Previous month:
octobre 2010
Next month:
décembre 2010

L'alibi le plus mensonger

Idole

Une rencontre m'a fait connaître un auteur jésuite et psychanalyste, Denis Vasse, et un ouvrage paru en 1969 : " Le temps du désir".

C'est une exploration de ce que l'auteur appelle "l'homme de désir".

Le chapitre qui a retenu mon attention est celui sur le travail. L'analyse n'a rien perdu de sa force, depuis quarante ans; on pourrait même penser qu'elle est encore plus pertinente aujourd'hui.

 Vous connaissez ces personnes qui ont l'air dévouées à leur travail, qui le vivent comme un don de soi; ils travaillent, parce qu'ils y croient, parce qu'ils se sacrifient, en quelque sorte;

Denis Vasse nous fait comprendre que le travail peut être un "alibi" ...

Allons voir.

" Le travail peut être l'alibi le plus mensonger de l'homme. Etre à son travail peut être, de toutes, la manière la plus sûre de ne pas être là où un autre nous cherche ou nous attend, dans notre parole."

 " Relever la liste des expressions courantes dans lesquelles le travail est évoqué pour éviter une rencontre ou un affrontement seait une tâche simple."

L'effort laborieux, l'attention portée à son travail, qui se donne ainsi les traits d'une générosité revendicative, est un alibi d'un conflit inconscient qui interdit le jaillissement de la parole libératrice. Pendant qu'on s'enferme dans le travail, à l'excés, on ne parle pas d'autre chose.

D'autant plus quand le travail est "pénible", et que la pénibilité joue un double rôle :

" Elle soulage pour un temps, mais sans y remédier, la culpabilité latente, et par la pitié ou la considération qu'elle suscite, elle valorise. Comme si l'individu en question disait : " Ce n'est pas de ma faute, je ne puis pas faire autrement, regardez comme je travaille, ou...comme je souffre".Aux yeux de l'instance qui le juge - en lui, ou, projetée en dehors de lui, dans l'autre - il n'est pas coupable.L'abrutissement de l'usine ou du bureau, l'asservissement aux exigences indéfinies de l'étude intellectuelle sont de cet ordre. Le travail devient expiation qui conjure et prétend rendre sans objet toute accusation. "

L'ambiguïté réside aussi dans cette admiration que recherche, plus ou moins consciemment, celui qui travaille comme ça, dans les yeux des autres.

" Cette admiration a le goût de la drogue et bientôt l'homme laborieux ne pourra plus s'en passer. Son travail et sa peine ne le délivrent pas de lui-même, ils l'aliènent à l'image trompeuse qu'il a de lui. En général un tel individu ne cesse de protester de sa modestie, et son flair lui fait détecter chez les autres les traces cachées d'un monstrueux orgueil."

Dans cette attitude, dans cette image trompeuse, dans ce monstrueux orgueil, le travail devient comme une idole, Quand ce travail devient la propre fin de l'homme, et, selon Daniel Vasse, ne transmet plus la vie.

" Contraint au mutisme ou vociférant, l'homme se découvre porteur d'une voix qui n'a plus de sens pour lui."

Cette description, elle éclaire aussi ce qui sauvera cet homme : la parole, le désir; retrouver le sens et s'exprimer. Retrouver une parole qui a du sens pour soi; sortir de cet alibi mensonger.

Pour cela il convient de sortir du savoir, nous dit Daniel Vasse :

" La certitude du savoir de l'homme ne cache jamais que l'incertitude de sa vie".

C'est, on le comprend, à une autre conception du travail que nous appelle Daniel Vasse en dénonçant ces comportements mensongers.

Pour lui, l'homme sait qu'il travaille vraiment lorsqu'il se révèle dans son activité; le travail acquiert alors, comme la parole, un caractère de perpétuelle nouveauté.

Ainsi, entre l'alibi mensonger et la révélation libératrice, à chacun d'avoir le courage de choisir. ce n'est pas le travail lui-même qui est différent, mais notre regard.


ROE ?

Esprit

 Quand le dirigeant d'une entreprise parle de ses valeurs, on entend parfois des lieux communs, et d'autres fois, des expressions originales qui marquent.

C'était le cas pour moi cette semaine avec Jacques-Olivier Chauvin, CEO de Relais&Chateaux.

Relais&Chateaux, comme il le précise, ce n'est pas une chaîne (d'ailleurs, tous ceux qui disent ce mot "chaîne" doivent mettre cinq euros dans une tirelire). C'est une expérience avec des idéaux (car on préfère le mot idéaux au mot valeurs).

Et ces idéaux, ils vont bien, je trouve, avec l'identité; ils donnent envie de rêve.

Il sont cinq :

- L'esprit de famille,

- L'engagement personnel, la générosité,

- Le sens du lieu : c'est une expérience qui est d'abord attachée à un lieu; à son authenticité; et liée au terroir; donc pas d'ambiance asiatique dans le Lubéron, ni de décors toujours pareils dans tous les pays;

- La célébration des sens; liée aux émotions;

- L'éveil à l'art de vivre; l'expérience gastronomique fait partie de l'expérience.

Celui qui est particulièrement inspirant c'est cette notion d"esprit de famille"; Il parle de l'accueil, d'être reçu comme si on était le propriétaire du lieu, servi par un service irréprochable, un personnel qui anticipe nos envies, nos besoins,...

Une formule symbolise le tout : ce que l'on cherche optimiser, c'est le ROE...

Quoi ?

Le ROE : Return On Emotion.

J'avais déjà évoqué cette notion d'expérience, trés bien étudiée dans le livre de Joseph Pine (voir dans la colonne de droite ici).

Avec Jacques-Henri, on en a une illustration trés convaincante.

Et l'on se prend à rêver de classer les entreprises que nous fréquentons, nos clients, où celles qui vendent les produits que nous achetons, ou aussi les entreprises où nous travaillons, en fonction de leur ROE.

On pourrait appeelr ça l'indicateur du bonheur, comme dans les chansons de Dorothée....


Choisir pour décider

Choix2

La question ces dernières semaines était à la Une de tous nos journeaux chaque jour, et à la télé : Nicolas Sarkozy va décider de nommer un nouveau Premier Ministre.

Et puis, un dimanche, en fin de journée, la décision est rendue publique : c'est François Fillon.

Avec la politique, on assiste en direct, avec tout le théâtre relayé par les journalistes, à la décision.

Mais des décisions, il s'en prend tous les jours aussi dans nos entreprises, et dans notre vie privée.

Et c'est un cheminement parfois assez long qui amène à la décision; on rapporte d'ailleurs que Nicolas Sarkozy est lui-même passé par plusieures hypothèses, plusieurs alternatives, avant de prendre LA décision.

Décider, c'est trancher, couper, c'est mettre un terme à une question, comme l'analyse Laurent Falque et Bernard Bougon dans leur ouvrage "Pratiques de la décision", qui fait référence sur le sujet, dont j'ai déjà parlé ICI et encore ICI.

La décision résulte d'un choix qui a été fait, et de la détermination suffisante pour afficher publiquement ce choix, et en assumer à partir de là toutes les conséquences pratiques et les retentissements, assumer de décevoir certains, de perdre le soutien d'autres, de se retrouver à devoir engager des actions plus difficiles, et probablement d'autres choix aussi.

Ce qui empêche de décider, c'est parfois le refus d'assumer ses choix, la peur des conséquences, et on se trouve alors dans des cas où on ne décide rien.

On connaît les situations où, insatisfait de la situation actuelle, conscient qu'il faut changer quelque chose, une stratégie, des hommes à certains postes, des règles, des procédures, on recule car il y a trop de conséquences à assumer, trop de changements à mettre en oeuvre. Et c'est ainsi que, bien que la technologie qui a fait le succés de l'entreprise d'hier est clairement en train de perdre du terrain, on n'ose pas en changer. On n'ose pas exprimer le choix, et donc on ne décide pas.

A l'inverse, on peut aussi décider sans choisir : mes coûts sont trop élevés, le chiffre d'affaires est en baisse, j'ai du licencier une partie de mes collaborateurs, parce que "je n'avais pas le choix"; ça aussi, on l'a déjà entendu. Certains soupçonnent que Nicolas Sarkozy lui aussi, a choisi François Fillon, "parce qu'il ne pouvait pas faire autrement"...Qui sait ?

Passer trop vite de la question, du problème, à la décision, voilà le danger.

Avant la décision, Laurent Falque et Bernard Bougon nous préviennent et conseillent de passer le temps nécessaire, et d'exercer notre discernement, sur la question du choix.

Poser la question du choix, c'est d'abord poser clairement le problème que l'on veut résoudre, et ce que l'on cherche. A quelles valeurs nous référons nous ? Avec quelle finalité sommes nous en train de contribuer ? Quel intérêt particulier ? Ou quel intérêt général voulons-nous servir ?

C'est aussi identifier ce que les auteurs appellent les "attracteurs du choix", car on a toujours tendance, avant même de formuler un choix, à avoir une préférence pour une option particulière (celle qui me fera avoir le moins d'ennemis, celle qui plaira à ma mère, ou à l'inverse, celle qui me permettra de passer pour un héros), et dans ce cas on perd son "libre arbitre". Bien choisir, c'est arriver à une attitude où l'on se met à "aimer chaque option"; afin de faire émerger notre vraie finalité. Choisir, c'est "donner une préférence qui contribue le plus à ma finalité".

Une fois cette étape du choix passée, et plus elle aura été consciente et réfléchie, plus il sera facile de rassembler les éléments de la détermination, de faire monter le courage, de vérifier, et , enfin, de décider et de communiquer sa décision.

Pour bien décider , il faut apprendre à choisir.


Trop molle !

Simplet

J'aime bien la rubrique "Economie" du Nouvel Observateur; c'est celle qui a un titre en rouge, avec Economie écrit en blanc à l'intérieur.

Rouge, ça lui va bien je trouve; ça parle des entreprises, souvent, avec des portraits de patrons et d'entreprises; et ça a un côté trés "People" : l'économie, les entreprises, c'est des histoires de patrons qui se font des noises, qui magouillent, parfois, qui trahissent, aussi, qui sont pas au niveau; oui, ça parle souvent de dirigeants qui vont pas trop bien, ou qui se font virer...ça saigne des fois.

Bref, avec de tels portraits, le monde de l'entreprise, encore une fois, ne sort pas trés grandi.

C'est le cas cette semaine avec un articles intéressant sur Gilles Pelisson, qui vient de se faire sortir d'Accor.

Le, portrait est réalisé par Dominique Nora et Natacha Tatu : le procédé est connu; l'article fait surtout parler des gens qu'on ne peut pas identifier, et qui déballent des saloperies sur le portraituré.

Gilles Pelisson a eu du mal chez Accor car les fonds qui ont repris Accor (l'américain Colony et Eurazeo) lui ont fait des misères ; Selon un "connaisseur du dossier" (???) :

" Gilles Pelisson a de quoi être amer; il s'est fait manipulé de bout en bout. Les fonds l'ont fait roi, l'ont utilisé pour légitimer la scission du groupe ...Et maintenant ils le jettent comme un malpropre"

Mais ces fonds si méchants, on apprend qui'ls avaient une bonne raison de dire à Gilles Pélisson de partir; l'article rapporte que :

" les actionnaires fianciers expliquaient que sa gestion était trop molle, qu'il n'avait ni carrure, ni vision stratégique".

Les représentants des fonds ont "définitivement "baissé le pouce" aprés un comité stratégique mi-octobre où ils ont jugé la prestation du PDG "pathétique"..

L'estocade est portée par un "banquier qui le connaît", et là tenez-vous bien :

" Pélisson est un catho social, trop gentil. Il n'a pas la culture du management qui plaît aux fonds, Hennequin est plus outillé pour gérer ce type d'actionnaires".

Denis Hennequin, c'est le remplaçant, il vient de chez Mac Do (il était disponible, recruté par un chasseur de têtes, car il n'a pas obtenu le poste qu'il voulait chez Mac Do, celui de big chef, et était resté chef Europe...Apparemment lui, il en a une bien dure, de gestion.

Tout ça ressemble à Dallas; le boss avec la molle qui perd, le boss cocu de Mac Do, mais qui en a une dure; et les fonds qui font la loi...et jugent le "pathétique" des présentations stratégiques du PDG...Dur, dur !

Aprés avoir entendu cet autre dirigeant, on passe à un autre monde effectivement.

On s'interroge, forcément si c'est un effet de journalistes, de médias et de langues de p...; ou bien on imagine qu'il y a plusieurs réalités. Et une fois de plus, les "fonds" en prennent plein la figure.

Toutes les entreprises, et mêmes tous les fonds, et tous les dirigeants, on le constate, ne se ressemblent pas; question de culture et de valeurs, encore...et toujours.


Respect

Respect1

Les valeurs d'une entreprise, c'est sa carte d'identité. Et ne pas avoir quelque part la liste de ses valeurs, c'est être un SDF du management.

Néanmoins, on a souvent l'impression que ces listes de valeurs, ça raconte toujours la même chose; ça fait vivre les agences de communication et occupe les DRH; mais finalement; est-ce que c'est bien sérieux ?

Alors, forcément quand un dirigeant d'un grand groupe comme Michelin vous évoque avec ferveur et émotion les valeurs de son entreprise, on écoute.

C'est ce qui m'est arrivé cette semaine.

Les valeurs de Michelin, ça parle de....respect. Un mot pas habituel dans l'expression des credos :

- Respect des personnes,

- Respect des clients,

- Respect des actionnaires,

-Respect des faits.

Le respect des faits, ça consiste à ne pas se raconter d'histoires, à être toujours dans le principe de réalité, la réalité économique, le besoin d'améliorer ce qui ne marche pas, de rechercher toujours la qualité.

Le respect du client, oui, tout le monde en parle; c'est de se dire que le client de Michelin mérite, on lui doit, la sécurité, la fiabilité, la durabilité des pneus qu'il achète. C'est une exigence.

Mais ce qui anime en priorité le discours et les comportements de Michelin, c'est le respect des personnes.

Ce respect des personnes, c'est celui qui a conduit Michelin lors des fermetures d'usines, et il y en a eu pas mal en Europe ces derniers temps, à faire en sorte que personne, aucun collaborateur, ne soit laissé "sur le bord de la route"; d'où des investissements trés importants pour la reconversion des employés, leur apprendre un nouveau métier (maçon, peintre, cuisinier,..).

Ce respect, il nous parle aussi de mon sentiment de responsabilité, et si il manque, c'est souvent que la première personne à qui on manque de ce respect c'est soi-même.

Bernard Bougon et Laurent Falque, dans leur livre, dont j'avais parlé ICI, parlent de ce rapport à moi-même, en faisant référence à ce que Kant appelle la dignité :

" Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais complètement comme un moyen".

En effet, ce sentiment d'agir par devoir ou par sentiment de responsabilité est fortement présent dans les relations dans les entreprises, et avec les clients, les partenaires, les fournisseurs.

Quand nous sommes confrontés à des situations inattendues, à des conflits, des dilemnes, le respect est la valeur qui nous permet, ou non, de nous en sortir.

C'est en invoquant ce respect comme une déclinaison de la finalité qui guide nos choix et décisions que Bernard Bougon et Laurent Falque nous conseillent d'agir.

Ils ont une belle expression pour le résumer : passer de la volonté d'agir "pour soi" à la volonté de bien agir "en soi".

Ce respect, cette dignité, on comprend combien ils guident la culture de Michelin. Et on comprend trés bien les dégâts qui se produisent dans les relations, dans l'efficacité et la performance de nos entreprises, quand ils ont disparus.


Histoire de loups

Loups-3

Aujourd'hui, c'est le jour de ma chronique sur le blog "Envie d'Entreprendre".

Comment inspirer les autres ?

Y-a-t-il des trucs ?

Où bien est-ce autre chose ?

Pour y réfléchir, que diriez-vous d'une histoire de loups ?

Un méchant et un gentil...

Si vous n'avez pas peur du loup, et encore moins de deux, ...allez-y voir...C'est ici.