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Plans d'action, d'action, d'action....

Coule Une rencontre, cette semaine, qui m'a marqué.

C'est le Directeur Europe d'une Division d'un grand groupe industriel. Il est en plein marasme, comme beaucoup d'autres à la même place que lui, dans des Divisions de grands Groupes industriels du même genre : l'activité a baissé vertigineusement en 2009, de 20 à 40% selon les pays et les segments de produits. Il a préparé le Barco, il pilote tout depuis son ordinateur. Il me montre la courbe à l'écran, ça ressemble à une piste de ski de Vancouver...C'est en bleu, en rouge, en noir, il y a des chiffres autour, en-dessous, au-dessus; et derrière ces  chiffres, il y a des emplois qui sautent, des managers qui se font sortir.

Quel âge a-t-il, lui ? un âge suffisamment mûr pour être sur la sellette quand les résultats ne sont pas là. Je le sens anxieux, en sur-activité, on pourrait dire stressé. il me reçoit en retard, aprés m'avoir fait attendre dans le couloir environ un quart d'heure; il parle dans son bureau; j'attend.

Il vient de faire un "road show", comme il me le dit. Cela a consisté à rencontrer les cadres dans toute l'Europe, avec ces courbes noires et rouges sous le bras, dans la clé USB, et les Powerpoint qui expliquent bien tout. C'est impressionnant.

Il  est en chemise, plutôt agité, on dirait qu'il a chaud (au propre et, je pense, au figuré). Il agite sa jambe droite, un peu comme lui (lui, c'était la jambe gauche), il me fait penser à lui d'ailleurs.Il s'agite beaucoup, tout est rapide. Il connait tous les chiffres, tous les détails par coeur; le discours est nickel; Regardez, j'ai tout prévu, j'ai compris; et en même temps je sens comme une angoisse. C'est physique.

Puis il me présente les "plans d'actions" : il y en a  partout; plein de couleurs, des noms anglais, ça s'appelle "Fast ". L'idée, on le comprend vite, c'est de redresser la barre; mais au fur et à mesure que le chiffre d'affaires s'effondre, même en réduisant les coûts de plusieurs millions d'euros, on reste en pertes. Et le budget 2010 est en pertes. Alors le programme "Fast ", avec des économies ici, des réductions là, on se retrouve à l'équilibre. Il me débite ces slides à toute allure, moi aussi je fais partie du "road show". J'ai le sentiment d'entendre quelqu'un en  détresse, mais qui veut sauver la face.

Et puis il se calme un peu, et vient la question : "peut-être qu'il existe encore quelque chose à laquelle je n'ai pas pensé, qui existe dans une entreprise qui ressemble à la mienne, alors, vous, le consultant, si vous me dites ça, ça m'intéresse que vous me le disiez; d'ailleurs j'ai déjà parlé à d'autres consultants...". Je suis le consultant; il me toise; il me demande un miracle, une nouvelle action qu'il pourra jeter dans son plan d'actions multicolore, une solution à laquelle il n'a pas pensé..Je n' arrive pas à en placer une. Il attend quoi ? que je sorte un miracle ? Pourquoi m'a-t-il proposé cette rencontre ? pas pour me parler de lui, ni de ses ressentis; non, il cherche LA solution. Il a l'air tellement stressé. Je lui souris en me tournant vers lui, délaissant l'écran où brillent les courbes qu'il vient de me commenter. Je lui aurait presque mis la main sur l'épaule; mais je sens que ce n'est pas le moment; un consultant, pour lui, c'est une sorte de machine à solutions. Pas de sentiments entre nous.

Et puis il me précise que là on n'a plus le temps, il a autre chose, une nouvelle épreuve qui l'attend; on peut se rappeler par téléphone la semaine prochaine. Et sa jambe continue de remuer comme un mécanisme automatique.

Il s'agite encore, il appelle autour de lui; il a un rendez vous, encore.

Je me lève. Je lui dit merci.

Bon, je lui dois un retour; oserais-je lui dire les sentiments qui m'ont parcourus pendant cet entretien qui n'en était pas un.

Et puis-je vraiment l'aider ?

En tout cas, je ne vais pas lui sortir le truc magique de l'entreprise qui a trouvé un truc auquel il n'a pas pensé.

Peut-être devrait-il juste se reposer un peu.

Même les patrons, surtout les dirigeants managers, sont en stress en ce moment.


L'éthique pour faire du fric ?

Fric Présent ce matin dans une assemblée de patrons et d'entrepreneurs. On y parle de l'éthique, de responsabilité sociale.

Opinion tranchée d'un intervenant : l'éthique, c'est pour faire du fric. Et de citer l'initiative de PepsiCo qui, plutôt que de faire de la pub lors du Superbowl aux Etats-Unis (100 Millions de téléspectateurs !) a choisi de lancer un projet "Refresh" sur les médias sociaux pour financer des projets à vocation humanitaire ou éthique : tout le monde peut proposer un projet, ce sont les internautes qui vont voter pour désigner les meilleurs projets; et PepsiCo va financer les projets à coups de millions de dollars. Démonstration : l'éthique, ça va rapporter plus que la pub...tout le monde va en parler. Ah, on vous a bien eu !

C'est vrai que ces histoires d'entreprises qui font des belles déclarations sur leur vraie vocation pour sauver la planète, c'est souvent avec une idée derrière la tête, non ? Les patrons présents l'ont quasiment tous dit : une entreprise, c'est d'abord pour faire du profit, et non pas pour s'occuper des causes éthiques de toutes sortes; même si cela ne dispense pas de s'imposer une certaine morale, mais pas plus que la morale consistant à bien se tenir dans les relations sociales, à être poli, à laisser sa place aux vieilles dames dans le bus, etc..

Geoffroy Roux de Bézieux, un des patrons présents (Virgin Mobile) a exprimé une opinion différente : l'éthique de l'entreprise, ça n'existe pas; la seule éthique qui compte et qui a de la valeur, c'est l'éthique individuelle; et le premier qui doit se l'appliquer, c'est le patron lui-même. Alors, on pourra vraiment croire à sa sincérité. Et ce sont ces actions individuelles, son comportement, ce qu'il fait, lui, personnellement, qui démontrent cette sincérité.

Et c'est précisément l'attitude personnelle du patron, de l'entrepreneur, qui , en réalisant son rêve égoïste de créateur d'entreprise, de "money maker", génère, grâce à son attitude, des effets bénéfiques et du bonheur autour de lui. Geoffroy Roux de Bézieux nous a rappelé qu'il a créé des entreprises qui lui ont permis de s'enrichir, mais aussi de créer des milliers d'emplois  (il en est à 3000 chez Virgin Mobile ). Cette vision optimiste du capitalisme, et cette conception de "l'éthique patronale" nous parle directement.

Finalement ce sont ceux qui font leur vrai job de chef d'entreprise, et qui se décarcassent pour rendre performante leur entreprise, qui sont les plus sincères et les plus éthiques.

Inversement, comment ne pas se méfier de ceux qui utilisent l'éthique comme une grosse ficelle pour nous faire avaler des couleuvres...ou du Pepsi ?


Re-heureux

Smiley J'avais déjà parlé de cette entreprise qui se déclare formidable, mais qui avait du mal à trouver son dirigeant pour la France : SAP.

Hasso Plattner, co-fondateur de cette entreprise, président du conseil de surveillance, et toujours premier actionnaire de l'entreprise, a pris la décision brutale de faire partir le PDG, nommé depuis un an, Léo Apotheker.

Ce qui retient l'attention, et que toute la presse a repris, c'est la justification : Ce que Hasso Plattner veut en changeant la Direction, c'est simple...comme le bonheur :

" Je vais faire tout mon possible pour que SAP redevienne une entreprise heureuse".

"Pour les entreprises cotées en Bourse, le profit, c'est tout. Mais il faut que SAP soit de nouveau heureuse et profitable".

"Cela ne veut pas dire que l'on n'est pas heureux, mais que l'on pourrait l'être davantage".

Il y quelques semaines, SAP avait annoncé des marges supérieures aux attentes, et de marges meilleures que les prévisions; mais voilà, apparemment, l'adage a raison : le profit et les marges ne font pas le bonheur.

Ce qui est énigmatique là-dedans, c'est la question : c'est quoi exactement une entreprise heureuse ?

Car on a longtemps fait courir le bruit que une entreprise heureuse c'était celle qui marchait bien, qui faisait sourire les actionnaires, et qu'un actionnaire heureux, c'est le bonheur pour tous; la fameuse théorie du "shareholder value". Et puis on est passé à la valeur pour tous, les "stakeholders". Mais on pensait alors que le bonheur c'était pour tous. Là, surprise: les profits sont là, mais le plus gros actionnaire n'est pas heureux du PDG, et trouve que l'entreprise n'est pas heureuse.

Tous nos repères s'effondrent.On n'était pas trop habitués à parler comme ça, de confiance, de bonheur..

Pour rendre Re-heureuse l'entreprise, il ne faut pas moins de deux dirigeants au lieu d'un. C'est un couple d'hommes qui va être en charge du bonheur, un américain et un suédois.

On leur souhaite plein de bonheur bien sûr, et d'avoir beaucoup d'enfants.

C'est beau l'amour.


Reviens, Démocrite !

Masques Ces masques de théâtre vont toujours par deux, aux frontons des salles de spectacle, sur les affiches, on en fait même des bijous. Ils représentent le masque du rire et le masque de la tristesse; la comédie et la tragédie.

C'est aussi une façon de nous représenter notre regard sur le monde, sur la vie qui nous entoure. Car le monde n'est pas par nature gai ou triste; le lieu où nous sommes, et même l'entreprise où nous travaillons, ne sont gais ou tristes que parce que notre regard est gai, ou triste.

Les deux figures qui personnifient ces deux attitudes sont classiquement les deux philosophes grecs, Démocrite, et Héraclite. Démocrite qui rie, Héraclite qui pleure.

A l"époque moderne, certains ont l'impression que Démocrite perd du terrain; la mélancolie, la vision tragique du monde, les problèmes, le stress, sont plus à la mode, font plus de titres dans les journeaux, que la franche rigolade.

Louis Van Delft, professeur à Paris X, dans son livre sur "les Moralistes"parcourt ces auteurs qui ont en commun un regard qui se veut lucide, et qui est souvent désespéré, sans joie, sur le monde qui les entourent. Certains en arrivent à en rire, mais pas du tout avec le rire de Rabelais, mais un rire cynique, plein de désespoir. Cette façon de rire, c'est aussi, souvent, celles de nos comiques d'aujourd'hui, qui font rire en dépeignant des personnages de la vie courante qui sont désespérés, perdus, désabusés du monde social.

Dans le monde de l'entreprise, ces personnes sévissent aussi.

Ce sont ces personnes qui, portant un regard insatisfait sur le monde qui les entoure, n'arrivant pas à accepter le monde tel qu'il est, à le prendre par "le rire", avec optimisme,  prennent une sorte de revanche sur l'indignation ou l'affliction que leur cause ce monde, en le faisant connaître pour ce qu'il est en vérité, en mettant en évidence toutes ses imperfections, et elles prennent un réel plaisir à le faire. Elles vont exercer ces critiques avec acharnement, comme si elles réglaient leur compte à ce monde, en le dénonçant, pour se guérir des blessures qu'elles ont l'impression qu'il leur inflige. On pourrait parler de cruauté.Qui peut aller jusqu'à une sorte de rage à lancer des "piques", comme des couperets, à procéder à des "éxécutions", jusqu'à vouloir presque annihiler le monde. Une vengeance jamais rassasiée.

Quand on rencontre et que l'on entend une telle personne exerçant ses critiques, souvent incisives, envers ce qui les entoure, on ne peut s''empêcher de souffrir de leur état; comme de les voir en train de se débattre dans une profonde obscurité qu'ils ont eux-mêmes créée, eux-mêmes imaginée. Quoi de mieux que de noircir le monde pour pouvoir dénoncer sa noiceur.

Pour se sortir de ces attitudes, pour retrouver la lumière, il est temps de redonner de l'air à Démocrite, de le faire respirer en nous, pour rechercher de nouvelles lectures du monde, imaginer dans l'espoir et l'optimisme, les nouveaux modèles de liberté de demain.

Quelques citations pour nous donner envie (reprises d'ICI) :

" La conscience a été donnée à l'homme pour transformer la tragédie en une comédie"

" N'aimer personne, c'est à mon avis, n'être aimé par personne"

" Ne te montre pas soupçonneux envrs tout le monde, mais prudent et ferme"

"Pour l'homme, il convient de faire plus grand cas de l'âme que du corps. Car l'excellence de l'âme corrige la faiblesse du corps, mais la force corporelle, sans la raison, est absolument incapable d'améliorer l'âme".

 


Stratégie

Strategie Aujourd'hui, premier lundi du mois, retrouvez ma chronique sur le site "Envie d'entreprendre".

Cela évoque la stratégie, celle d'hier, et les nouvelles tendances.

C'est comme la mode, la stratégie, il ne faut pas faire de faute de goût, au risque d'être trop décalé.

Pour vous mettre au goût du jour, c'est ICI