Previous month:
juin 2010
Next month:
août 2010

La passion de vouloir

DegaulleVous connaissez comme moi ces personnes qui pensent qu'elles sont moyennes et médiocres, qu'elles ne pourront jamais faire de grandes choses, etc..

C'est d'autant plus crispant quand vous observez ce comportement parmi vos propres collaborateurs.

Quand je me trouve confronté à cette musique, je ne peux m'empêcher d'évoquer un texte magnifique, "Le Fil de l'épée" écrit par Charles De Gaulle en 1932, et qui exhalte justement la capacité à provoquer de grandes choses, si on en a la volonté. J'en conseille alors la lecture à ces auto-dénigrants...

La conclusion de ce court opus en est merveilleuse :

" On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l'avoir voulu".

J'aime particulièrement les pages de De Gaulle sur la notion de "caractère".

Ce caractère, c'est celui qui fait réussir et gagner celui qui en est doté, et échouer celui qui en est dépourvu.

L'homme de caractère :

" Son mouvement est d'imposer à l'action sa marque, de la prendre à son compte, d'en faire son affaire. Et loin de s'abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans les textes, de se couvrir des comptes rendus, le voila qui se dresse, se campe et fait front. Non qu'il veuille ignorer les ordres ou négliger les conseils, mais il a la passion de vouloir, la jalousie de décider".

Bien sûr, l'"homme de caractère" c'est, en creux, la forte tête, celui qui ne veut pas suivre les chemins tout tracés. C'est l'orgueilleux, l'indiscipliné. Celui que les médiocres raillent.

C'est dans l'épreuve et le combat qu'on distingue au mieux cet homme de caractère :

" Que les évènements deviennent graves, le péril pressant, que le salut commun exige tout à coup l'initiative, le goût du risque, la solidité, aussitôt change la perspective et la justice se fait jour. Une sorte de lame de fond pousse au premier plan l'homme de caractère. On prends son conseil, on loue son talent, on s'en remet à sa valeur. A lui, naturellement, la tâche difficile, l'effort principal, la mission décisive. Tout ce qu'il propose est pris en considération, tout ce qu'il demande accordé."

Oui, cette passion de vouloir, ce caractère dont nous parle le général De Gaulle, avec ce superbe style, nous en avons certainement besoin ,aujourd'hui comme en 1932, et au moment où nos entreprises préparent la rentrée, aprés une pause estivale, pour tenter de donner le coup de vitalité qui fera la performance de l'année 2010.

Un bon moment cet été pour relire ou lire "le fil de l'épée"...

 


Le management n'est pas une profession

Management C'est l'éternelle question;

Le management, est-ce que cela s'apprend ?

Réponse la plus courante : cela s'apprend, mais ne s'enseigne pas. Cela s'apprend à l'usage, sur le terrain, par l'expérience, et non dans les MBA et écoles de commerce, y compris les meilleures.

Cette chanson, on la retrouve ce mois-ci dans un article de la HBR, signé Richard Baker, qui permet de prolonger les attaques contre les MBA , sport national aux Etats-Unis, pratiqué par de nombreux gourous, pour la plupart sur la discipline du ...management, et eux-mêmes souvent issus de ces MBA.

Dans cette contribution il est fait référence au terme "profession", qui désigne une compétence ou une expertise que l'on peut apprendre (la comptabilité, le droit, la médecine), alors que le management requiert plutôt des talents, du savoir-faire, un style, tout ce qu'on ne put mettre en boîte prêt à consommer.

alors, pour apprendre le management, outre l'expérience, on a aussi les témoignages et citations de ceux qu'on peut considérer comme les bons managers, les bons élèves, les success stories.

aujourd'hui, dans Le Figaro, c'est, au détour d'un supplément sur les Evian Masters, sponsorisés par Danone, le tour des confidences de Franck Riboud, son PDG médiatique.

Il y compare le golf et le métier de manager. Car, nous dit Le Figaro, il " swingue entre sa passion du golf et sa carrière professionnelle". Bon, on s'attend au pire...

Finalement non; quelques extraits m'ont bien plus (je passe direct au management, car je ne comprend rien aux termes de golf, les bogey, les eagles, le par 3, ...il y a juste le club house qui m'évoque quelque chose d'attractif) :

L'éducation, l'école :

" Dans le travail, ma meilleure école, c'est mon éducation. Les études vous construisent le cerveau, vous apprennent à prendre le problème par le bon bout, à travailler, à donner le coup de collier. Aprés, plus vous montez dans la hiérarchie, plus les rapports humains deviennent hyperimportants. Savoir emmener les gens, leur parler, les motiver".

Le practice, l'entraînement :

" Dans le travail, on répète en permanence. Tout le monde pense que quand je vais parler à l'extérieur, j'arrive, comme ça, la fleur au fusil. Je ne m'exprime jamais sans avoir étudié le dossier. On ne peut pas faire semblant. Nous ne sommes pas des gens de théâtre. Ou alors on se fait prendre un jour et on perd toute crédibilité. Et perdre sa crédibilité quand on est patron d'une entreprise, c'est ce qu'il y a de pire".

 

En résumé, il faut parler, mais pas parler sans préparer, et parler vrai, pas comme des gens de théâtre...

Belle leçon, non ?


Les profits tuent ils le capitalisme ?

Short2 On l'entend souvent, les entreprises voient trop à court terme, sont obsédées par les profits trimestriels, et n'investissent pas assez dans le futur et le moyen/long terme.

Certains de ceux qui se lancent dans ces tirades ont en tête que c'est l'Etat qui seul peut penser ainsi loin et dans le futur; et vite fait on enchaîne vers une société idéale où on nationalise tout, on met Staline ou Mao aux commandes, et tout baigne. Malheureusement, on a déjà vu Staline et Mao à l'oeuvre, et on a pu constater que ce n'était pas aussi facile que ça.

C'est pourquoi il est d'autant plus intéressant de lire cet article paru cette semaine dans le New York Times, et repris dans le Herald Tribune :"Are profits hurting capitalism ?"; écrit par Yves Smith, auteur du blog Naked Capitalism, et Rob Parenteau, dirigeant d'en société de conseil financier.

Les deux auteurs nous font remarquer que depuis près de quinze ans, les entreprises ont eu tendance à faire plus d'économies, et à investir moins. Ceci concerne les Etats-Unis, comme l'Europe, mais aussi la Chine et le Japon. Obsédées par leurs "quarterly earnings", et de montrer des profits à court terme, elles évitent d'investir dans le futur.

Car c'est sûr, développer de nouveaux produits, acheter de nouveaux équipements, ou se développer géographiquement, ce n'est pas gratuit; il faut claquer de l'argent dans des recherches marketing, dans des consultants, le design de produits, des avocats, bref tout un tas de prestataires et partenaires.

Alors, au lieu de payer toutes ces dépenses, et prestataires, et investissements, les entreprises n'ont-elles pas plutôt tendance à choisir de gonfler les profits, ce qui permet d'affecter l'argent à d'autres destinataires: les actionnaires via les dividendes, les bonus de plus en plus gros des dirigeants, les spéculations financières, qui permettent de faire encore plus de fric avec le fric ainsi sauvé et dégagé...?

On pourrait penser que cela résulte d'un manque d'opportunités d'investissements; car il est forcément préférable de réaliser son bénéfice que de l'investir dans un choix hasardeux; oui, on est d'accord. Mais c'est un peu réducteur, car il est difficile de croire qu'il n'existe plus de domaines d'investissements rentables.

Alors, si les entreprises préfèrent mettre leur argent dans les poches des actionnaires et dans les bonus des dirigeants plutôt que dans l'investissement, à qui va revenir de faire ces investissements ? Les auteurs ont leur réponse : c'est l'Etat et le secteur de l'import-export.

Mais, drame de drame, l'Etat est justement en train d'imaginer l'inverse : moins de dépenses, plans d'austérité, etc..

Résultat prévisible : moins de croissance, les salaires qui baissent, profits qui chutent, baisse des prix, déflation, récession, dépression...

C'est pourquoi Yves et Rob pensent que la solution, c'est d'inciter plus que jamais les entreprises à réinvestir leurs profits dans leur business. C'est une question vitale.

Et la conclusion de leur article vaut la peine :

C'est la poursuite d'une croissance rentable qui a été le meilleur moteur de la prospérité depuis la révolution industrielle. Aujourd'hui, les dirigeants des entreprises sont récompensés pour leur myopie et leur spéculation, minant ainsi le vrai capitalisme. Nous avons besoin de régulation pour empêcher ce développement destructeur; et reconnaître que les déficits de l'Etat ne font que compenser l'argent économisé, et non investi, par les entreprises. En ce sens, ces déficits sont considérés par nos deux auteurs comme nécessaires et salutaires.

C'est sûr que cet article, à l'heure où l'on entend à longueur de journée notre gouvernement et nos politiques clamer le besoin de réduire drastiquement la dépense, et où l'on constate que les profits redistribués en bonus et dividendes enflent, ne peut que nous aider à être un peu moins les moutons bêlants abrutis par la pensée unique.

Cet article nous fait revenir au fondamental : ce qui fait le développement du capitalisme et de l'entreprise, au sens de l'entrepreneurship, c'est d'abord la prise de risque et l'investissement.