Etoile de mer
Performance postmoderne

Modernité : Balzac

Balzac

Alain Bloch, lors de cette conférence, nous avait révélé que pour lui l'entrepreneur c'était " César Birotteau" de Balzac, et qu'il essayait de faire lire cet ouvrage à ses étudiants de HEC Entrepreneurs.

c'est drôle, non, comment un auteur du XIXème siècle, les années 1830 - 1840, résonne encore dans notre société.

Le " Magazine Littéraire" lui consacre son numéro de juin. Cela nous parle de la modernité de Balzac.

Balzac, " la comédie humaine", ça vaut le coup de s'y intéresser aujourd'hui ? On en doute un peu. Et ce serait dommage. J'ai déjà parlé d'oeuvres de Balzac ICI et ICI.

Avec Balzac, plus personne n'est inscrit dans une catégorie fermée - comme dans l'ancien Régime où les aristocrates étaient repérés, les classes clairement définies - mais au contraire on est dans le moment de " l'égalité". Dans ce monde, il n'existe plus de différences, nous sommes "égaux", et l'on peut au mieux parler de " nuances".

S'il existe encore des différences dans nos sociétés modernes (différences de moyens, de chances, de revenus), ces différences peuvent, comme le signale marielle Macé dans un des articles du Magazine Littéraire, " s'évanouir à tout instant. Nul n'est assuré de sa propre place, chacun est exposé  au risque de l'indifférence, de la banalité, une perte se singularité, et doit risquer en tous ses actes la possibilité de sa "distinction"".

L'individuel  n'est plus un donné (comme l'était l'aristocrate), mais une tâche, un problème, un espoir toujours mis en péril.

Et ce qui va faire les différences, ce sont les styles de chacun, jusque dans la démarche, la tenue.

C'est précisément en cela que l'on reconnaît en Balzac un auteur qui effectue un diagnostic puissant des logiques de la société moderne. C'est précisément en juxtaposant, en faisant jouer ensemble ces styles et démarches de tous ses personnages qu'il fait de la "comédie humaine" un portrait composite de l'individu social moderne.

Selon Marielle Macé, il préfigure ce que Foucault dira en 1983 : " Ce qui m'étonne c'est le fait que dans notre société l'art est devenu quelque chose qui n'est en rapport qu'avec les objets et pas avec les individus ou la vie...Pourquoi une lampe ou une maison sont-ils des objets d'art et non pas notre vie ?".

Balzac a poussé tellement loin la fréquentation de son monde de personnages qu'il en a été lui-même pris au piège.

Une anecdote, rapportée par Octave Mirbeau et reprise dans un autre article du Magazine Littéraire par Franc Schuerewegen, est édifiante à ce sujet :

Le 18 août 1850 au soir Balzac est à l'agonie, et refuse les soins de son médecin traitant le Dr Nacquart. A la place le mourrant exige qu'on appelle le Dr Bianchon, son personnage, " il me faudrait Bianchon !". Ainsi la frontière entre la fiction et la réalité cesse d'exister. Balzac devient le martyr de la littérature.

Ce dossier du Magazine Littéraire risque peut-être, lui aussi,  de nous rendre nous-mêmes martyrs de Balzac; et nous donner envie d'aller chercher dans les styles de la " comédie humaine" de quoi porter un regard acéré sur l'homme moderne. Bien joué !

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