Notre époque aime la laideur ...et le faux !
15 janvier 2011
J'en suis encore tout ébahi.
L'armée des soldats de terre cuite, les 8000 guerriers, découverte dans le tombeau du premier empereur de Chine, près de Xian, l'empereur Ts'in Che Houang-ti , sont des faux.
Pour moi qui m'était extasié lors de cette visite il y a quelques années, devant ces statues impeccables, au patrimoine de l'Unesco, quelle désillusion !
c'est Jean Levi qu révèle l'imposture dans son livre " La Chine est un cheval et l'Univers une idée".
Cette armée de 8000 soldats d'argile qui a été exhumée il y a maintenant trente ans du tombeau du Grand Empereur est entièrement constituée de faux fabriqués à la chaîne à l'époque de Mao. Selon Jean Levi, " il ne s'agit pas de reconstitutions maladroites, car trop poussées, mais d'une pure et simple falsification".
Car le tombeau en question a été rasé, pillé, brûlé, par le général Hsiang Yu lorsqu'il pénétra à l'intérieur des passes du Qin et s'empara de la ville.
Dans ces conditions, " l'armée de terre cuite ne pouvait être qu'un monceau de débris calcinés, impossibles à reconstituer. Or, quand on les voit maintenant, tous les guerriers sans exception sont dans un état de conservation parfaite."
Personne n'en parle. toute la planète fait semblant. Incroyable non ?
Le plus incroyable, c'est comment on a reconstitué ces guerriers :
" Les statues ont été refaites, non pas d'aprés l'original, dont on ne peut rien connaître, mais d'aprés l'idée que les cadres butés du Ministère de la Culture se font d'une statue funéraire du Premier Empereur - ce que le Grand Timonier aurait commandé pour lui, si au lieu de vivre au XXème siècle il était mort au IIIème siècle avant notre ère. Leur facture anachronique a d'ailleurs frappé tous les spécialistes, sans qu'ils en tirent les conséquences qui s'imposaient.
Il s'agit d'un travail moderne, éxécuté à la chaîne par des armées de forçats contemporains, dans des fours du XXème siècle, sous la surveillance de bureaucrates maoïstes. L'on ne peut qu'être saisi par la parenté entre les guerriers Ts'in du mausolée de Ling-tong et les productions du réalisme socialiste. Le modèle dont se sont inspirés les artistes chinois me paraît être une statue en bronze de Lénine fondue en 1937".
Bon, une fois avalée cette histoire, on se demande forcément : pourquoi ?
Pourquoi est-ce que cette imposture marche aussi bien, personne ne venant la mettre en cause. C'est une véritable unanimité sur ces merveilleux guerriers. Et tout le monde les admire, quand ils se promènent dans tous les musées de la planète.
Jean Levi, forcément, donne son explication, particulièrement effrayante :
" Le faux est devenu fait historique par simple décision d'Etat, avec la complicité de toute la planète qui a collaboré avec zèle à cette entrepise de mystification. Les statues ont trouvé dans l'homme moderne un terrain particulièrement réceptif. Notre époque aime la laideur. Si les gigantesques crottes de terre cuite du mausolée de Ling-tong ont pu rencontrer l'adhésion unanime tant du public que des esthètes, c'est qu'elle flattaient le mauvais goût général. Ces statues portent l'empreinte d'un matérialisme obtus et épais aux antipodes de l'esprit des Royaumes Combattants. C'est parce qu'elles sont frappées du sceau irrémédialbe de l'esprit petit-bourgeaois qu'elles remuent nos contemporains de cette façon.".
Ce qui plaît, et qui explique l'admiration du grand public, c'est aussi la quantité, le grand nombre :
"Nous vivons aujourd'hui sous la tyrannie des grands nombres. Produit et vecteur de fabrication en série, la foule, qui veut un monde à son image, tient le nombre pour une des dimensions nécessaires de l'esthétique. Investi d'une sorte de sacralité technoscientifique, lui seul peut suppléer désormais à la perte de l'aura de l'oeuvre d'art".
Ces guerriers trés lisses, trés industriels, ils sont également, selon Jean Levi, en perfecte adéquation avec le goût de la multitude (j'ai l'impression que cet auteur n'aime pas trop la foule; un côté un peu snob, on dirait..) :
" Les soldats de Ts'in Che Houang-ti impressionnent non parce qu'ils sont le fruit du génie humain, mais parce qu'ils portent la marque mécanique de la production à la chaîne. Le siècle a flairé avec une intuition trés sûre le caractère industriel de leur fabrication. Comme il n'a pu qu'être sensible à la modernité de la facture. Ces guerriers façonnés au IIIème siècle avant notre ère pourraient être d'aujourd'hui, s'est-il émerveillé. Ils ne portent aucun stigmate temporel : ni fêlures, ni usure, ni patine ne les déparent. Ils brillent comme des sous neufs. Pas plus que leur réalisme consternant ne propose une autre vision du visage humain, plus spirituelle ou plus épurée. On peut être sûr qu'aucune âme ne les habita jamais".
Jean Levi va encore plus loin en considérant que nous sommes aujourd'hui dans le mythe de la perfection du présent. Le passé, qaund il subsiste, ne peut être considéré que comme un simili :
" Il est un faux passé, reconstruit de façon à en fournir une image édulcorée et remaniée, acceptable pour l'homme d'aujourd'hui, même si et surtout si cette édulcoration se présente sous les traits du gigantisme".
Dans cette histoire, telle que décrite et commentée par Jean Levi, on se sent vivre, piégé, victime consentante, dans un monde façonné par des faussaires..
Et si le faux a l'air aussi vrai, ne va-t-on pas finir par croire que le vrai, lui, devient de plus en plus faux ?
C est mignonet comme analyse, mais il faudrait l étayer de preuves et d' arguments pour que cette article devienne autre chose que de la fiction.
Rédigé par : Test | 21 janvier 2011 à 08:07
Je me suis rendu en Chine, il y a quelques années de celà, et j'ai eu la chance de pouvoir visiter le dit musée. J'ai vu les entrées calcinées, les portes défoncées et de grandes quantités de statues détruites, jonchant le sol de mille éclats d'argile. Il y a bien la trace des destructions du passé. L'accusation de faux est une accusation politique et philosophique de notre époque, et cette armée ne semble être qu'un vulgaire bouc-émissaire pour Jean-Levi qui me semble être le vrai pris au piège.
Rédigé par : Romain B. | 26 janvier 2011 à 15:32
Si ce qu'écrit par ailleurs ce Jean Lévi est aussi exact que ce qu'il dit des soldats de Xian, on peut oublier ce sinologue... Il suffit d'aller à Xian et d'analyser la topographie, de voir les monceaux de statues brisées, calcinées pour comprendre que l'hypothèse de ce sinologue français n'a qu'un but idéologique....
Rédigé par : Gambus | 06 janvier 2013 à 02:16