Détruire pour créer
Qui se ressemble...se tue

Tout faire soi-même !

Mmaudit

J'avais déjà fait un post sur les capacités managériales du personnage ICI..

Je retrouve ce trait, à propos du même personnage :

"Tout faire soi-même. La litanie des mauvais managers qui ne savent ni déléguer, ni responsabiliser. Avec cet état d'esprit, il ne serait pas capable de diriger une PME de six salariés".

Celui dont on parle, c'est Nicolas Sarkozy, bien sûr,  Président de la République française, qui gouverne un pays de plus de soixante millions d'habitants. Et celui qui l'épingle ainsi, c'est Franz -Olivier Giesberg, dans son nouvel opus, " M. le Président".

Contrairement aux patrons, qui peuvent se faire plus discrets,  le métier de Président de la République est, grâce à ce type de journalistes, trés exposé; on sait tout sur lui, ses tics, ses petites phrases. Franz-Olivier Giesberg est un orfèvre; il note tout ce qu'il entend dans des cahiers à spirales, et il balance dans un livre. C'est le cas de celui-ci.

Ce qui le rend sympathique, à lire son livre, c'est de voir qu'il n'est pas dupe de son affaire :

" Je plains les politiques, je les plains bien sincèrement. Quand, par leur talent et leur travail, ces pauvres diables réussissent à sortir du lot, ils deviennent le matériau de base des scribouillards frivoles et irresponsables dans mon genre, qui s'en saisissent pour les broyer, le temps d'un livre ou d'un article, sous leurs espiègleries ou leurs dénigrements systématiques".

En même temps, ils doivent être un peu complices car ils savent bien, quand ils parlent à des journalistes, que tout ça se retrouvera à un moment ou à un autre écrit quelque part...

En tout cas, l'ouvrage tient ses promesses. Le Président, c'est "M. le président", comme le personnage de "M. le maudit" du célèbre film de Fritz Lang : il est tout de suite repéré, et il est bien chargé.

Mais, comme dans le film, l'ouvrage de Franz-Olivier Giesberg parle autant, voire plus, de l'auteur que de Nicolas Sarkozy; car en le lisant on en apprend aussi beaucoup sur l'auteur, ses admirations pour Nicolas Sarkozy, qui l'a impressionné dans sa gestion des crises, et ses sourires distants quand il le voit faire devant lui son cinéma.

Et cela n'arrête pas; Nicolas Sarkozy parle tout le temps, beaucoup, car il sait tout sur tout mieux que tout le monde :

" C'est ainsi que Nicolas Sarkozy explique sans cesse leur métiers aux industriels, aux producteurs de cinéma ou aux patrons de presse. Prière d'opiner. Génie sans frontière, il connaît la solution magique pour tous. Si on l'écoutait, tout irait tellement mieux. Même les trains arriveraient à l'heure".

Et cette conviction, qui le fait se sentir si seul, " de n'être entouré que de charlots et de zombies", ceux qu'il traite de "connards" ou de "valises sans poignées" (paraît-il une de ses expressions favorites).

 Alors, il parle :

" Parlant tout le temps et s'étourdissant de ses discours, il ne peut, bien sûr, écouter personne. Il est épuisant et saoulant, comme tous les moulins à paroles".

C'est un de ses ministres, cité, mais non identifié, qui dit de lui :

" Souvent, quand il est dans ses transes éructantes, on a envie de lui jeter un verre d'eau à la figure. Pour son bien. Pour le rafraîchir et pour qu'il s'accorde une pause".

Ce personnage qui parle tout le temps et n'écoute pas, Franz-Olivier Giesberg l'appelle "l'enfant-roi", c'est le titre d'un des chapitres. C'est l'attitude qui consiste à s'énerver fort quand il a affaire à quelqu'un qui n'est pas d'accord avec lui, ou le contredit; Nicolas Sarkozy est ainsi décrit comme un enfant-roi qui ne s'arrête jamais. 

" En plus, celui-là est un surdoué qui a décidé qu'il serait le meilleur. Par exemple le président qui a fait le plus de kilomètres à travers le monde. Celui qui a mis en oeuvre le maximum de réformes".

Etc..." S'il faisait le Tour de France, il lui faudrait gagner toutes les étapes".

Il y a une autre face à ce portrait : ce personnage enfant-roi, qui fait tout pour faire le vide autour de lui, se faisant détester par certains, et a tellement envie de reconnaissance, il inspire aussi, comme un homme blessé,  une forme de compassion, que Franz-Olivier Giesberg ressent aussi.

Et l'épilogue de ce récit est particulièrement troublant, comme une pirouette qui vient tout remettre en cause.

Cela se passe le jour de la Saint Valentin, le 14 février 2011 : Nicolas Sarkozy a invité Franz-Olivier Giesberg à déjeuner.

" Je serai la midinette. Il sera mon prince. La messe est dite".

Dans le récit de cet entretien, on y voit un Nicolas Sarkozy parlant de littérature, citant les auteurs, Steinbeck, Levi-Strauss, Sartre ("Tu connais Les Mots de Sartre, avec sa construction en deux parties), Camus, Céline.Franz-Olivier Giesberg en est bluffé :

" En vieux journaleux, professionnel de l'incrédulité, je n'en reviens pas. (...). Il assure. Y compris quand la conversation roule sur des auteurs de mon choix, comme Prosper Mérimée, ou que je laisse une phrase en suspens, pour qu'il la termine.

Depuis un quart de siècle que je le fréquente, Nicolas Sarkozy ne m'a jamais laissé entrevoir cet aspect-là de son univers personnel. S'il avait juste potassé quelques fiches dans les jours qui précèdent, je l'aurais démasqué. Si sa science est récente, ce que je subodore, il a déjà beaucoup lu. Mais bon, contrairement à la légende que j'ai contribué à entretenir, il est tout sauf inculte : quitte à passer définitivement pour un gogo ou un couillon, je dois à la vérité de le reconnaître".

On lit ça comme un roman : qui berne l'autre ? Faut-il y croire ? Doit-on y voir la fourberie de l'un, qui a choisi le bon sujet de la littérature et de la culture pour faire douter, voire changer, l'autre ? Ou bien est-ce une preuve que M le président n'est pas celui dont on cru lire le portrait complet dans les 250 pages précédentes ? Au point de douter : " Je me demande si je ne devrais pas réécrire plusieurs pages de mon livre".

Et les dernières lignes sont éclairantes sur le trouble qui a saisi l'auteur :

" Parfois il faut cinquante ans pour faire un homme. Parfois soixante. Nicolas Sarkozy n'est plus tout à fait le même. Il a peut-être enfin commencé à se trouver.

Il est fait; il est fini".

On dirait la fin du premier tome d'une saga qui ne s'arrêtera pas; comme si on n'avait pas encore tout vu; qu'une nouvelle page était prête à s'ouvrir. Avec toute la double signification de ce mot de "fini". Jolie formule en effet.

Ce personnage enfant-roi n'a peut-être pas tout révélé finalement.

C'est du moins sur cette impression que nous laisse ce dernier bon roman de Franz-Olivier Giesberg. 

En bonus : un séance de confidences de F.O.G par Sarkozy :

 


Nicolas Sarkozy raconté par Franz-Olivier Giesbert par FranceInfo

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