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Des épaules de géants de plus en plus difficiles à atteindre...

Jeuneetvieux

Pourra-t-on encore innover en 2011 ?

Drôle de question; mais réfléchissons-y.

Pour innover, ne faut-il pas déjà avoir assimilé toutes les connaissances préalables déjà découvertes par ceux qui nous ont précédé ? C'est Newton qui disait "Si j'ai vu plus loin que les autres, c'est que je me suis placé sur les épaules de géants".

On imagine bien, en effet, que ceux qui veulent produire de nouvelles idées dans un domaine doivent déjà investir le temps nécessaire, souvent considérable, dans l'apprentisage des savoirs existants dans leur discipline.

Dans ce cadre, il n'est plus possible d'être le "touche à tout" comme Léonard de Vinci; non, aujourd'hui, le mot c'est : spécialisation. C'est en se spécialisant de plus en plus que l'on progresse.

Et pour que l'on puisse couvrir des champs d'analyse suffisamment larges, et bien il faut que les innovateurs travaillent en équipe, chaque membre de l'équipe avec sa spécialité. Mais cette collaboration est forcément plus coûteuse, plus compliquée à organiser, que la recherche individuelle. Et on est oligé d'imaginer des méthodes, des process, pour la recherche d'idées innovantes, qui peuvent être moins productives.

D'où l'inquiétude de certains : Et si tout cela conduisait à ce que la capacité de l'humanité à innover aille en s'amenuisant ?

Cédric Argenton, dans le numéro d'Automne de la revue "Commentaire", aborde ce sujet, en référence à un article d'un professeur de l'Université Northwestern, Benjamin F. Jones.

 S'appuyant sur un historique des dépôts de brevets américains, Jones démontre que, au cours du temps, l'âge lors de la première invention, le degré de spécialisation des innovateurs et la taille des équipes de recherche ont augmenté de manière substantielle. C'est ce qu'il appelle la "malédiction du savoir" : les agents réagissent à l'accroissement continu du stock de connaissances à assimiler par une durée plus longue d'études et une spécialisation de plus en plus grande.Du fait de cette "malédiction", il devient de plus en plus dur de se porter à la frontière des connaissances; la compétition entre chercheurs augmente, et les capacités d'innovation diminuent du fait de la spécialisation poussée.

Ce modèle de Jones fonctionne comme un filet où la pêche aux idées devient de plus en plus difficile : une fois pris les premiers poissons, la chance d'en attraper d'autres s'amenuise. Cet effet ne peut être compensé que par un constant effort de resserrement des mailles du filet.

Ce modèle de la malédiction, il repose en fait sur l'hypothèse que la spécialisation serait en fait l'ennemi de l'innovation; et que c'est en perdant les visions d'ensemble que l'on devient maudits.

Cette hypothèse peut encore être interrogée, comme le remarque Cédric Argenton dans son commentaire.

Et il souligne un enjeu trés important, dans le cas où ce modèle aurait du sens : Un des objectifs cruciaux de l'innovation pour demain sera de maîtriser le taux auquel une génération transfère ses connaissances à la suivante, ainsi que la capacité des individus à collaborer au-delà des barrières disciplinaires.

Des sujets que l'on a encore peu abordé, malheureusement, dans les discussions agitées par le débat sur les retraites en France en 2010...Un bon sujet pour 2011 alors.


Pourquoi la minorité doit-elle se soumettre à la majorité ?

Majorite

La décision dans l'entreprise, certains sont convaincus que c'est une affaire individuelle; on réfléchit à plusieurs, mais on décide seul. C'est la thèse de mon ami Olivier Zara.

Pourtant, la décision collective, c'est celle qui s'applique quand il s'agit de choisir à plusieurs la meilleure option entre deux ou plusieurs alternatives. Alors, on vote. Comme pour élire le Président de la République, un député, mais aussi pour voter dans les conseils d'administration, et en certaines occasions solennelles dans l'entreprise.

Et là, une règle s'applique le plus souvent, mais pas toujours, qui est devenue tellement habituelle qu'on ne la challenge plus, c'est ce qu'on appelle la "règle de la majorité" : c'est celle qui dit que, à l'issue d'un vote, une majorité se dégage (qui a recueilli plus de la moitié des voix plus une au minimum), et alors la minorité doit se soumettre sans discuter à l'opinion de la majorité.

On retrouve cette règle dans les régimes démocratiques, même si on peut avoir l'usage de la règle de la majorité dans des régimes pas forcément démocratiques pour autant, et inversement. Par exemple, le premier tour de la Présidentielle en France n'utilise pas la règle de la majorité pour décider du vainqueur; c'est le deuxième tour seulement qui prend en compte la règle de la majorité pour désigner le vainqueur.

Pour réfléchir à cette question, l'AJEF (dont j'ai déjà rendu compte de conférences brillantes ICI et ICI), avait invité Philippe Urfalino, professeur au CNRS et à l' EHESS, pour nous parler de : " Vivre ensemble : pourquoi la minorité doit-elle se soumettre à la majorité ?".

Philippe Urfalino a commencé par balayer de la main les justifications qu'il qualifie de légères et non convaincantes.

Les justifications qui n'en sont pas : trois idées fausses

Une première idée répandue est que la majorité s'imposerait comme une évidence  : La règle de la majorité serait en fait une règle par défaut; la perfection étant le consentement de tous, l'unanimité, mais celui-ci ne pouvant être atteint, on se rabat sur la majorité, c'est la règle qui ferait le moins de mal. en fait, rien ne dit que cette règle a permis de prendre la meilleure décision, conc, on peut contester cette justification, ce que fait Philippe Urfalino.

Deuxième idée, la règle de la majorité serait une protection contre la violence; elle permettrait de régler les rapports de force sans faire la guerre; c'est ce que l'on appellerait "le droit du plus fort"; mais là encore, Jean-Jacques Rousseau vient à notre secours pour nous signaler que rien ne dit que le plus fort est celui qui a raison, et a encore moins un droit; on peut parler de règle du plus fort, mais absolument pas du "droit" du plus fort; dans la philosophie rousseauiste, le plus fort n'a pas plus de droit que le plus faible.

Troisième idée combattue par Philippe urfalino, la règle de la majorité serait la règle de l'égalité. C'est le principe "un homme, une voix" , tout le monde a le droit de s'exprimer. Et le choix s'impose. Là encore, Philippe Urfalino nous ouvre les yeux sur cette pseudo règle d'égalité qui n'est basée que sur le seul nombre. Ce qui est loin d'être évident. Il nous a rappelé la règle en vigueur dans l'église médiévale, pour régler les élections dans les ordres monastiques : selon la règle de Saint Benoît, c'est l'unanimité qu'on espérait, dictée par l'Esprit Saint. Et quand l'Esprit Sain n'était pas assez inspirant, c'est à dire la plupart du temps, on adoptait une règle où l'on accordait la décision à la "meilleure part", c'est à dire qux plus "sages qui n'étaient pas forcément les plus nombreux. Il fallait donc cette sagesse en plus pour se déclarer vainqueurs, et non le nombre (pas facile, c'est vrai, d'en faire une règle incontestable).

De nos jours, on a oublié cette histoire d'avis "des sages", pour donner de plus en plus d'importance au seul critère du nombre, avec son aboutissement dans la notion de "suffrage universel" où n'importe qui, même le moins "sage", a une voix (ce qui a fait l'objet de grands débats politiques lors de son adoption - rappelons nous les révolutionnaires qui avaient décidé qu'il fallait être propriétaire pour voter, et c'est Napoléon III qui fera voter les paysans en 1848, et De Gaulle qui fera voter les femmes en 1944, Giscard d'Estaing fera voter le droit de vote aux jeunes de 18 à 21 ans en 1974;).

Alors, pour nous aider à mieux comprendre la justification "juste" de la règle de la majorité, Philippe Urfalino nous a livré les théories de deux penseurs du sujet : Condorcet et Kelsen.

 

Lire la suite "Pourquoi la minorité doit-elle se soumettre à la majorité ?" »


Français et chinois en réunion : ne pas mélanger !

Discipline

Discussion cette semaine avec un dirigeant d'une entreprise chinoise implantée en Europe, et une spécialiste du management dans la culture chinoise.

Le sujet, c'est : qu'est ce qui est différent chez les chinois en terme de management, lorsqu'ils sont "mélangés" avec des non chinois ? Dans l'entreprise en question, il y a 40% de chinois (surtout parmi les chefs) et 60% de non chinois.

Chez les chinois, ce qui compte, c'est la personne et la relation que les personnes ont entre elles. Ainsi, pour un collaborateur subordonné, le principal est de flatter le chef, de ne jamais le contredire; Et la hiérarchie est de première importance.

Ainsi, une réunion avec des chinois : le premier qui parle c'est le moins gradé, puis la parole est du moins gradé au plus gradé; à grade égal, le dernier mot revient à celui qui est dans le grade depuis le plus longtemps. Dans cette réunion, personne ne va dire qu'il n'est pas d'accord; pour exprimer ce qui pourrait être un désaccrod, il convient de ne rien dire, ou bien de parler d'autre chose. C'est à ces signaux faibles et subtils, mais qu'un chinois prend l'habitude de repérer, que l'on comprend ce qui se passe.

En fait, dans ce genre de réunions, il ne se décide rien; juste un échange formel de respect hiérarchique.

Alors, forcément, le dirigeant évite de mettre des français dans les réunions "de chinois".

Les chinois voient d'ailleurs les réunions avec les français comme pas du tout efficaces : les français, vus par les chinois, parlent beaucoup en réunion, aiment le débat, mais ils n'écoutent pas; ils se disputent; il n'y a pas d'harmonie.

Toute notion de consensus, qui pourrait sembler ressortir des réunions de chinois qui ne se contredisent pas, est, aux yeux des français, perçue comme suspecte. Essayez d'imaginer un adjectif qui irait particulièrement bien aprés le mot consensus..

UN consensus....

Et oui, vous l'avez dit : un consensus mou. C'est à dire une situation d'a peu près, de faible mobilisation des équipes, d'efficacité pas terrible.

Alors, finalement, c'est quoi la bonne réunion ?

Le dirigeant ne tranche pas, car l'harmonie c'est bien; cet échange de bonnes paroles, cela permet de garder ce sens des relations, le respect de la famille.Dans la culture chinoise, les relations interpersonnelles sont prépondérantes.

Mais le débat, c'est ce qui fait progresser; c'est ce qui permet de fixer des challenges, d'envisager des alternatives auxquelles on n'aurait pas pensé tout seul. A conditions que ça soit pas le bazar.

Bon, le mot "harmonie", trés chinois, on retient.

On ajoute dialogue, dynamique, brainstorming.

On enlève le bazar.

Le mélange reste à inventer; à expérimenter.

Et si l'on mettait un peu de chinois dans nos réunions françaises ? L'harmonie ?


Intégrer pour innover

Innovationparticipative

Pour innover dans l'entreprise, dans nos organisations, tout le monde est d'accord : il faut faire participer le plus grand nombre, aller chercher les idées partout, parmi les clients, parmi les salariés, parmi les partenaires (et pourquoi pas les consultants, qui bénéficient particulièrement de cet engouement..).

Marie-Anne Brodschii, Directrice de l'Innovation chez Veolia, rencontrée cette semaine, porte particulièrement bien ce discours. Les idées, les initiatives sur l'environnement, les matériaux, les technologies, les biotechnologies, elles sont mondiales, autant en Asie qu'aux Etats-Unis ou en Europe. Et les innovations viennent de plus en plus de petites entreprises, et non des grands laboratoires et centres de Recherche des grands groupes. Et les investisseurs s'y intéressent de plus en plus; le secteur des cleantechs est devenu le premier secteur des investisseurs privés aux Etats-Unis.

C'est cette prise de conscience qui a conduit Veolia à lancer son programme "Veolia Innovator Accelerator". Ceal consiste à ouvrir les portes aux start-ups qui souhaitent apporter leurs idées et services, via une plate-forme de recherche.

Le process tient en trois chiffres : 1 - 4 - 12.

1 : en une semaine, toute start-up qui se présente ave son idée, ou service, se voit répondre sur l'intérêt pour Veolia.

4 : En quatre semaines, le projet est approfondi, et les possibilités de coopération identifiées d'un point de vue technologique et solution; Veolia ne prend pas de participation financière, ni n'achète les brevets; son rôle est de faciliter l'accès au marché, via ses usines et implantations dans le mondes (usines de traitement des eaux, de traitement des déchets, ...).

12 : Douze semaines pour réaliser la Business Review par Division.

L'investissement s'est fait sur la facilité du contact (guichet unique pour entrer en contact avec Veolia, pour ne pas dissuader les jeunes entreprises qui ne comprennent pas le fonctionnement des grandes), et sur la rapidité des réponses et décisions (car, là encore la grande entreprise est souvent associée à la bureaucratie, la lenteur des processus).

Le programme, encore jeune, reste à compléter, en impliquant plus les salariés de l'entreprise (et faciliter ainsi l'"intrapreneurship" des salariés, qui peuvent, avec leurs idées, devenir eux-aussi des créateurs d'entreprise innovante).

A comléter aussi pour permettre de lancer des appels à idées sur des thèmes précis, et non se contenter d'attendre que les start-ups viennent frapper à la porte.

Faire coopérer aussi les clients, les citoyens, qui, eux aussi, veulent de plus en plus se faire entendre et, surtout, écouter.

L'enjeu, maintenant, c'est, on le sent bien en écoutant les expériences concrètes des entreprises, et leurs projets, de mieux intégrer l'ensemble des sources d'innovation, et les sources des idées et projets (clients, salariés, responsables de la Recherche, responsables Innovation, partenaires publics et privés, consultants).

Ce sont, là comme dans de nombreux domaines, ceux qui auront les meilleures capacités d'agir en intégrateurs qui maîtriseront les innovations et les ruprtures, et bénéficieront de l'intelligence collective en action.

Intégrateur pour ouvrir l'innovation : un métier d'avenir; une envie d'échanges et de réseaux; on embauche...


Objectifs désirés

Objectif

Aujourd'hui ma chronique sur "Envie d'entreprendre" est consacrée à une activité que l'on pratique en cette fin d'année dans les entreprises et les foyers : faire le bilan de l'année, fixer de nouveaux objectifs.

Et analyse une des conditions pour bien formuler et atteindre ses objectifs : le désir.

Désir d'en savoir plus ?

C'est ICI....


Cliquer sa vie à pleins doigts

Bisounours

Je lis cette formule dans TéléParis Obs de la semaine dernière; elle est de Philippe Vecchi : " Cliquer sa vie à pleins doigts".

De quoi parle-t-il ?

D'un monde où tout est sympa, une sorte de "plus belle la vie" permanente; On y transmet, en flot continu, des informations toutes plus gentilles et futiles les une que les autres; "j'ai mangé des nounours"; "ma soeur est formidable", "C'est la fête", "c'est top, cet film", etc...

Le but, on sait pas trop; mais il y a souvent un désir, une fureur de plaire.

C'est, bien sûr, des réseaux sociaux virtuels, Facebook, dont parle Philippe Vecchi.

C'est le règne du "bonheurisme", ce Bonheur désincarné et obligatoire (il ne faut pas déconnecter, au risque d'être oublié).

Toute la journée, nos amis, nos collaborateurs, s'y mettent. Certaines entreprises s'en inquiètent au point de vouloir censurer le plaisir; d'autres veulent y voir une manifestation, parfois difficile à comprendre, de l'intelligence collective.Ce qui compte, c'est d'y croire.

C'est génial, le bonheur...