Previous month:
août 2010
Next month:
octobre 2010

Bureaucratie de verre

Tourdeverre L'entrepreneur est une des figures héroïques du monde de l'entreprise. Quand on parle de l'entrepreneur, on pense bien sûr au vrai, celui qui monte sa boîte, qui prend le risque, et innove.

Mais le terme s'applique, plus généralement, à un certain type de comportement, que l'on peut retrouver  dans n'importe quel contexte, y compris pour caractériser les comportements les plus audacieux dans une grande entreprise. Un terme barbare d' "intrapreneur" a même été inventé pour le caractériser.

Et cette notion d'"entrepreneur" est ainsi devenue la source de belles histoires avec un type génial, un peu solitaire, qui se rebelle contre l'entreprise, refuse de faire comme tout le monde...et donne le jour à un business formidable, une idée qui fera le produit du siècle, et révolutionnera de l'intérieur l'entreprise où il travaille. Une sorte de Jérômre Kerviel en gentil, en quelque sorte.

En fait, cette légende n'est pas sans ambiguïtés. Pierre-Yves Gomez - dont j'avais bien aimé le livre "la république des actionnaires"ici et ici -  apporte sa contribution au sujet dans un article du dernier numéro de "L'Expansion Entreprenariat", évoquant une notion curieuse qu'il appelle " la bureaucratie de verre".

Ce terme décrit, pour lui," une entreprise principalement tournée vers la production de données économiques et financières pour un usage extérieur à l'entreprise".

C'est l'entreprise que l'on connaît bien, où il faut tout dire, ne rien cacher. Les marchés financiers, les investisseurs, la société civile, tous veulent la transparence totale. Cacher quelque chose serait suspect; on doit tout savoir, comme dans une tour de verre. Et cette bureaucratie de verre s'auto-organise pour que les employés soient au service de cette soif de transparence. D'où les normes, les reportings, les comités de toutes sortes, le management des risques, le contrôle interne. tout doit être aligné; l'horreur, c'est la surprise, l'imprévu.

Les rois de cette entreprise sont le contrôle et la communication des résultats financiers. L'entreprise bureaucratie de verre fabrique des résultats financiers, point.

Pour satisfaire cette fabrication des résultats financiers, le succès de l'entreprise va dépendre de sa capacité d'adaptation. Dans cette conception, tout le monde est susceptible de librement participer, suivant ses inclinations propres, à la réalisation de l'optimal économique. Les "entrepreneurs" de l'entreprise prennent la place des "managers"; C'est le volontarisme entreprenarial qui tire l'entreprise; plus besoin de stratégie cadrée à l'avance; le pouvoir est à l'audace et l'envie d'oser. C'est le résultat qui compte.

Cette vision est néanmoins assez contradictoire avec ce qui se passe réellement. Pierre-Yves Gomez est assez pessimiste sur le sujet, constatant que :

" En dépit des discours, rares sont les organisations qui peuvent vraiment intégrer les pratiques entreprenariales dans leurs processus et les intrapreneurs dans leurs structures de pouvoir".

Peu d'entreprises sont capables de s'offrir le luxe de l'autonomie individuelle et de la prise de risques de ses collaborateurs; et on pense toujours aux mêmes (Google, 3M, la Silicon Valey).

" Attention au mythe de l'entreprise décontractée, où tout le monde travaille les pieds sur le bureau, se tutoie, et invente un produit génial chaque jour".

L'immense majorité des entreprises reste des organisations trés contrôlées; et les activités d'exploration et d'innovation ont tendance à être externalisées. Le schéma fréquent est, pour la grande entreprise, de repérer les start-up à l'extérieur, et de les acheter, plutôt que de nourrir en leur sein ces hypothétiques "entrepreneurs", et d'investir dans des programmes de développement incertains et coûteux.

Cette vision est peut-être un peu trop monolithique, et les situations d'une entreprise à l'autre sont différentes; néanmoins, elle permet de tempérer ces belles histoires d'entrepreneurs que l'on lit dans de nombreux ouvrages et publications.

Et puis, aprés tout, les pieds sur le bureau, c'est peut-être pas obligatoire pour être une entreprise décontractée ?


Où faut-il frotter pour laver plus blanc ?

Procter-Gamble Quand on parle d'entreprise innovante, du meilleur de la classe, celle dont on veut comprendre les secrets, une entreprise tient la corde en ce moment, c'est Procter & Gamble.

En effet, cette entreprise a connu au cours des dix dernières années, une profonde transformation, devenant une référence, sous l'impulsion d'un CEO, nommé en 2000, et qui vient de partir en retraite en juin dernier : Alan Lafley. Maintenant, il est consultant et conférencier sur l'innovation.

Il a raconté en détail les principes et actions mises en oeuvre au cours de ces dix années dans un livrre, " The Game-Changer", qui est un peu le roman de résurrection de Procter & Gamble.

Le truc principal d'Alan Lafley, c'est l'"open innovation", l'innovation ouverte, c'est à dire l'innovation qui vient tout autant de l'extérieur de l'entreprise que de l'intérieur (finis les centre fermés de R&D où l'on croit que l'on va tout inventer tout seul).

Le principal enseignement de la démarche c'est qu'il n'y a justement pas UNE démarche (comme cherchent naïvement à savoir ceux qui croient qu'il existe une recette unique), mais une convergence d'initiatives.

En voulant faire de P&G une référence en innovation, Alan Lafley a complètement transformé l'entreprise dans cinq domaines principaux : la mission, la formulation et l'éxécution de la stratégie, la stratégie de R&D, l'organisation, la culture et el leadership.

Changement dans la mission

alan Lafley a formalisé l'objectif : Acquérir 50% des innovations de P&G par des sources externes. Il s'agit d'une vraie révolution pour une entreprise habituée au syndrome du "Not Invented Here".

Changement dans la formulation et l'éxacution de la stratégie

Le mot-clé : Focus. Procter & Gamble s'est fortement recentré sur les produits et marchés qu'il a choisi de considérer comme "core", c'est à dire au coeur de sa stratégie. Cela parle du type de produits, mais aussi du type de clients, notamment dans les pays émergents).

Autre clé : la stratégie et l'innovation est tirée par le client, et non poussée par les équipes de Recherche. C'est le consommateur qui est le "boss" de l'entreprise. Pour bien le faire, chaque Business Unit doit s'efforcer d'identifier chaque année les 10 besoins consommateurs majeurs qui permettront de faire croître la marque. Et dès qu'un besoin ressort, les partenaires externes sont immédiatement sollicités.

Autre pratique : le programme " Living It", lancé dans les pays d'Amérique Latine : c'est un genre de "Vis ma vie" où les employés de P&G passent plusieurs jours avec des familles dans leurs tâches quotidiennes de lavage.

Autre initiative : "Working It", qui consiste à donner l'opportunité aux employés, à commencer par les membres du COMEX, de se mettre derrière le comptoir d'une petite boutique pour rencontrer les clients. Et voir sur le terrain, directement, comment sont perçues les innovations lancées.

Changement dans la strétégie de R&D

Avant l'arrivée d'Alan Lafley, moins de 10% des technologies déceloppées en interne étaient utilisées dans les produits.

La nouvelle stratégie, dénommée "Connect and Develop program", a eu pour but d'utiliser l"open innovation" pour transformer plus de technologies en produits, en collaboration avec des partenaires externes dans au moins 50% des cas.

La philosophie de ce programme "Connect and Develop" est de créer la volonté de tous les collaborateurs de P&G d'être ouverts psychologiquement et de considérer sèrieusement les nouvelles idées, quelles que soient leusr sources, pour construire un réseau ouvert d(innovation global, permettant de s'associer aux meilleurs penseurs et aux meilleurs produits.

La créativité est ainsi considérée comme le processus qui permet de créer des connections.

Au-delà de cette philosophie, cela a consisté pour P&G à redéfinir le processus de développement nommé "Stage-Gate process".

Au lieu de laisser les projets et idées fleurir et se développer de partout, ce process fixe des critères de sélection à chaque étape, ces critères relevant de considérations financières, mais aussi de compatibilité avec les forces de P&G.

C'est aussi un processus qui marche dans les deux sens, afin d'être ouvert à tout ce qui vient de l'extérieur, et être capable de le reppliquer ailleurs dans le monde.

Changement dans l'organisation

Les changements dans le business model ont forcément eu aussi des impacts sur l'architecture de l'organisation du groupe.

Le maître mot est "collaboratif", c'est à dire avoir une organisation au plus juste, sans rigidités inutiles, et trouver un bon équilibre entre structure et créativité.

Concrètement, cela a consisté à créer des entités ad-hoc pour capturer les idées innovantes.

L'une d'elle est "Future Works" : c'est une équipe pluridisciplinaire, dont l'objectif premier est de découvrir les opportunités d'innovation qui créeront de nouvelles consommations.Il ne s'agit pas de recherches d'innovations incrémentales dans les Business Units, mais d'ouvrir au maximum dans toutes les directions qui peuvent apporter une rupture.

Autres structures nouvelles : les "New Business Development (NBD)", qui sont des entités logées dans chaque Business Unit, et qui ont pour objectif de créer des innovations, en ruprture aussi bien qu'incrémentales, dans des segments précis, par exemple le lavage, la maison, les soins de la peau,..

Ces innovations, là encore, peuvent être recherchées à l'extérieur comme en interne.

Enfin, un troisième type d'entité : les "External Business Development", sont des entités qui fonctionnent commes des "brokers" d'innovations, qui vont chercher à l'extérieur les idées et aident à faire sortir les idées de l'intérieur, qui peuvent venir de toute Business Unit, l'"External Business Development" servant à créer et animer ce marché.

Autre point important dans ce chagement dans l'organisation : la création d'un réseau de partenaires et l'animation d'une communauté ouverte, pour donner vie à cette "open innovation".

Changement dans la culture et le leadership

Cet axe concerne la création de la bonne culture, des bons comportements, et des bons systèmes de motivation, pour s'assurer que tous les collaborateurs, ceux impliqués dans la R&D, mais aussi le Marketing, le Manufacturing, les études de marché, et toutes les autres fonctions, travaillent bien ensemble de manière collaborative pour maximiser le "pipeline" de produits et d'innovations.

Cela a consisté, pour P&G, à transformer une culture de la prudence, de l'aversion au risque, en une culture de l'innovation, et de la vitesse.

Cela passe par la promotion de valeurs comme le courage, la collaboration, la curiosité, l'ouverture.

Pour le courage, par exemple, P&G a promu une règle du "There's no bad idea", et récompensé les équipes qui avaient essayé et échoué, dans un contexte difficile.

Pour la "collaboration", cela s'est traduit par la mise en oeuvre de communautés de pratiques, et de systèmes qui encouragent les collaborateurs à étendre leurs réseaux externes.

Autant d'initiatives qui sont encouragées et récompensées dans les systèmes de rémunérations.


On le voit, c'est en menant de nombreuses initiatives et programmes selon ces cinq axes, toutes tournée vers cette obsession de créer une entreprise innovante, que Alan Lafley a mené avec persévérance la transformation de l'entreprise globalement.

De quoi puiser de nombreuses idées pour construire son propre programme d'innovation.

Deux principes à retenir :

- Rien n' arrive tout de suite et tout seul : la persévérance est clé.

- Aucun domaine ne suffit à lui tout seul; stratégie, organisation, process, culture, leadership : tout est lié.

Pour laver plus blanc, il faut frotter partout ! C'est Ariel qui vous le dit...


PMP Innovation sur twitter et facebook

Brainshaping PMP a ouvert un Département Innovation, à l'occasion de  la création de Brainstore Paris.

Vous pouvez maintenant suivre PMP Innovation sur Twitter :

http://twitter.com/pmp_innovation

Et devenir fan sur facebook :

http://www.facebook.com/pages/PMP-Innovation/156590497685852?v=wall&ref=ts

Et toujours suivre Zone Franche sur Twitter :

http://twitter.com/ZoneFranche


Les entreprises ont-elles une âme ?

Ame C'est la rentrée aussi pour ma chronique mensuelle sur le site "Envie d'entreprendre".

L'actualité récente a mis sur le devant de la scène la question de l'identité de l'entreprise, et de son "âme".

alors que les entreprises s'échangent, se vendent et se rachètent à travers le monde comme des marchandises, à l'heure où elles se transforment, changent de métiers et de stratégie, que reste-t-il de leur identité profonde ?

C'est la question à découvrir ICI

N'y perdez pas votre âme.


Méfions-nous des consultantes en Marketing

Ciseaux  Cet été,en plein mois d'août, le dirigeant de Hewlett Packard, P, Mark Hurd, a été  sorti par le conseil d'administration.

La raison officielle, c'est une histoire de sexe..Il a dragué une consultante en marketing qui travaillait pour HP; il a utilisé les notes de frais pour lui faire des cadeaux, rien de plus officiellement; mais aux Etats-Unis, chez HP, ça s'appelle "sexual harassment" ( c'est ellle-même qui a appelé le conseil d'administration pour s'en plaindre)...En fait, il n'est pas vraiment licencié, mais autorisé à démisionner, avec un petit package pour la route de ...40 millions de dollars !

Larry Ellison, le dirigeant d'Oracle, a commenté ce licenciement en disant que c'était la pire décision prise par un conseil d'administration depuis que ces idiots du conseil d'administration d'Apple avaient licencié Steve Jobs il y a plusieurs années (et qui l'ont rappelé aprés, avec la suite que l'on connaît).

Car Mark Hurd est considéré comme quelqu'un qui a bien fait le job : pendant son passage comme CEO de HP, qui aura duré cinq ans, les profits ont triplé (pour un chiffres d'affaires qui a augmenté de 32%). C'est le roi du "cost cutting". Fermeture de sites, licenciements, il a tout fait.C'est sa spécialité.

Car, côté croissance, il a surtout fait par croissance externe; achat d'EDS en 2008 (13 milliards de dollars), de 3Com en avril dernier (2,7 milliards de dollars), et encore de Palm en juillet (1,2 milliard de dollars).

Depuis août, Mark Hurd est remplacé en interim par sa directrice financière, Cathie Lesjak, la reine du cost cutting , qui n'est pas candidate à le remplacer. Elle tien juste la boutique en attendant.

Et donc les administrateurs cherchent LE candidat.

Et, en attendant, c'est le déchaînement sur Mark Hurd.

BloombergBusinessweek a interviewé Charlie Rose, journaliste et auteur d'un livre sur l'histoire de HP (j'avais évoqué cette histoireICI).

Pour Charlie c'est clair que l'histoire du "sexual harassment", c'est bidon. La vraie raison c'est que ce Mark Hurd ne faisait pas l'affaire...Ah bon ? Et les profits alors ?

Car, nous dit-il, malgré son incroyable succès, ce type était un mauvais patron. C'est un type pas sympa, trés "corporate tough guy", invisible, qui opère dans l'ombre, "en prenant HP par la gorge", un genre de serial killer en sorte. Il a fait du bon boulot, mais personne ne l'aime. Et puis il a cassé le"HP way'". 

Et puis, pour être fiers d'HP, les collaborateurs et Wall Street ont besoin d'un dirigeant spécialiste de la croissance, du développement, qui ait une vision sur le marché des technologies, qui redonne du rêve. Et c'est pas le style de Mark Hurt.

Deux leçons pour les dirigeants que l'on peut retenir de cette histoire :

- Méfiez-vous des consultantes en Marketing,

- Si vous êtes le Roi du "cost cutting", restez quand même sympa, et n'oubliez pas de faire rêver.

Sinon, devenez amie avec Mark Hurd et ses 40 millions de dollars (surtout si vous êtes consultante en marketing)..

Bonne chance.