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Casse-toi C.V...

Unique Dans son livre "Êtes-vous indispensable", dontj'ai déjà parlé, Seth Godin fait une remarque assassine sur les C.V, 

En gros, pour lui, les C.V, c'est pour les pauv' types, pas pour les gens indispensables.

Et de prévenir ceux qui voudraient encore y croire :

" Un CV vous fait entrer, presque de force, dans cette grande machine de recherche des mots pertinents, pour décrocher un emploi dans les rouages d'une mécanique géante. Et devenir un supplément de chair à canon pour l'entreprise mastodonte. C'est peut-être très bien pour des gens moyens à la recherche d'un emploi moyen, mais est-ce ce que vous méritez ?"

En clair, le CV, c'est l'incarnation magnifique des moutons qui font comme les autres, qui apprennent comme des ânes les bons conseils de ceux qui leur expliquent "comment faire le CV vendeur", avec plein de trucs débiles que les professeurs dans les écoles et universités mettent dans les cervelles de leurs élèves les plus médiocres.

Seth Godin les dénonce tous d'une formule :

" J'ai l'impression que si vous n'avez rien d'autre qu'un CV, c'est qu'on vous a lavé le cerveau pour vous soumettre au conformisme.

Les postes formidables, les postes de classe internationale, les postes pour lesquels on tuerait, ces postes-là ne sont pas occupés par des gens qui envoient leur CV par courriel".

Alors, forcément, ceux qui résistent encore (et Seth Godin consacre d'ailleurs un chapitre entier du bouquin à cette "résistance" car il devine qu'ils sont nombreux), ils vont dire : Mais si on n'a pas de CV on fait quoi, alors ?

Ben oui;

Et si l'on parlait de votre réputation, de vos réseaux, de vos projets que l'on peut toucher, des recommandations,...

Oui, mais les employeurs demandent des CV...

Seth Godin a la réponse : ces employeurs ne vous méritent pas, dites-leur non; ils n'embaucheront que les médiocres qui veulent bien faire les moutons.

Oui, mais moi je n'ai rien fait de génial, alors, le CV, c'est tout ce que j'ai...

Seth godin a encore la réponse : tout est question d'attitude, de mental; c'est toute la différence entre le vendeur qui se prend pour un vendeur, et celui qui est passionné, qui a l'impression de poursuivre une vocation.

On n'a pas fini d'en parler de cette histoire...

Car elle interroge aussi les entreprises et les Directeurs des Ressources Humaines; si jamais Seth Godin se mettait à intoxiquer les managers, notamment les plus brillants; on risque de ne plus trouver de candidats si on en reste aux méthodes "classiques"..

On entend les DRH, sûrs d'eux-mêmes, "Ce n'est pas demain la veille..".

Peut-être, mais parfois, il y a des signaux faibles comme ceux-là qui annoncent des bouleversements que beaucoup n'ont pas vu venir.

Ce qui est sûr, c'est qu'après avoir lu cet ouvrage de Seth Godin, on ne va plus regarder les CV que l'on reçoit dans nos entreprises de la même façon.


Petits pâtés, charbon, teintures : nourritures d'impressionnistes

Salamandre Rouen est en fête cet été, avec une superbe exposition sur les impressionnistes. Laurent Salomé, Directeur des Musées, est allé cherché des oeuvres dans le monde entier, Etats-Unis, Mexique, Japon, Canada, Danemark, en plus des collections du Musée.

De quoi s'en mettre plein les yeux de Monet, Pissarro, Angrand, Gauguin, Boudin,...

Intéressant aussi en parcourant le catalogue et les salles d'exposition d'aller voir d'où viennent ces oeuvres.

Et l'on replonge dans la fin du XIXème Siècle, quand ces peintres aujourd'hui célèbres sont apparus.

Accueil trés froid, voire de dégoût des autorités officielles, oui, les prédessesseurs de Laurent Salomé à la Direction du Musée. Pour eux, cet art des impressionnistes, c'est de l'art de "dégénérés", et les critiques pleuvent : tableaux mal finis, exécutés à la va-vite, en "plein air" (quelle horreur); etc..

Alors, qui sont ceux qui ont soutenu et encouragé ces peintres ? Des entrepreneurs.

Que de belles histoires d'entrepreneurs on apprend grâce aux impresionnistes.

Quelques exemples.

Eugène Murer

A 16 ans, c'est un apprenti pâtissier placé à Paris par sa grand-mère. Il se passionne déjà pour la peinture. A 25 ans, juste aprés la guerre de 1870, il ouvre une pâtisserie boulevard Voltaire; il se met à y vendre des "petits pâtés". Cela fera sa fortune ! (on a du mal à imaginer aujourd'hui comment faire fortune en vendant dess petits pâtés boulevard Voltaire, mais c'est le charme de cette histoire).

Puis il débarquera à Rouen en 1883, y achetant un hôtel.

Il va être un mécène actif de Camille Pissarro, qui séjournera dans son hôtel en octobre et novembre 1883 (à "prix d'ami" on s'en doute), et il organisera des expositions-ventes des tableaux (y compris les siens car Eugène peint aussi, mais n'a pas l'air aussi doué que Monet -rien de lui dans cette exposition) pour les vendre aux voyageurs de passage. Sa collection est riche de Monet, Sisley, Pissarro, Gauguin,..Tout ça pour pas trés cher (en plus, le fin Eugène discute les prix, et tente d'obtenir une remise sur le portrait que fera de lui Pissarro - on peut voir cette oeuvre dans l'exposition, que Laurent Salomé est allé cherché au Musée de Springfield (Massachusetts), mais Eugène n'est plus là pour en discuter le prix (il en serait tout étonné, probablement).Murer

Une autre histoire, celle du charbonnier...

François Depeaux

Sa fortune à lui, c'est notamment le boulet de charbon. Car c'est à cette époque qu'est inventé un nouveau poêle de chaffage, la Salamandre, par un ingénieur, Edmond Chaboche. Le génie de François Depeaux, c'est d'avoir trouvé la bonne taille de noix de charbon de 27/55 mm, celle qui répond exactement au calibrage du combustible requis par ce poêle, ni trop gros pour éviter une température de combustion trop importante pour l'appareil, ni trop petit, la combustion étant dans ce cas trop importante ou trop rapide, avec un rendement faible.

C'est cette petite noix de charbon, entre autres, qui va aussi assurer le chauffage des impressionnistes, et François Depeaux va être un acheteur important des oeuvres impressionnistes. Il achète les Monet en cours d'éxécution, et notamment quelques-une de ces "cathédrales de Rouen" admirables dont on en retouve 11 ensemble, venues là encore du monde entier, dans cette exposition.

Anecdote croustillante, François Depeaux semble avoir eu de la peine à donner sa collection au Musée de Rouen qui l'aurait refusée (pas si sûr à en croire Laurent Salomé qui revient sur cette anecdote dans son introduction au catalogue, et qui la met en doute, mais ce qui est sûr, c'est que c'est pas le fol enthousiasme). Cette collection n'atterrira dans le Musée qu'aprés plusieurs péripéties, notamment un conflit sur le sujet entre François Depeaux et sa femme, qui aurait souhaité gardé la collection en héritage (pas folle !). C'est cette donation Depeaux qui constitue en fait le principal de la collection du Musée de Rouen (merci le charbon !).

Passons maintenant aux teintures...

Lui, il a un nom qui nous dit quelque chose..

Léon Monet

C'est son frère.Encore un homme d'affaires, installé aussi près de Rouen, dans une zone qu'on dirait aujourd'hui "industriel". C'est un industriel, de produits de teinture (on est dans la peinture, mais pas tout à fait la même chose). Lui aussi va être un acheteur des toiles de son frère, trés tôt. Il invite Claude Monet, quand il passe à Rouen , à des diners trés chics avec des industriels et des chimistes. Mais Léon aide aussi Sisley, Pissarro, ..Et se démène pour faire connaître ces impressionnistes à Rouen; dans des expositions diverses.

Le catalogue fourmille de ces histoires d'entrepreneurs, pleins d'audace, à fond dans le développement industriel de cette fin du XIXème Siècle, qui sont à l'origine du développement de cette peinture impressionniste.

Alors que les "officiels", les fonctionnaires, les bureaucrates des administrations, sont à la traîne et ne comprennent que tardivement ce qui est en train de se passer.

Pas de quoi, bien sûr, faire la moindre comparaison avec l'époque actuelle...quoique ?

Il y a encore aujourd'hui par ailleurs quelques uns qui ne manquent pas de rappeler que ces oeuvres d'impresionnistes ont été achetées à l'origine par des pâtissiers, et non la vraie bourgeoisie locale, et qui parcourent l'exposition avec cet oeil critique, comme ICI. Décidément, les entrepreneurs seront toujours, pour certains, un peu suspects...Genre des affairistes qui ne comprennent pas grand chose à la culture, etc..Et puis ces impressionnistes qu'ils ont financé, qui ont bénéficié de la propagande de ceux qui ont acheté leurs oeuvres, ce sont ceux-là  qui ont encouragé toutes ces générations de "peintres du Dimanche" qui se sont pris pour Monet en peignant leur jardin...

Raison de plus de saluer cet esprit d'entreprise, en solidarité avec les entrepreneurs d'aujourd'hui.

Cela les encouragera peut-être à acheter des oeuvres d'art (qui sont en plus, grâce à Laurent Fabius, Vice-président de cette exposition de Rouen, exonérées de l'Impôt Sur la Fortune).


Comment mettre du XXIème Siècle dans nos organisations ?

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Le dernier chapitre de l’ouvrage de Michael Goold et Andrew Campbell, dont j’ai déjà dans mes précédents posts ici, est consacré à la présentation des caractéristiques de l’organisation du XXIème siècle.

Il décrit six tendances de fond qui font l’organisation des entreprises d’aujourd’hui et de demain.

Rien de révolutionnaire ; on a déjà lu ailleurs la plupart de ces tendances. Mais c’es une bonne occasion de les retrouver pour les confronter à la réalité de nos organisations, pour voir si elles passent ce test des « tendances de demain ».

Chaque tendance est, en effet,  une incitation à se remettre en cause et à rechercher des voies de progrès et d’amélioration.

Multi dimensionnalité

Finies les organisations en Business Units, qui se contentent d’une seule dimension.

Les organisations sont et seront maintenant multidimensionnelles.

Comme le modèle des organisations qui focalisées sur le client en local, alors que les unités en « back » seront spécialisées par produit ou technologie. C’est le modèle des organisations « front-back » décrit notamment par Jay Galbraith.

On peut comparer ça à une forme moderne des fameuses organisations matricielles des années 90 ; la différence, c’est que ces nouveaux modèles ne sont pas enfermés dans des procédures et processus stricts, mais laissent beaucoup de liberté aux initiatives pour créer les liens et les modes de fonctionnement adaptés entre les unités.

 

Partage des connaissances

Dans l’organisation moderne, ce qui va compter de plus en plus, c’est la capacité à échanger les connaissances et compétences, tant à l’intérieur de l’entreprise, qu’avec l’extérieur, et entre les différents partenaires et « stakeholders ». Finie l’organisation qui sait tout faire toute seule, qui ne conçoit l’innovation que dans son « Centre de Recherche » bien fermé, isolé et protégé, avec des brevets partout (et que parfois elle n’exploita jamais).

Ce sera enfin (car cela fait quand même 20 ans qu’on en parle, depuis le livre de Peter Senge « la cinquième discipline »), le temps de la « learning organization ». Ce concept est plus que jamais actionnable grâce aux facilités de communication, internet, les réseaux sociaux..On a tout ce qu’il faut pour imaginer ces organisations originales et puissantes dans le partage des connaissances. Encore faut-il savoir en tirer profit et imaginer ces nouveaux modes d’organisation.

 

Désagrégation

Les organisations vont se désagréger !  C’est même déjà fait pour de nombreuses.

La compétition pousse de plus en plus d’entreprises à augmenter l’outsourcing de morceaux entiers de leur activité ; à faire sortir des business par des LBO, afin de se concentrer sur le cœur de leur métier, ce qu’elles savent faire le mieux.

On a déjà vu l’outsourcing du management des systèmes d’information, l’outsourcing des fonctions comptables, des fonctions de gestion des ressources humaines, des usines (les entreprises « fab-less » où toute la production industrielle est faite à l’extérieur). On peut imaginer une entreprise multinationale aujourd’hui avec quelques personnes coordonnant un ensemble d’unités sous-traitantes et partenaires dans le monde entier.

Bienvenu dans ce monde des entreprises « virtuelles ».

 

Fin des hiérarchies sans valeur ajoutée

L’organisation avec la pyramide, les niveaux hiérarchiques, les chefs et les sous-chefs qui décident : c’est la fin ? On dirait.

L’organisation moderne c’est celle qui mise tout sur l’ »empowerment » de la première ligne, celle qui est en contact avec le client. Le reste de l’organisation doit alors être le plus « Lean » possible, le plus discret. C’est l’âge d’or de la décentralisation.

Cela ne veut pas dire qu’on va supprimer toutes les fonctions Corporate, mais celle-ci vont devoir justifier et démontrer leur valeur ajoutée pour améliorer la performance de l’entreprise, et celle des unités opérationnelles par rapport à une situation où elles n’existeraient pas. 

 

Obsession de la performance maximum

Ce n’est pas parce que les organisations se décentralisent et donnent de l’autonomie aux unités locales que ça va être plus cool.

Au contraire, ce mouvement s’accompagne d’une exigence toujours plus forte sur la performance de chacune des unités. L’objectif est de motiver chaque responsable d’unité pour produire cette excellence. Plus question de considérer que, dans une organisation, on tolère des unités moins performantes, compensées par d’autres unités très performantes.

Non, dans ces organisations complètement tournées (sous la pression des actionnaires, bien sûr) vers la performance maximum, aucune performance moyenne ou médiocre n’est admissible.

Danger cependant auquel il va falloir veiller : que cette obsession de la performance pour les prochains mois ne vienne pas altérer la capacité d’innovation, de créativité,  et de vision à moyen terme, sur laquelle comptent aussi les investisseurs pour assurer les cash flows de demain et d’après demain.

 

Renouveau

Face à des marchés qui demandent une « croissance pérenne », les entreprises doivent démontrer leur capacité à se réinventer en permanence. Pas question de se reposer sur les performances passées ou présentes ; on veut connaître la suite de l’histoire, et être toujours étonné, surpris, en admiration.

En plus de la capacité d’innovation et d’être une « learning organization », cela veut dire avoir une organisation flexible qui peut facilement et rapidement s’adapter aux changements de l’environnement.

C’est le concept de l’organisation « reconfigurable ».

D’où le rôle des unités qui se mettent en place, de façon temporaire, pour mener un « projet » ; ces « unités projets » sont celles qui permettent de lancer les changements, les transformations, d’assembler des équipes multidisciplinaires, souvent en mélangeant des collaborateurs et des partenaires externes. Ce sont dans ces unités qu’il y aura de plus de mélanges de consultants et de collaborateurs, qui se motiveront les uns les autres pour créer les organisations et faire émerger les idées nouvelles. Les entreprises sans consultants sont celles qui vont disparaître les premières, incapables de s’adapter et manquant de cette flexibilité indispensable apportée par la diversité.

Alors, cette organisation : prête pour le XXIème siècle ?

Ou besoin d’une petite (ou grande) révision ?

C’est le moment d’y penser avant de tomber en panne sur l’autoroute de la reprise, non ?


Contrôle ou motivation : faut-il choisir ?

Dans une organisation, quelle qu'elle soit, on cherche toujours un équilibre entre le contrôle et la motivation.

Michael Goold et AOrganizationndrew Campbell abordent bien sûr le sujet dans leur ouvrage " Designing effective organizations", que je suis en train de finir.

Contrôler, c'est vouloir s'assurer que nos collaborateurs ne font pas trop de conneries, et pour ceux qui voient des conneries potentielles surgir de partout c'est le contrôle super contrôlant qu'il leur faur; c'est comme une maladie. De quoi absorber tout l'air des collaborateurs, les inhiber complètement.Et démotiver ceux qui aimeraient bien avoir plus de liberté et d'autonomie.

Mais inversement, laisser tout faire, ce n'est plus laisser l'autonomie et la motivation, c'est abdiquer. Et prendre des risques sur la qualité, les résultats, tout quoi.

Alors, comment on fait?

Pas de recette miracle pour nos deux auteurs, mais un test de bon sens, et une conclusion pleine de philosophie.

commençons par le test.

Les process de contrôle qui existent dans l'organisation sont-ils responsabiliser et motiver les managers ?

C'est vrai que quand on pense contrôle, on pense qu chef qui surveille, qui recalcule, qui vérifie tout. Ou pire, le comité, la Commission, le double contrôle sur un maximumu de trucs. Une instance spéciale pour "la qualité", ou n'importe quoi.

Alors qu(il existe de nombreux autres moyens de contrôle, du moins de premier niveau, moins traumatisants.

Lesquels ? Si vous ne voyez vraiment pas vous devez être un peu contrôlant, non?

Premier élément de contrôle, l'auto-contrôle : le collaborateur consciencieux qui a dans ses valeurs de ne rien laisser qui ne soit pas excellent (ça peut avoir d'autres inconvénients si excessif, mais une petite dose de bonne conscience n'est pas inutile). Inculquer de telles valeurs est bien sûr plus subtil que de crier sur les collaborateurs, mais certainement plus motivant.

Autres moyens de contrôle, ceux qui sont directement au contact des collaborateurs : les clients (si quelque chose ne va pas, ils vont le dire c'est sûr, et le collaborateur qui a le sens du client ne voudra pas vivre une telle honte). Là encore, inculquer ce sens du client, c'est un objectif tout aussi subtil.

Autre contrôle : les collègues, les collaborateurs des autres unités; les échanges entre les unités et départements de l'entreprise sont autant d'occasions de réguler, de prévenir, de corriger les risques d'eereurs : là encore, il faut être enclin à la coopération, à la solidarité, à l'entr'aide. Et ce sont là des valeurs que l'on n'apprend pas en se faisant crier dessus.

Enfin, autre moyen, plus classique, c'est de mettre à disposition la mesure des indicateurs de performance, pour que chacun sache sur quoi exactement on attend de lui une performance; et comment elle se mesure. Savoir qu'un but est à atteindre, qu'on peut soi-même l'atteindre; voilà un autre élément de motivation.

Bon, on a compris la philosophie : pour assurer contrôle ET motivation, ce ne sont pas des chefs obstinés qui contrôlent tout, compliquent, et alourdissent les coûts de l'organisation dont on a besoin, mais de valeurs, de dispositifs auto-correcteurs où les meilleurs garde-fous sont les pairs, les clients, les équipes, la culture du résultat, s'intéresser au client.

Tout cela, ce sont des évidences. Les plus récalcitrants vont hausser les épaules, et nous traiter d'idéalistes..Ignorez-les.

Attelons-nous à convaincre les managers qui pensent que les problèmes de qualité viennent des collaborateurs incapables.

Contrôle ou motivation : non, pas besoin de choisir....


L'avantage du parent : maison des trois petits cochons ?

Desert-island  L'organisation d'une entreprise, c'est facile à comprendre par le haut : il y a un chef, on l'appelle le patron; il est responsable de tout; quand ça va mal, surtout.

Et puis, tout en bas, il y a ceux qui font le boulot. Les magasins où les vendeuses vendent; les usines où les ouvriers usinent, etc...

Là, où ça se complique, c'est entre les deux, et là, il y a du monde, souvent l'essentiel des effectifs de l'entreprise. Et forcément, le jeu de l'organisation, ça consiste essentiellement à créer les unités; les liens de subordination, les rattachements hirérarchiques et les liens fonctionnels.

Comment on fait ça ?

Posez la question, et vous découvrirez combien tout cela est souvent empirique. On fait comme ça parce que les autres entreprises sont organisées comme ça, et on change parce que on veut créer un poste pour chacun. C'est pourquoi, dans les organisations, c'est comme pour les robes, c'est la mode qui décide.

Prenons ainsi le Siège, la fonction "Corporate" des entreprises. Il s'agit de ce que l'on appelle "les fonctions centrales".

Dans les années 80, encouragées par les études de consultants célèbres, ces fonctions étaient les reines. Elles étaient en charge de la "matrice"; mais oui, vous devez connaître; il y avait les vaches à lait, les chiens, les stars,et on croisait les taux de croissance et les parts de marché relatives pour placer chaque entité dans un joli portefeuille bien équilibré.

Oui, il se passait des choses utiles, les personnes les plus intelligentes y réfléchissaient dans les bureaux les plus chics; bref, le "Siège", tout le monde rêvait de s'y asseoir un jour.

Et puis, la mode a changé . Le mot d'ordre est devenu : A mort, le Siège ! C'était devenu le lieu des "overheads", celui des frais généraux, là où sévissent ceux qui empêchent les "opérationnels" de faire leur travail,..Le Siège devenait la cible des grands projets de "Lean Management".

On est passé à la chasse aux services centraux, et un "Siège" avec le moins de monde possible, c'est devenu le signe d'une entreprise "flexible", "agile", "réactive", n'en jetez plus.

Cette transformation amène à poser de nouvelles questions sur ces fonctions "corporate" ou "centrales".

Il ne s'agit plus de jouer "à la matrice", mais de démontrer une vraie valeur ajoutée pour les unités opérationnelles. Ces fonctions centrales deviennent presque des "sociétés de service" qui doivent constament justifier et rendre visibles leur valeut ajoutée pour la performance des unités.

C'est ce que les anglo-saxons appellent le "parenting avantage", qui crée le lien entre toutes les Unités, afin qu'elles ne se prennent pas pour des îles désertes qui n'auraient besoin de personne.

C'est pourquoi, dans la construction ou l'amélioration des organisations, la mise en évidence de ce "parenting avantage" est critique si l'on veut éviter, ou du moins minimiser, ce conflit latent entre le "terrain" (ceux qui bossent) et le Centre (ceux qui empêchent les opérationnels).

Michael Goold et Andrew Campbell, auteurs d'un ouvrage trés didactique sur le design des organisations (" Designing Effective Organizations"), considèrent cette question comme une des questions test à se poser pour évaluer l'efficacité d'une organisation.

Une des promesses que peut faire le Centre, c'est par exemple sa capacité à faire sortir plus de performance des managers de chaque entité plus fort, et plus vite, que si ils agissaient de manière complètement indépendante. C'est un avantage fondé sur le management lui-même.

Autre promesse, que l'on voit dans les entreprises intégrées, la capacité à faire communiquer les entités  les unes avec les autres pour imaginer ensemble des combinaisons source de création de produits nouveaux.

En fait, les auteurs remarquent, à partir de leur recherches sur de nombreuses entreprises, que la proposition de ce "parenting avantage" n'est pas toujours clairement formulée, les fonctions de "Corporate" ayant tendance à considérer qu'elles représentent dans l'organisation une autorité "naturelle" devant laquelle tout le monde doit s'incliner. Grave erreur.

Il convient au contraire, de bien identifier les véritables sources de valeur ajoutée du Centre pour guider l'organisation, définir et dimensionner les fonctions centrales, et vérifier quel'organisation de chaque unité opérationnelle permet de profiter dre cet avantage (par exemple si le Centre permet un avantage sur la gestion de la Qualité, qui, dans chaque Unité, est le bon relais pour faire circuler cet avantage "Qualité" ?).

Autre promesse explorée par les auteurs : l'avantage d'une "forte culture d'entreprise", culture du client, du service, de l'excellence. Là encore, comment rendre effectif et visible cet avantage ?

C'est précisément en identifiant cette valeur apportée précisément par le "parenting avantage" que l'on construit les organisations les plus efficaces. Car, une fois cet avantage formulé, encore faut-il vérifier que l'on a bien prévu comment le faire pénétrer dans chaque entité, et comment il va réellement délivrer cette efficacité accrue.

D'où le test que propose de conduire Andrew et Michael pour mettre à l'épreuve la robustesse de nos organisations :

" Est-ce que le design de l'organisation accorde suffisament d'attention aux intentions de sources de valeur ajoutée et aux initiatives stratégiques du Corporate ?"

Ce test, c'est comme de souffler sur la maison des trois petits cochons, il a de quoi en souffler quelques-unes...


Où sont les dépanneurs ?

Bricoleur Consultant, ça va souvent avec "consultant en organisation".

Car l'organisation est un sujet inépuisable. Tout le monde y réfléchit. Dans toutes les entreprises, on fait et défait les organigrammes, les responsabilités, on change les managers. On peut y aller : décentraliser plus dans une organisation "trop centralisée"; ou inversement, "centraliser pour mettre plus de rigueur" dans une organisation qui est "trop décentralisée" et où, forcément, "c'est le bazar, on contrôle plus rien".

Et alors, ensuite, cette organisation enfin ramenée à la rigueur et à la centralisation, elle devient "rigide, manquant de flexibilité pas assez agile", et voilà que l'on va maintenant chercher la bonne astuce pour rendre l'organisation plus agile et plus collaborative..

Alors, forcément, quand on est consultant, comme moi, on est toujours en train de chercher des idées pour traiter ce genre de questions et en faire profiter les clients qui nous interrogent.

Le dernier livre de Seth Godin, qui vient d'être traduit en français, donne des pistes d'inspiration rafraîchissantes.

Il est titré : " Êtes-vous indispensable ? Libérer le linchpin qui est en vous...".

L'expression "linchpin" n'a pas pu être traduite; elle caractérise la personne qui est le pivot, qui est cet "indispensable" dans l'organisation. Et tout le livre est un encouragement à faire que chacun de nous révèle son "linchpin" qui a été étouffé au fond de lui par des horribles consignes, chefs, bureaucraties, bref tous ceux qui veulent qu'on leur obéisse. Et le "linchpin" est au contraire celui qui est créatif, qui exerce un art, qui est entreprenant.

Ce livre ne parle pas vraiment d'organisation, mais cherche plutôt à libérer en chacun de nous notre part d'artiste, celle qui " consiste à utiliser intentionnellement votre humanité pour provoquer un changement chez une autre personne".

Et quand chacun révèle cet artiste en lui, l'organisation n'a plus d'importance. Même si ce sont "les organisations qui apporteront le plus d'humanité et de flexibilité dans leurs interactions avec les individus qui gagneront en prospérité".

Seth Godin évoque notamment un profil qui est indispensable dans une organisation, alors qu'il ne figure dans aucun organigramme ni aucune "fiche de poste" (Ah, la fiche de poste, quel mot ! Et pourtant on en entend encore parler dans les entreprises en 2010). Ce profil, c'est celui du dépanneur.

Le dépanneur, c'est celui qui" peut remettre à sa place un client en colère, aborder avec finesse le système informatique capricieux, apaiser le chef ".

Forcément, son poste n'est pas prévu, car l'organisation marche comme prévu quand tout marche bien, et on ne prévoit pas ces problèmes dans les étapes d'un processus (sinon il n'y aurait jamais de problèmes !).

"Le dépannage est un art et c'est un cadeau de la personne qui dépanne à celui qui est en difficulté".

Le dépanneur, c'est celui qui continue à y croire, qui intervient quand tout le monde a abandonné; " Il va au front, fait don de son énergie, et prend un risque pour la cause".

Oui, ces dépanneurs sont bien utiles et mêmes indispensables pour faire fonctionner nos organisations, nos process, face aux incertitudes, aux problèmes, aux accidents; et pourtant on ne les voit pas; on ne sait pas qui ils sont quand on scrute les organigrammes ou qu'on essaye de les construire.

Alors, le message de Seth Godin, qui nous conseille de protéger et de faire prospérer nos dépanneurs, en permettant aux artistes de se révéler, il est bigrement utile de l'entendre avant que les problèmes arrivent car ce jour là, si les dépanneurs n'interviennent pas, la panne risque de tuer notre organisation.

Posons-nous la question avant qu'il ne soit trop tard : Où sont les dépanneurs de mon organisation ? Comment est-ce que je les encourage à se démultiplier ?