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Les nouveaux Princes

CesarBorgia Les chefs d'entreprises sont-ils les nouveaux Princes ?

C'est l'opinion de Dominique Reynié, Professeur à Sciences Po, entendu la semaine dernière lors d'une manifestation organisée par l'ESSEC-ISIS.

Pour lui, la conception d'un monde régulé par les Etats, pouvoir suprême, souverain, au-dessus desquels il n'y a rien, aucun pouvoir (c'est la définition du terme "souverain"), c'est fini.

Sa thèse est simple à suivre.

Aujourd'hui, la puissance politique s'est déplacée vers la société civile et les entreprises.

Ainsi les entreprises sont devenues des entités non plus seulement économiques, mais politiques. Quand Google parle avec l'Etat chinois pour savoir si il va rester en Chine, il fait un acte politique. Quand l'Etat français et la BNF tentent de contrecarrer les ambitions de Google sur la numérisation des bibliothèques, c'est de la politique.

Conséquence pour les entreprises : on ne leur demande plus dde vendre des produits, de satisfaire leurs clients, de faire du profit. Non, on attend maintenant de l'entreprise qu'elle soit capable de rendre des comptes sur l'égalité sociale, la parité, l'équité des rémunérations, la diversité, la protection de la planète,...

Quand l'entreprise veut innover, pour conquérir de nouveaux marchés, de nouveaux clients, ou améliorer la qualité ou le service aux clients, elle doit, aux yeux des citoyens, se justifier en tant qu'entité politique sur des critères complètement extérieurs à l'entreprise : l'utilité sociale de l'innovation, l'effet sur l'emploi, sur la santé, sur l'écologie,.

Le jugement que l'on porte sur l'entreprise est ainsi devenu complètement politique.

Ces nouvelles exigences qui pèsent sur l'entreprise lui demandent ainsi de rendre des comptes devant un auditoire qui dépasse complètement ses actionnaires, ses clients, ou même ses employés. C'est la société toute entière, l'homme de la rue, qui se donnent le droit de juger, de sanctionner, l'entreprise et ses dirigeants. Si l'on n'aime pas les produits, on peut casser la vitrine du MacDo; si je pense que tes fournisseurs de tes fournisseurs sont des pollueurs, je met le feu à ton usine, etc...

On pourrait ajouter le droit du citoyen vis-à-vis des salaires, des bonus, des dirigeants, et pourquoi pas bientôt des cadres, des employés ( tous des Proglio en puissance, chacun à son niveau). L'entreprise déshabillée par l'opinion publique. Ses décisions soumises au tribunal du Peuple. Un nouveau modèle en effet, qui n'est pas forcément trés rassurant.

On en arrive à faire peser sur l'entreprise, la responsabilité des conséquences de toutes ses innovations, même celles ( et surtout) qu'elles ne peut pas prévoir. Et donc, diriger l'entreprise aujourd'hui, c'est faire de la politique, plus que jamais; c'est poser son discours, ses actes, comme un discours et des actes politiques.

C'est pourquoi pour Dominique Reynié, les chefs d'entreprise sont assimilés à de nouveaux Princes, référence implicite à celui de Machiavel.

Faudra-t-il alors relire Machiavel pour pouvoir diriger ainsi les entreprises d'aujourd'hui ? Dominique Reynié a arrêté là sa démonstration. Mais c'est une piste intéressante à poursuivre.


Charme

WatteauLisant "La fête à Venise", un roman de Philippe Sollers, de 1991, je tombe sur le charme; non pas seulement celui du roman, qui évoque l'univers de l'art, de Watteau, et de Venise (déjà pas mal), mais sur ça :

" Charme, du latin carmen, carminis : formule en prose ou en vers à laquelle on attribuait le pouvoir de troubler l'ordre de la nature".

Troubler l'ordre de la nature...ça fait rêver...

Est-ce que quelqu'un qui charme celui qui est charmé trouble l'ordre de la nature ?  Et ce trouble, il entraîne quoi ? Des grands changements ? Une transformation ? Et est-ce qu'une entreprise peut me charmer, au point de troubler elle aussi cet "ordre de la nature" ? De me transformer, de changer ma personne ? De me donner des occasions de grandir et de m'élever ? ...De quoi être charmé et troublé.

 Pour continuer à réfléchir avec Philippe Sollers :

" Quel est le contraire de charmant ? Blessant, choquant, déplaisant, désagréable, ennuyeux, maussade, rebutant, repoussant, révoltant. Le charme est un moyen magique qui sert aux conjurations, aux incantations (la conjuration étant l'action de chasser l'agent mystérieux du mal ou de l'appeler pour le faire)."

Ce qui ne me charme pas me blesse, me révolte, m'ennuie...

Et encore :

" Séduction puissante, grand attrait, agrément physique - mais aussi remède et soulagement. Comme un charme : d'une façon merveilleuse, surprenante de facilité. Etat de charme : comparable à l'hypnose. On le fait cesser en soufflant légèrement sur les yeux. Mais une fois les yeux fermés, le sujet en état de charme, sur simple affirmation, peut avoir des hallucinations, une paralysie ou des des mouvements automatiques. Une fois réveillé, il se souvient à peine de ce qui lui est arrivé.

Charme : vertu magique que l'on porte en soi."

Le charme merveilleux, magique, remède, soulagement...

Juste un moment ...de charme...


Papillon blanc

Papillon2  La question de l'identité de l'entreprise est un sujet qui revient régulièrement.

Car une entreprise, ça ne peut pas se résumer à des objectifs financiers, des taux de croissance, des parts de marché.

Il se pose aussi la question : qui sommes-nous ? qui voulons-nous être ? C'est quoi notre différence, ce qui nous rend unique.

Question d'autant plus compliquée quand on s'aperçoit que les réponses que nous avons données hier et parfois encore aujourd'hui à ces questions, ne pourront plus être les mêmes demain. Tous ceux qui sont confrontés à des ruptures technologiques connaissent bien ces sujets. Cela ne concerne pas que les entreprises de technologie, mais aussi, par exemple, celles qui évoluent dans les secteurs de l'énergie (aprés le pétrole, il y a quoi ?), l'automobile (est-ce que ça va marcher, la voiture électrique ? et quand ?), les transports publics (c'est quoi le métro du futur ?). Tout le monde s'y met.

 Mais pour l'entreprise, l'identité, ça ne peut pas se résumer non plus à un choix de positionnement stratégique guidé par une unique préoccupation : où est-ce qu'il y a le plus de fric à se faire ? Là, on ne parle pas d'identité, mais d'opportunisme.

Non, l'identité, l'individualité, de l'entreprise, ça parle plutôt de ses valeurs, de sa vocation, de ce qui fait, allez, osons, son âme.

C'est sûr que de l'âme de l'entreprise, on ne parle pas souvent.

Comment s'approprier ce mot ?

Le plus simple est d'aller fréquenter ceux qui ont passé leur vie à s'occuper de leur âme, c'est à dire les auteurs mystiques.

Un de mes préférés, c'est Sainte Thérèse d'Avila, et son "château de l'âme".

Sainte Thérèse a écrit ce livre, comme un témoignage, en six mois, en 1577, depuis le Carmel où elle résidait, prés de Séville.

Elle y décrit une vision, celle ôù l'âme est représentée par un château divisé en sept demeures, qui correspondent aux sept degrés de l'oraison ou de l'intimité avec Dieu. L'âme doit ainsi parcourir ces sept demeures l'une aprés l'autre pour atteindre la demeure suprême au plus près de Dieu.

Ce qui est éblouissant dans ce livre, c'est de parcourir ces sept demeures, avec les descriptions des sensations et émotions de Sainte Thérèse dans sa vision du parcours à accomplir pour élever son âme.

La première demeure est décisive, puisque c'est celle où l'on passe de l'extérieur à l'intérieur du château. C'est l'image du moment où l'on passe du monde des "affaires", le monde matériel, représenté par une forêt pleine de serpents, à ce château de l'âme, l'endroit où l'on va s'occuper de soi, où l'on va lever les yeux vers un but qui nous appelle et nous dépasse. La première demeure de ce château n'est que le début du parcours, mais elle marque un profond changement. Cette demeure, pour Sainte Thérèse, c'est celle de "la connaissance de soi". Car pour atteindre un but plus élevé, il est nécessaire de prendre conscience d'où l'on part.

Le rapport avec notre sujet de l'entreprise peut paraître bien lointain, voire sacrilège...

Néanmoins, cette connaissance du point de départ, cette capacité à se livrer à un dagnostic sans complaisance, ça nous parle aussi de stratégie.

Et cette vision qui nous appelle, qui vient chercher notre âme, c'est cette sensation qui nous fait voir loin et nous donne envie.

De demeure en demeure, les métaphores vont se multiplier, et, avec un sens poétique certain, Sainte Thérèse nous fait sentir combien ce parcours est exigeant, douloureux, et comporte toujours le risque de retourner en arrière.

Arrivés à la cinquième demeure, elle utilise la métaphore de la chenille qui devient papillon : une rupture forte se produit; l'âme se fait "petit papillon blanc". Mais ce papillon n'arrive pas à s'habituer, il ne trouve pas le repos; il ne sait "ni où se poser, ni où se fixer". " Désormais, il ne compte pour rien les oeuvres qu'il a accomplies, quand il n'était qu'un simple ver et formait peu à peu le tissu de sa coque. Les ailes lui ont poussé; comment se contenterait-il de marcher à pas lent lorsqu'il peut voler ?".

Ce moment où l'on ne veut plus marcher à pas lent, où l'on veut voler, mais où l'on se sait pas où se poser, ce mouvement de l'âme vers une autre dimension, quelle jolie métaphore. Mais Sainte Thérèse nous fait aussi participer aux émois de ce papillon qui veut voler, mais se sent enchaîné.

Alors la sixième demeure va lui faire connaître une autre sensation : le"vol d'esprit". C'est ce moment où l'on se sent décoller, porté et protégé.

Sainte Thérèse aborde sa vision de la septième demeure avec humilité, car elle est persuadée qu'elle n'est elle-même pas encore parvenue à cette demeure, et peut-être même pas à la sixième. Ce qui ne peut que nous rendre humble à notre tour dans notre propre quête.

Cette septième demeure, c'est celle du mariage divin, celle où "notre petit papillon est mort dans une allégresse indicible".

On l'a compris, ce château de l'âme que Sainte Thérèse nous invite à visiter, c'est notre château intérieur, celui où l'on peut entrer et se promener à toute heure. "Nous pouvons considérer l'âme non comme une chose qui est dans un coin et à l'étroit, mais comme un monde intérieur où trouvent place ces demeures si nombreuses et si resplendissantes".

Oui, s'imerger et se laisser porter, lâcher prise, dans ce voyage dans le "château de l'âme", c'est un merveilleux moment pour porter ses regards, sa générosité, vers un but qui nous dépasse, qui nous appelle, plusque nous le visons avec précision.

Parler d'identité, de soi-même, de l'entreprise, d'une organisation, c'est cette remise en cause, cette confrontation avec le château. Le plus grand courage est de franchir la porte, de laisser les serpents, pour parcourir ces demeures nombreuses et resplendissantes.

Pour ceux qui manquent d'idéal, qui voient tout en gris, qui n'ont plus d'inspiration pour eux-mêmes, leurs équipes, leur entreprise, un voyage dans le "château de l'âme" constitue un excellent remède.

Alors, ouvrez la porte...la visite peut commencer....


La Chef est parano

Super woman "The Economist" consacrait son numéro de début d'année à un évènement pour 2010 : D'ici quelques mois, plus de la moitié des travailleurs actifs américains seront....des femmes.

 Bien sûr, cette proportion n'est pas la même à tous les postes : il n'y a que 2% de femmes à la tête des plus grandes entreprises américaines, et 5% en Grande-Bretagne.

En fait, le dossier de "The Economist" ne manque pas de relever les ambiguïtés de cette situation, car, pour pouvoir conquérir les places dans les entreprises et organisations, ces femmes doivent appliquer les règles et les critères qui s'appliquent...aux hommes.

Ainsi, les carrières idéales pour progresser dans les entreprises sont celles, à l'heure de la mondialisation, où l'on est passé d'un poste fonctionnel à un autre, si possible dans plusieurs pays. Sans parler de la règle du "up our out", que l'on connaît dans les entreprises de services professionnels (mais pas seulement). Alors, pour une femme, ce type de parcours n'est pas toujours compatible avec la possibilité d'avoir et d"élever des enfants. Ainsi en Suisse, 40% des femmes professionnelles n'ont pas d'enfant. Et celles qui en ont les ont de plus en plus tard, et enrichissent de plus en plus l'industrie florissante pour traiter les problèmes de fertilité.

Alors, certains pays encouragent les femmes à pouvoir avoir des enfants,recevoir des compensations et prises en charge pendant des pèriodes parfois longues, et reprendre ensuite leur travail. Mais là encore, il y a des effets indirects sur la motivation des employeurs à employer des femmes dans ces conditions : ainsi, en Suède, particulièrement remarquée par cette politique, les trois quarts des femmes qui travaillent sont employés dans le secteur public, alors que les trois quarts des hommes travaillent, eux, dans le secteur privé.

Mais le dossier fait aussi référence à tous les avantages que les femmes apportent au travail. Un courant féministe met en évidence que, dans des modes d'organisation qui deviennent moins hiérarchiques, plus consensuels, les femmes ont précisément les qualités pour y réussir. Ainsi, une certaine Judy Rosener, de l'Université de Californie Irvine, considère que les femmes excellent particulièrement dans le management "transformational" et le management " interactive". Etc..

Bon, alors, pour avoir un cas d'application, il suffisait de lire Le Figaro ce week-end, où l'on parlait d'une femme précisément, UNE chef.

Asseyez-vous bien :

" Enfermée dans sa tour d'ivoire. Faisant le vide autour d'elle. Jouant perso. Ne supportant pas la contradiction. Parano. Manipulatrice. Voulant tout décider mais incapable de trancher".

Ce sont, dixit le Figaro, ses "meilleurs ennemis du monde patronal" qui la décrivent ainsi, bien sûr en gardant l'anonymat...

Elle, c'est Laurence Parisot, présidente du MEDEF, qui a bien du mal en ce moment avec ces critiques...

Judy Rosener devrait s'occuper d'elle...ou l'inverse.


Envie de futur

Futur2 Aujourd'hui premier lundi du mois, de l'année, de la décennie...

Forcément, ma chronique sur "Envie d'Entreprendre" parle du futur, de 2010, ..

Mais aussi de victimes, de ceux qui veulent toujours s'adapter, et de ceux qui veulent sauver le monde...

Cela parle de ceux qui sont comme tout le monde,

et de ceux qui veulent être uniques...

Il vaut mieux aller voir sur place pour y comprendre quelque chose.

Bonne rentrée,

Soyons uniques ! 


Renaissance

Francois Vous avez entendu comme moi notre Président de la République lors de ses voeux pour 2010 : " 2010 sera une année de renouveau".

Cela fait penser à la Renaissance.

C'est cette pèriode de l'Histoire où le temps des féodalités, des clans, du Moyen-âge, va laisser la place aux "Temps Modernes", un mouvement de renouveau intellectuel et artistique. Le Nouvel Observateur y consacre un dossier spécial, avec François 1er en couverture, dans son dernier numéro.

C'est la Renaissance car il s'agit de chasser les "temps obscurs", le Moyen Âge, pour faire re-naître le temps glorieux de Rome et d'Athènes, d'où l'origine du mot.

En France, sortir de la Féodalité, c'est l'essor d'un "chef", qui règne, "le monarque", et qui va imposer une direction et un gouvernement unifié. C'est précisément ce que l'on retiendra de François 1er.

C'est aussi le moment d'oser dans les arts; le "David" de Michel-Ange en est un témoignage fort. Car la Renaissance, c'est aussi l'Erotisme.David

Et puis la Renaissance, c'est aussi l'invention de l'imprimerie.

Gonzague Saint-Bris en rajoute dans Le Figaro de jeudi 31 décembre : " 2010, nouvelle renaissance".

Pour lui, internet de nos jours, c'est la même chose que l'imprimerie au XVIème siècle.

De même que la Renaissance faisait suite à la Peste noire, qui a envahi l'Europe à partir de 1347, et qui a été dévastatrice. Dans certaines régions, c'est une personne sur deux qui a été emportée.

Alors, pour Gonzague Saint-Bris, on peut comparer :

" Maintenant que les effigies de la fausse richesse ont brûlé et que les héros en carton de Wall Street ont été carbonisés sous nos yeux en direct, nous pouvons nous dédier aux vraies valeurs. Il faut investir dans l'immatériel, il faut comprendre enfin que se cultiver c'est s'enrichir véritablement. (...). Nous devons passer, grâce à la soif et à l'appêtit de culture, d'une société de possession à une société de désirs".

Ce concept de Renaissance, il n'est pas seulement approprié pour parler des voeux du Président ou de la France vue par Gonzague Saint Bris, on peut aussi utilement l'appliquer à nos entreprises.

Forcément vous m'avez vu venir...

Car passer d'une juxtaposition de querelles féodales à une unité créative, n'est-ce-pas une belle ambition pour une entreprise conquérante et désirante d'innovation ?

Ce besoin de régalien, de Direction, de désir qui entraîne, qui attire, qui renforce l'unité et la cohésion, c'est aussi ce dont ont besoin les entreprises qui ont souffert en 2009 de manque de vision , de luttes internes, de peur de la "crise",de manque d'envie de se dépasser.

La Renaissance, pour l'entreprise qui cherche un nouveau souffle, de nouvelles perspectives, c'est celle qui permet de se rassembler, de se regrouper derrière celui et ceux qui vont incarner la nouvelle direction, qui vont laisser derrière eux les modèles de "baronnies".Il y a du François 1er, de la grandeur, dans cette entreprise.

La Renaissance, pour l'entreprise, c'est aussi affirmer son identité, celle qui fait sa différence,  son "unicité". Cette identité, c'est une identité collective, qui entraîne l'adhésion de tous, sans être la propriété d'aucun.

La Renaissance, c'est un joli concept qui appelle le rêve, et une envie de réinventer le monde. 

C'est une belle et élégante façon de commencer l'année.

Bonne Renaissance !