L'arbre le plus important du monde : Colombo mène l'enquête
10 juin 2011
La science aujourd'hui est en ébullition. Sur des sujets majeurs de société comme la santé ( fallait-il acheter autant de vaccins H1N1 ?), l'alimentation et l'agriculture ( les OGM c'est bon ou c'est pas bon ?), les arguments et contre-arguments des uns contre les autres laissent une drôle d'impression. Pour le grand public, cela devient difficile de se faire une opinion; alors on a tendance à se laisser convaincre par ceux qui parlent le plus fort.
C'est le thème de l'ouvrage de Jean Staune, " La science en otage" : il démonte ces controverses, va jusqu'aux sources des uns et et des autres, et tente de comprendre les mécanismes qui font de la science l'otage de positions idéologiques.
Le sujet qui, forcément, est particulièrement chaud, c'est justement...le réchauffement climatique.
C'est une véritable guerre entre ceux qu'il appelle "les réchauffistes", qui prouvent et reprouvent que la Terre se réchauffe de plus en plus; et les anti, ceux qui font tourner le débat Allègre, que Jean Staune appelle les "climato-sceptiques"..
En allant rechercher les statistiques et études à la source, Jean Staune nous apprend ainsi que s'il est vrai que la Terre s'est bel et bien réchauffée au cours du XXème siècle, elle ne se réchauffe plus depuis 10 ans. Et personne n'analyse le pourquoi de ce phénomène, ni ne communique dessus, et surtout pas les "réchauffistes", de peur de casser leur argumentaire sur les risques du réchauffement. Autre élément, qui fait complètement partie des argumentaires communiqués, il n'existe pas de preuve que ce réchauffement soit dû à l'activité humaine.
Ce qui est intéressant, c'est de suivre Jean Staune quand, tel un Colombo de la science, il va traquer les failles des thèses et démonstrations des scientifiques.L'histoire de l'arbre le plus important du monde m'a bien plu.
Un scientifique, Keith Briffa, membre du Climate Research Unit, Département du GIEC, a fait paraître une étude en 2000, qui analysait la variabilité du climat grâce à l'étude des cernes de croissance d'arbres particulièrement bien conservés grâce au grand froid, dans la péninsule sibérienne. En effet, plus il fait chaud, plus les cernes sont écartés, et inversement quand il fait froid.
Cette étude a ainsi "montré" que le climat a été un peu près stable, en Sibérie, avant de connaître une accélération brutale sur les cinquante dernières années.
Keith Briffa ayant publié non seulement l'étude, mais également donné accés aux données qui lui ont permis d'arriver à cette conclusion, d'autres scientifiques ont essayé de refaire les calculs. C'est le cas de Stephen McIntyre. Il s'est alors aperçu, je cite Jean Staune :
Parmi les dizaines d'arbres disponibles dans le lieu étudié, Briffa n'en a sélectionné qu'une douzaine, et ce sont précisément ces douze arbres qui expliquent la variation de la courbe. Bien plus, un seul de ces arbres est à lui seul responsable de l'essentiel du résultat, puisqu'il s'écarte de la moyenne de huit écarts types. Ce qui fait dire à Stephen McIntyre que c'est l'arbre le plus important du monde, puisqu'il permet de montrer que la température que nous avons connue ces dernières décennies est exceptionnelle.
Le propos de Jean Staune n'est pas de soutenir une thèse plutôt qu'une autre, mais plutôt de nous faire partager son étonnement : comment se fait-il que sur des sujets aussi importants des scientifiques en arrivent, pour soutenir ou infirmer telle ou telle thèse, à produire des études avec de tels biais et déformations. La science est "en otage" parce que des intérêts économiques viennent se m^ler à la recherche. Les lobbyes pétroliers veulent soutenir les "climato-sceptiques", les écologistes, pour répondre aux lobbys, veulent en faire trop pour défendre leurs thèses.
Ce qui conduit à décrédibiliser les défenseurs des deux thèses; les climato-sceptiques, comme les réchauffistes, ont alors tendance à vouloir en faire trop. A affirmer avec certitude des hypothèses qui ne sont pas complètement établies.
Ce qui le conduit à en appeler à une nouvelle science, plus innovante, ce qu'il appelle "une science révolutionnaire", celle qui permet de changer de paradigme, de développer des idées radicalement nouvelles. Il regrette, avec d'autres auteurs qu'il cite, que la pratique scientifique d'aujourd'hui ne forme que des artisans et non des visionnaires. Des artisans qui, de plus, se mettent parfois au service de causes qui leur font perdre leur crédit.
Il sent que cette affaire va assez loin, et influence les écoles et universités, car ceux qui évaluent les étudiants sont les adeptes de ce que l'on appelle " la science normale", et désirent voir les étudiants se comporter et raisonner comme eux, c'est à dire des gens brillants mais non innovants.
Intéressante conclusion puisque l'on retrouve, dans cette analyse de la science, des comportements, et des critiques, qui sont précisément les mêmes que celles que l'on ressent dans d'autres disciplines, et dans le management de nos entreprises. La vision du monde produite par la science, et celle qui impreigne son enseignement et sa pratique, est aussi facteur d'influence pour nos pratiques de management.
Méfions-nous des arbres de Sibérie...Ce sont eux qui peut-être, nous empêchent d'être innovants.
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