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Aristocrates et révolutionnaires

Aristos C'est une image qui revient de temps en temps dans les images qui parlent du management, des entreprises.

Je l'ai encore entendue, mais plus vive que jamais, la semaine dernière, en préparant une conférence de PMP sur "l'innovation managériale" avec un dirigeant de Google. Car Google fait partie des entreprises qui se considèrent comme révolutionnaires, les entreprises des ruptures et de demain. Et toutes les autres, celles de l'économie d'hier, qui subsistent encore aujourd'hui, mais vont souffrir, ce sont les aristocrates, comme dans l'ancien régime.

De quoi parle-t-on ?

Mais bien sûr, en premier lieu, de tous les débats sur la propriété intellectuelle.

Pour Google, les temps ont changé; l'abondance a remplacé la rareté. Il existe une technologie, internet, qui permet de diffuser à l'infini les musiques, les livres, gratuitement. En Italie trés récemment, Google a signé un accord permettant de diffuser gratuitement les oeuvres littéraires majeures de l'Italie, soit un million d'oeuvres, tout ça gratuitement.

Si l'on se met à la place de ceux qui pourront accéder ainsi gratuitement à cette littérature, quel progrès pour la culture, pour l'éducation, etc.. Vive la révolution !

Et alors, bien sûr, pour les auteurs, les éditeurs, les distributeurs, pour ceux qui ont toujours crû que la duplication des oeuvres se payait, parce que c'était comme ça dans le monde de la rareté, de l'imprimerie, des CD, alors oui, pour cdes aristocrates, c'est vraiment la révolution. C'est la fin des privilèges. Il va leur falloir trouver de nouveaux modèles économiques; par exemple reporter les recettes sur les spectacles vivants, les concerts, ces places à 200 € pour aller voir Madonna. Et chercher de nouvelles sources de revenus intelligentes que les consommateurs, ou d'autres, sont prêts à payer.

Et pour Google cette révolution, c'est aussi la révolution des modèles économiques. Les dirigeants ne savent pas bien en numérisant ces oeuvres littéraires et en les mettant à disposition gratuitement, comment ils vont gagner de l'argent. Mais pour eux, qui sont jeunes, dans les trente ans, le raisonneùment est révolutionnaire : si on apporte de la valeur ajoutée au monde, le monde nous le rendra. C'est une profession de foi, la confiance dans le libéralisme; la confiance dans le monde de demain.

Cette approche révolutionnaire, elle nous change vraiment; elle apporte, c'est certain de l'air neuf et de nouvelles idées dans notre approche des modèles économiques des entreprises.

On a l'impression qu'il faut choisir son camp : pour les aristocrates qui veulent essayer d'empêcher les digues de se briser avec leurs petits doigts, en vain; ou bien avec les révolutionnaires qui préparent le nouveau monde. C'est intéressant ce retour à la période révolutionnaire. On va rouvrir nos livres d'histoire (ou chercher sur Google).

Selon les révolutionnaires, et Google en tête, on n'en est qu'au début. Accrochons-nous !


« J’ai peur de te décevoir » ou « Je t’emm… » ?

Deception

Dans l’entreprise, il se passe, parfois, entre le manager et le collaborateur de drôles de passions.

L’une d’elle, c’est celle du collaborateur qui veut tellement bien faire pour faire plaisir au manager qu’il vit avec un sentiment permanent de peur de le décevoir.

Ce sont ces équipes où l’on sent autour du manager une sorte d’admiration qui, certes, ne peut que flatter l’ego de ce manager qui se sent ainsi le parent nourricier de ses collaborateurs. Mais on y sent aussi cette peur qui empêche de se parler, de parler de ce que l'on ressent, de ses émotions et ses angoisses.

Ce sont aussi des situations qui peuvent être dommageables à la performance intrinsèque des équipes, qui n’osent pas prendre de risques, ou exprimer des opinions diversifiées.  Le débat d’idées est difficile dans ces équipes, car les conflits d’opinions sont constamment contournés.Et puis ce collaborateur qui est toujours dans la peur de décevoir, il ressent un sentiment de culpabilité qui le terrorise.Cela peut même s'accompagner de souffrance.

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Alors, cette histoire de « j’ai peur de te décevoir », ça vient d’où ? Comment s’en sortir, tant pour le manager que pour le collaborateur ?

La Communication Non Violente (CNV), théorie développée par Marshall B. Rosenberg dans les années 60, et très développée aujourd’hui à travers le monde, nous aide dans cette analyse, pour repérer ce phénomène qui consiste ne pas assumer librement la responsabilité de nos sentiments.

Ce qui est en cause dans ce comportement, c’est ce mécanisme de la motivation par la culpabilité qui consiste à attribuer la responsabilité de ses sentiments aux autres. Ça commence à l’école quand les parents nous disent : «  si tu as de mauvaises notes à l’école, cela nous fait de la peine ». Cela ressemble à de l’affection, mais c’est aussi une manière de nous convaincre de modifier notre comportement en fonction des désirs de nos parents, et de mener nos actions, non pas spontanément, mais pour échapper à la culpabilité.

Pour sortir de cette situation la CNV nous invite à assumer notre propre responsabilité de nos sentiments, selon une démarche en trois étapes pour passer de l’état de l’esclavage affectif (« j’ai peur de te décevoir ») à celui de la libération affective.

 

Première étape : l'esclavage affectif

L’ « esclavage affectif », c’est cet état par rapport aux autres où nous voulons faire plaisir à tout le monde, persuadés que nous sommes d’être responsables du sentiment des autres. Si nous constatons que notre manager a l’air mécontent ou insatisfait de notre travail, nous nous sentons responsables et obligés d’y remédier. Avec de tels sentiments, les personnes qui nous sont les plus proches, à qui nous voulons constamment faire plaisir, deviennent des poids, et nous empêchent d’exprimer notre liberté. Cela conduit à passer à côté de beaucoup de choses, de désirs, à nous fermer sur nous-mêmes, concentrés que nous sommes à endosser la responsabilité des sentiments d’autrui, et à essayer de « faire avec », quoiqu’il nous en coûte.

 

Deuxième étape : la colère

Une prise de conscience subite de cette situation conduit à vivre la deuxième étape de révolte ; c’est l’étape où l’on prend le courage de dire non, d’exprimer ses besoins, parfois avec violence, contre les besoins des autres.

Cette étape n’est pas non plus une situation stable, mais elle est nécessaire. Elle est un bon signe d’évolution.

On en connaît les manifestations les plus détonantes, qui consistent à réagir à la souffrance de l’autre par des réflexions désagréables. Par exemple, c’est ce jeune garçon qui se voit reprocher par le professeur de ne pas s’habiller correctement pour venir à l’école, et à qui il répond violemment « Je t’emmerde ! ». Voilà un signe d’affirmation fort. Dans la vie professionnelle cette phase va se caractériser par des sorties agressives pouvant être assez violentes entre le collaborateur et le manager ; d’autant plus douloureux que cette étape succède à une soumission affective. C’est le collaborateur qui, prenant conscience qu’il veut trop faire plaisir, en devient, par réaction, violent, maladroit dans la contradiction, blessant en étant trop direct, souvent malgré lui, mais parce qu’il ignore d’autres moyens de réagir. On dira de lui qu’il est « trop direct, trop agressif, trop violent ». Et il pourra alors facilement régresser vers la phase d’ »esclavage affectif » quand il se voudra revenir à son confort, sans conflit. Car cette phase n’est pas satisfaisante en ce qu’elle nous fait refuser d’admettre que les sentiments et les besoins des autres nous importent.

Alors comment s’en sortir ?

 

Troisième étape : la libération affective

C’est là que l’on arrive à la troisième étape, qui va constituer la véritable issue à la situation. C’est la phase de la « libération affective ».

Elle consiste à réagir aux besoins des autres ni par crainte, ni par honte, ni par culpabilité, mais avec bienveillance. Nous nous sentons responsables de nos actes et de nos intentions, et non de ceux des autres. La libération affective est cette posture qui consiste à exposer clairement ce que nous voulons, tout en montrant que nous voulons aussi que les besoins des autres soient satisfaits. C’est un autre niveau de relation avec les autres dont on parle. C’est la prise de conscience que nous ne pouvons jamais satisfaire nos propres besoins au détriment de l’autre. C’est cette posture où l’on sait affirmer nos besoins, les assumer, sans juger les besoins des autres, qui donne la solidité à la communication et aux relations professionnelles et au sein des équipes.

 

Car cette évolution et cette posture, cela marche dans les deux sens ; il s’agit autant de parvenir à exprimer ses propres sentiments et besoins, que d’accueillir et d’écouter les sentiments et besoins de l’autre. C’est cet échange adulte qui va constituer la qualité de la communication et de l’échange.

Dans cette posture, pas de « peur de te décevoir », ni de « je t’emmerde ! » ; mais une fluidité de communication que l’on souhaite la meilleure possible pour la performance de nos équipes.

 

Reste à s’y exercer chaque jour, sans se décourager.

Comme disait le bon Docteur Coué : chaque jour, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux.


Danse de débutant

Bal Business Week traitait dans son édition du 1er mars d'un sujet d'actualité : comment les patrons nouvellement nommés s'en sortent quand ils arrivent en pleine crise ?

C'est vrai que remplacer aujourd'hui au pied levé un patron qui s'est fait sortir pour performances insuffisantes, et se voir demander de s'engager à redresser la situation rapidement, c'est pas gagné en ce moment. Il y a de quoi se faire du soucis.

Il est plus facile d'avoir l'air d'un grand patron quand la conjoncture est bonne que quand la crise sévit. C'est une évidence. C'est dans les périodes difficiles que l'on distingue les vrais leaders.

Les protraits de débutants qu'a choisi Business Week ne sont pas ceux de débutants vraiments; ils ont tous déjà roulé leur bosse; mais arriver dans une période aussi dure, c'est souvent nouveau pour eux.

Les témoignages des patrons interrogés convergent tous sur une chose : dans la récession, la pire attitude consisterait à croire qu'il suffit de baisser le tête et d'attendre que l'orage passe. Il faut au contraire diffuser un fort sentiment d'urgence, et savoir résister, en tant que dirigeant, à tous ceux autour de vous qui aimeraient mieux s'en tenir au statu quo.

L'article met en évidence  ce qui a concentré l'énergie de ces boss débutants.A quoi ont-ils pensé en priorité.

Pour John , c'est le client

John Donahoe, Président de eBay depuis mars 2008, aprés avoir été le dirigeant du groupe de Conseil Bain, a inauguré la première série de licenciements massifs du groupe eBay. Ce qui ne lui a pas, au début, fait que des amis.

Il témoigne dans l'article avoir eu une approche de "servant leadership" : ça veut dire pour lui aller à la rencontre du client, et dérouler toutes ses actions à partir de là. Il s'est promené dans le monde avec une petite caméra vidéo, et a filmé les interviews des vendeurs sur eBay, partageant leurs opinions avec le personnel de l'entreprise. Il a aussi lié les rémunérations des managers à l'indice de fidélité des clients, mesuré par des enquêtes régulières. Bon, à lire les commentaires sur le site de BW, on voit que certains clients vendeurs ou acheteurs de eBay ne sont pas trop d'accord et ont l(impression qu'avec Donahoe, c'est pas la joie pour les clients.Mais l'initiative est originale.

Pour James , c'est lui-même

James Kennedy, devenu Président de T.Rowe Price (le sixième plus grand Mutual Fund des Etats-Unis, avec 350 Milliards d'actifs) en janvier 2007, Là encore, c'est plan de réductions de coûts massives, pour contenir l'hémoragie apparue au moment de la faillite de Lehman Brothers.

C'est un véritable stress pour le dirigeant. James a donc partulièrement veillé à sa santé, à son temps dehors. Il a fait du golf régulièrement avec sa nouvelle femme. Car un patron calme, maître de lui, qui inspire confiance, c'est ce qui est important pour lui.

Pour Diane c'est l'attaque et la discipline.

Diane Irvine a pris les commandes de Blue Nile, qui vend des pierres précieuses par internet, aprés avoir été Directeur Financier de cette même entreprise. Cela lui change de passer au poste de patron, car elle n'avait plus ses collègues du Comex; elle était plus seule. Elle a donné, dans cette période de récession, et des hausse du prix des matières précieuses, une ambition de conquête de marché, et elle a communiqué le sens de la discipline.

Pour Peter,  c'est les relations entre employés

Peter a pris les commandes de Molson Coors, une entreprise de brasseries de bière, en juin 2008, aprés avoir été à la tête d'une des entreprises du groupe. Son challenge était de faire vivre cette entreprise comme un seul groupe, avec le même sentiment d'appartenance, et non comme des entreprises indépendantes qui s'ignorent. Il a voulu que les employés interagissent plus. Et a utilsé le réseau social Yammer (une sorte de Twitter pour réseau social d'entreprise), afin que les communications entre employés soient facilitées. Car dans une période difficile où l'on doit se rassembler, ces contacts sont aussi la possibilité de s'entr'aider, de ne pas se sentir seul. Il a aussi encouragé les contacts physiques plus fréquents, juste pour se retrouver, "socialiser" comme on dit. Et aussi pour échanger sur la même "vision pour le futur". Oui, quand ça chahute dans la conjoncture, on aime que son entreprise nous permette aussi ces contacts humains.

Finalement, pour danser sur le feu de la crise, les secrets ont l'air simples : il suffit de penser aux clients, de s'occuper de soi, d'attaque, de discipline, et de relations humaines. A la portée d'un débutant, non ?

Alors, pourquoi en voit-on tant, même certains pas si débutants que ça, qui n'y pensent pas ?