Un point indivisible qui soit le véritable lieu : l'identification contre l'imitation
26 avril 2011
Dans le dialogue entre René Girard et Benoît Chantre que constitue "Achever Clausewitz" (et dont je poursuis la lecture, évoquée ICI ), on constate que la figure de Napoléon exerce sur Clausewitz un double effet : du rejet, car c'est contre Napoléon qu'est écrit "De la guerre", ce Napoléon qui a gagné la bataille d'Iéna en 1806 contre les Prussiens. Cette bataille précède le traité de Tilsit qui, en juillet 1807, va amputer la Prusse de la moitié de son territoire, qui va perdre 5 millions d'habitants, et devoir une énorme indemnité de guerre.
C'est précisément cette honteuse défaite qui va, au dire des historiens, alimenter tout le regain du nationalisme allemand, et les conflits du XIXème et XXème Siècle entre la France et l'Allemagne. Clausewitz est le théoricien de cet appel à la transformation de l'Allemagne.
Mais, comme le remarque René Girard et Benoît Chantre, ce rejet comporte aussi, de la part de Clausewitz, une véritable fascination, admiration (?) de Clausewitz pour Napoléon. qui exerce sur lui un "désir métaphysique".
Cette analyse est alors l'occasion de parler de cette distance difficile à trouver lorsque l'on regarde l'autre, une situation, un objet.
Benoît Chantre rappelle cette citation de Pascal, qui évoque la distance qu'il faut pour voir un tableau, ni trop loin, ni trop près :
" Il n'y a qu'un point indivisible qui soit le véritable lieu.Les autres sont trop près, trop loin, trop haut, ou trop bas. La perspective l'assigne dans l'art de la peinture, mais dans la vérité et la morale qui l'assignera ?".
Dans toute situation, ce thème nous revient. Être trés près de l'autre est le signe d'uen forte empathie, mais qui devient mimétique quand elle est excessive; l'excessive indifférence est tout aussi mimétique; et dans les deux cas ce mimétisme appelle la violence contre l'autre.
Ce "point indivisible qui soit le véritable lieu" dont parle Pascal, c'est la charité. Et René Girard en conclue que :
" A l'heure où la transcendance des modèles ne nous est plus donnée, c'est à nous qu'il importe de rétablir cette transcendance, en résistant à l'attraction irrésistible que les autres exercent sur nous et qui conduit toujours à la réciprocité violente."
C'ette capacité à maintenir l'autre à distance, c'est l'identification, elle trouve son inspiration dans le Christianisme, qui délivre précisément le message permettant d'échapper à l'imitation des hommes. Pour sortir de la spirale mimétique, cela consiste à ne plus imiter pour ne plus être imité.
Car "imiter le Christ, c'est s'identifier à l'autre, s'effacer devant lui". L'identification à autrui est ainsi envisagée, par Benoît Chantre comme René Girard, qui convergent dans cette analyse, comme "une correction de notre tendance mimétique".
Le mimétisme, source de désir et de violence, ainsi opposé, grâce à ce "point indivisible qui soit le véritalbe lieu" , à l'identification à autrui, elle-même inspirée par l'imitation du Christ.
Voilà de belles réflexions pour apprendre à prendre du recul et à garder nos distances face aux situations, aux autres, et à nos émotions.
Peut-être de quoi tirer un peu de sagesse pour trouver sa place dans des situations de crise, de conflits, ou de changement. En fait, toutes situations.
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