Le monde merveilleux de l'impatience
25 décembre 2009
Dans le premier chapitre du "Meilleur des mondes", classique d'Aldous Huxley de 1932, le Directeur de l'Incubation et du Conditionnement (le D.I.C) fait visiter ce fameux "Centre d'Incubation et de Conditionnement" à des étudiants. C'est un centre où se fabriquent les clones de ce que l'on n'ose plus appeler des 'humains', pour les conditionner et les préparer à la meilleure vie sociale stable. C'est ça le meilleur des mondes, celui où tout est prévisible, programmé.
Alors, comme on peut tout modifier et programmer, le Directeur présente les ateliers où l'on programme, et se prend à réfléchir tout haut à une "technique pour réduire la durée de maturation, quel bienfait ce serait pour la société !".
Et en effet, il trouve ça long le degré de maturation :
" Considérez le cheval.
Mûr à six ans; l'éléphant à dix. Alors qu'à treize ans un homme n'est pas encore mûr sexuellement et n'est adulte qu'à vingt ans".
Ce que nous évoque ces quelques réflexions, c'est l'impatience.
Cette impatience qui fait que pour voir grandir les autres, ceux que l'on a envie de faire grandir, à qui on a envie d'apprendre et de transmettre, les bonnes pratiques, les expériences, les compétences, on a l'impatience que ça se fasse vite.
Je vais t'expliquer comment faire, mais, vite, quoi, dépêche toi d'apprendre et d'être au niveau; si tu ne l'est pas assez vite, mon impatience va me dire que tu n'as vraiment pas le niveau, que tu ne comprend rien, que tu n'es vraiment bon à rien, ...Et ma générosité originelle, celle qui voulait faire de toi quelqu'un de compétent et de capable, va laisser la place à mon impatience qui va avoir vite fait de te prendre pour un crétin.
Alors, ce "Centre d'Incubation et de Conditionnement", j'aimerais bien en connaître l'adresse, pour t'y envoyer vite fait; comme ça tu serais mûr et à mon niveau beaucoup plus vite, et, oui, je suis d'accord avec le Directeur, "Quel bienfait ce serait pour la société !". Et quel bienfait aussi pour le bon fonctionnement de mon projet, de mon équipe, etc..
Dans ce monde merveilleux qui satisferait tous les impatients, on pourrait faire pousser les salades en tirant sur les feuilles; on pourrait se transporter plus vite à la fin d'un projet difficile pour tout de suite jouir de la réussite du résultat; dès qu'on lancerait un nouveau produit, on pourrait tout de suite avoir le maximum de clients qui en deviendraient amoureux et n'arrêteraient pas de l'acheter.
C'est le monde où, dès qu'une décision est prise par le Comité de Direction, l'éxécution arrive toute seule, les résultats sont là dès qu'on a commencé à les imaginer. Tout se passe comme prévu, et vite. C'est merveilleux.
Pourquoi il existe pas ce monde merveilleux de l'impatience,ce meilleur des mondes ?
En fait, le monde de l'impatience, dans la vraie vie, c'est l'enfer...
C'est le monde des collaborateurs qui veulent bien qu'on les aide, qu'on leur transmette nos savoirs, mais vont trouver insupportable l'impatience qui les agresse.
C'est le monde où l'on se décourage de ne pas avoir réussi tout de suite ce que l'on a entrepris;
C'est le monde où l'on se désespère de changer ces comportements et attitudes que l'ont regrette a posteriori;
c'est le monde où l'on en veut aux autres, à à tous ces coupables qui ne sont pas comme on voudrait qu'ils soient, à toutes ces erreurs qu'ils ont faites, alors "qu'on leur avait pourtant dit et expliqué", "qu'on a tout fait, les meilleurs efforts"...Et où l'on dit "tant pis pour toi", et, encore pire, "tant pis pour moi, je suis un incapable".
Le monde de la patience, c'est, à l'inverse, celui où l'on croit que ce que l'on n'a pas réussi cette année, on le réussira l'année prochaine. Celui où l'on regarde avec optimisme vers le futur. C'est un peu le monde du Père Noël..
En 2009, ils sont nombreux, certainement, ceux qui n'ont pas fait, qui n'ont pas eu, ce qu'ils désiraient (les résultats financiers fantastiques, des collaborateurs compétents et brillants, qui n'arrêtent pas de progresser, des clients sympas qui passent plein de commandes,..).
En 2010, la construction du "Centre d'Incubation et de Conditionnement" n'est toujours pas prévue.
Alors, il nous reste la patience...Le temps de voir pousser les salades, en les encourageant avec le sourire et la générosité....
Il faut vivre au rythme des saisons.
Rédigé par : anass | 29 décembre 2009 à 18:44