eclairez d'abord, éblouissez ensuite
26 avril 2012
Rencontre cette semaine, dans les cadre des conférences proposées par PMP, que j'anime sur "l'innovation managériale", avec Gervais Pellissier, Directeur Général délégué de France Télécom Orange et Jacques Birol, auteur de "52 conseils éternels pour innover et entreprendre, d'aprés les maximes de Baltasar Gracian", et grand amateur du "grosso modo".
Gervais Pellissier m'explique que la crise sociale qu'a connue le Groupe en 2009 a fait prendre conscience combien il était important de rétablir le contact avec les managers, c'est à dire le contact physique. Et tout le COMEX, à l'arrivée de Stéphane Richard, est ainsi parti à la rencontre des managers (il y en a 12 000 !) pendant un an; pire qu'une campagne électorale...
Il est vrai que dans nos entreprises, surtout les plus grosses, avec des centaines de milliers de personnes, on se laisse vite bercer par la communication sous forme de vidéos, de plaquettes, de site web, de réseaux internes d'entreprises,...Tous ces outils sont merveilleux, les messages ont l'air bien écrits, bien dits, tout est là, il n'y a plus qu'à faire descendre tout ça jusqu'au bas de la pyramide, avec internet et l'itranet, et l'affaire est faite...
Et bien non.
Jacques Birol nous l'a dit, reprenant et citant Baltasar Gracian, c'est la rencontre qui crédibilise le message.
C'est en allant physiquement au contact, en serrant les mains, en partageant les émotions, que tout se passe vraiment ( ou pas, car certains ont tellement peur du contact que, confrontés aux autres, ils ne savent plus quoi faire).
Célébrer les succés, distribuer des médailles, partager la fierté des succés, tant opérationnels que commerciaux, faire la fête quand on a réussi, se serrer les uns contre les autres face aux difficultés, aux défis, il faut parfois une crise pour réapprendre ces gestes et comportements, collectivement, et individuellement.
Ce contact, c'est aussi savoir éclairer l'autre.
Citons Baltasar Gracian :
"C'est à celui qui comprend de montrer la lumière; et à celui qui a besoin d'être éclairé de rechercher l'autre. Le premeir doit se ménager, et le second s'empresser. Il suffit au premier de frayer le chemin au second.(...) Aprés être venu à bout du non, il faut attraper adroitement un oui".
Et Jacques Birol :
"Celui qui apporte quelque chose de neuf, qui avance en éclaireur de la réalité, doit se transformer en éclairagiste pour avoir une chance de faire partager puis approuver sa vision. A condition de le faire avec la bonne intensité, ni trop, ni trop peu. Au risque d'éblouir sans forcément éclairer".
En laissant les plaquettes et les illustrations que l'on croit éblouissantes, en allant au contact, ouverts, pour "éclairer" et "attraper adroitement un oui", collaborateur par collaborateur, le management retrouve sa raison d'être et ce rôle d'"éclaireur".
Cela suppose de se détourner de cette vision trop "techniciste" de l'économie, de l'entreprise, du progrès, pour reprendre les termes de l'Encyclique "Caritas In Veritate" de Benoît XVI,. Combien de plans stratégiques, de programmes de transformation, tombent dans ce travers. On croit résoudre les problèmes à coups de KPI (Key Performance Indicators), de contrôles, de mesures, censés démontrer par les chiffres des évidences que personne ne perçoit (lui aussi m'en avait parlé..il appelait ça le trio infernal).
Alors que c'est précisément en évitant ce technicisme que l'on retrouve comment être cet éclaireur.
Eclairer avant d'éblouir...Car éblouir, c'est aussi empêcher de voir, comme être à contre-jour en plein soleil à midi. Ce que l'on appelle "en mettre plein la vue"...C'est à dire rendre aveugle, et anéantir pensée et jugement, tromper.
Eclairante recommandation, non ?
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