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Le monde merveilleux de l'impatience

Salade2 Dans le premier chapitre du "Meilleur des mondes", classique d'Aldous Huxley de 1932, le Directeur de l'Incubation et du Conditionnement (le D.I.C) fait visiter ce fameux "Centre d'Incubation et de Conditionnement" à des étudiants. C'est un centre où se fabriquent les clones de ce que l'on n'ose plus appeler des 'humains', pour les conditionner et les préparer à la meilleure vie sociale stable. C'est ça le meilleur des mondes, celui où tout est prévisible, programmé.

Alors, comme on peut tout modifier et programmer, le Directeur présente les ateliers où l'on programme, et se prend à réfléchir tout haut à une "technique pour réduire la durée de maturation, quel bienfait ce serait pour la société !".

Et en effet, il trouve ça long le degré de maturation :

" Considérez le cheval.

Mûr à six ans; l'éléphant à dix. Alors qu'à treize ans un homme n'est pas encore mûr sexuellement et n'est adulte qu'à vingt ans".

Ce que nous évoque ces quelques réflexions, c'est l'impatience.

Cette impatience qui fait que pour voir grandir les autres, ceux que l'on a envie de faire grandir, à qui on a envie d'apprendre et de transmettre, les bonnes pratiques, les expériences, les compétences, on a l'impatience que ça se fasse vite.

Je vais t'expliquer comment faire, mais, vite, quoi, dépêche toi d'apprendre et d'être au niveau; si tu ne l'est pas assez vite, mon impatience va me dire que tu n'as vraiment pas le niveau, que tu ne comprend rien, que tu n'es vraiment bon à rien, ...Et ma générosité originelle, celle qui voulait faire de toi quelqu'un de compétent et de capable, va laisser la place à mon impatience qui va avoir vite fait de te prendre pour un crétin.

Alors, ce "Centre d'Incubation et de Conditionnement", j'aimerais bien en connaître l'adresse, pour t'y envoyer vite fait; comme ça tu serais mûr et à mon niveau beaucoup plus vite, et, oui, je suis d'accord avec le Directeur, "Quel bienfait ce serait pour la société !". Et quel bienfait aussi pour le bon fonctionnement de mon projet, de mon équipe, etc..

Dans ce monde merveilleux qui satisferait tous les impatients, on pourrait faire pousser les salades en tirant sur les feuilles; on pourrait se transporter plus vite à la fin d'un projet difficile pour tout de suite jouir de la réussite du résultat; dès qu'on lancerait un nouveau produit, on pourrait tout de suite avoir le maximum de clients qui en deviendraient amoureux et n'arrêteraient pas de l'acheter.

C'est le monde où, dès qu'une décision est prise par le Comité de Direction, l'éxécution arrive toute seule, les résultats sont là dès qu'on a commencé à les imaginer. Tout se passe comme prévu, et vite. C'est merveilleux.

Pourquoi il existe pas ce monde merveilleux de l'impatience,ce meilleur des mondes ?

En fait, le monde de l'impatience, dans la vraie vie, c'est l'enfer...

C'est le monde des collaborateurs qui veulent bien qu'on les aide, qu'on leur transmette nos savoirs, mais vont trouver insupportable l'impatience qui les agresse.

C'est le monde où l'on se décourage de ne pas avoir réussi tout de suite ce que l'on a entrepris;

C'est le monde où l'on se désespère de changer ces comportements et attitudes que l'ont regrette a posteriori;

c'est le monde où l'on en veut aux autres, à à tous ces coupables qui ne sont pas comme on voudrait qu'ils soient, à toutes ces erreurs qu'ils ont faites, alors "qu'on leur avait pourtant dit et expliqué", "qu'on a tout fait, les meilleurs efforts"...Et où l'on dit "tant pis pour toi", et, encore pire, "tant pis pour moi, je suis un incapable".

Le monde de la patience, c'est, à l'inverse, celui où l'on croit que ce que l'on n'a pas réussi cette année, on le réussira l'année prochaine. Celui où l'on regarde avec optimisme vers le futur. C'est un peu le monde du Père Noël..

En 2009, ils sont nombreux, certainement, ceux qui n'ont pas fait, qui n'ont pas eu, ce qu'ils désiraient (les résultats financiers fantastiques, des collaborateurs compétents et brillants, qui n'arrêtent pas de progresser, des clients sympas qui passent plein de commandes,..).

En 2010, la construction du "Centre d'Incubation et de Conditionnement" n'est toujours pas prévue.

Alors, il nous reste la patience...Le temps de voir pousser les salades, en les encourageant avec le sourire et la générosité....


Prête-moi ta montre pour que je te donne l'heure

Montre C'est LA blague pour les consultants. Je ne compte plus le nombre de fois où je l'ai entendue.

"Les consultants, ils vous prennent votre montre pour vous donner l'heure !".

On me l'a rejoué hier..pas méchamment, mais quand même...

C'est vrai que la profession de consultant promène avec  elle pas mal d'images et d'a priori pas toujours super avantageuses.

Et pourtant, il y a une bonne façon de s'intéresser à cette boutade sur la montre.

Car c'est vrai que le client, les managers de l'entreprise, même avec leur propre montre sous les yeux en permanence, n'arrivent pas toujours à lire l'heure.

Tenez, à 16H30, par exemple, ça dit quoi ? Pour certains, c'est l'heure où ils vont chaque jour ressentir une petite faim pour se diriger vers la cafétaria et prendre une barre chocolatée dans la machine. Et tous les jours c'est pareil.

Alors, si tout d'un coup on leur dit "mais non c'est pas l'heure de la barre chocolatée....c'est l'heure à laquelle commence une profonde remise en cause du business model de votre entreprise, et ça ne va plus s' arrêter..". Alors, oui, on va voir la montre complètement différemment dorénavant.

On croit trop souvent que la connaissance, la vraie, l'expérience, cela consiste à avoir les réponses à de plus en plus de questions, le fin du fin de l'excellence étant bien sûr d'avoir réponse à tout. Et se développer dans l'entreprise, c'est apprendre, apprendre, des réponses, des solutions.

Ceux qui croient ça parlent aux consultants comme ils se parlent à eux-mêmes, ils cherchent des réponses, des solutions, et ils n'en ont jamais assez.

Alors que tous les consultants le savent, l'expertise ne consiste pas à connaître les réponses mais à savoir poser les questions.

La semaine dernière, j'ai animé une formation pour les consultants de mon cabinet. Le sujet ? pas les connaissances, pas les expertises techniques : non !

Le sujet, c'était celui qu'on n'apprend pas à l'école, c'est : comment poser des questions, faire des entretiens, poser des questions et encore des questions.

Observez les consultants que vous trouvez les plus efficaces : ce sont ceux qui "posent les bonnes questions", qui "aident à réfléchir", et non ceux "qui ont réponse à tout".

Et cela s'applique aussi aux managers et dirigeants qui cherchent à mettre en oeuvre des idées nouvelles pour leur entreprise.

Alors, oui, quand on veut fournir de bonnes réponses, c'est bien de commencer par apprendre à lire l'heure, l'heure que l'on n'a pas comprise, sur la montre de son client, de son collaborateur, de son manager.

Essayez, vous verrez.

Quelle heure est-il ?


"Enabler" chorégraphe

HeadQu'est-ce qu'un manager transmet à ses collaborateurs?

Si l'on pense à l'artisan, on voit sa main, son art de bien faire qu'il apprend patiemment à son apprenti. Regardes-moi faire, apprend les gestes, fais comme moi...

Si l'on pense au manager de l'entreprise avec ses collaborateurs, on voit sa tête : le manager, le boss, c'est celui qui sait tout (c'est du moins ce que croient ces types de managers); si tu as une question, quelque chose que tu ne sais pas, ne comprend pas, pas de problème, j'ai la réponse (normal, je suis le chef). Et je t'explique, je t'explique...

Alors, on peut aussi apprendre aux collaborateurs des techniques, des comportments, du "management", et là, bizarrement, pour de nombreuses entreprises, cela consiste à envoyer en formation à l'extérieur de l'entreprise, dans des modules préfabriqués qui vont apprendre ce qu'il faut faire pour être un bon manager..

Comme si cette capacité à manager dans une entreprise, c'était finalement toujours pareil dans toutes les entreprises.

Oui, c'est sûr qu'il y a des techniques communes, des bonnes pratiques, mais ça fait un peu peur d'imaginer qu'il existe une usine quelque part qui forme tous les managers de la même façon..Sans parler des écoles..

En fait, pour l'entreprise qui veut affirmer sa différence, son côté "unique", ses valeurs, son sens, sa vision, cette transmission de manager d'aujourd'hui à manager en devenir, ça ne devrait pas s'outsourcer totalement. Et les dirigeants qui l'ont compris passent beaucoup de temps dans des formations internes "maison" animées par les managers de l'entreprise eux-mêmes. Et ceux qui ne le font jamais manquent sûrement quelque chose.

Oui, mais le manager, il doit transmettre quoi finalement ?

La main (fais comme moi) ?

La tête (je vais t'expliquer, mon p'tit gars) ?

Dans leur ouvrage dont j'ai parlé, Anja Foerster et Peter Kreuz évoquent les talents d'"enabler" du manager.

Le temps où c'était la main ou la tête qui faisaient le chef, pour eux, c'est terminé, ou presque. On est maintenant dans ce temps du coeur, de l"enabler". C'est le manager du futur.

Ce temps, c'est celui de l'émotion, de la passion, celle qui nous donne envie de nous dépasser et d'exceller dans notre travail.

Pour Anja et Peter, on risque de ne plus trouver assez de personnes pour travailler dans l'excellence dans nos entreprises, non pas parce qu'il manquerait de monde (non, il y a plein de personnes qui sont candidates à tous les postes), mais par manque de passion et d'enthousiasme.

Les managers dont ont besoin les entreprises pour innover et se dépasser, ce ne sont pas les artisans qui reproduisent les gestes ancestraux, ni les instituteurs un peu scolaires, ce sont ces "enablers" qui sont capables de créer un environnement où les meilleurs ont envie de donner le meilleur d'eux-mêmes. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera au top; le manager doit aussi identifier ceux qui font partie de ces "top performers" en puissance, et parfois il se trompera, en laissant trop d'autonomie à ceux qui ne savent pas trop s'en servir. Et il faudra parfois corriger les erreurs, challenger la confiance accordée.

Mais, malgré ces difficultés et erreurs, c'est en essayant toujours, en transmettant cette passion, que l'on détectera et aidera les meilleurs talents. Sinon, on s'entoure progressivement de collaborateurs médiocres, qui fuient le risque et les responsabilités, qui se plaignent et revendiquent. Et qui font fuir les idées nouvelles.

Pour parvenir à créer cet environnement, l'"enabler" a besoin de trois choses : la confiance (réciproque), la volonté de déléguer les responsabilités (au risque de se tromper parfois), et une direction claire (celle qui fera qu'on aura envie de le suivre).

Pour ces "enablers", pas besoin d'artifices matérialisant son pouvoir (taille de son bureau, procédures, autorisations, ..); le pouvoir vient de l'intérieur, du respect, de cet alignement sur la stratégie, la vision, les priorités, la direction. Ce n'est pas facile. Imaginez de prendre au hasard dix personnes dans une entreprise pour leur demander de parler de cette stratégie, cette vision, ces priorités. Parfois, on a l'impression qu'ils ne sont pas dans la même entreprise. On peut être trés surpris par les divergences exprimées.

Anja et Peter comparent à ce propos la manager à un chorégraphe qui essaye de faire fonctionner une troupe de danse. Il n'est pas un guru zen dans son coin, mais au contraire se met parfois à sauter, à crier, tout à sa passion de délivrer une performance exceptionnelle lorsque le rideau se lèvera devant le public. Et cette passion se communique comme de l'électricité aux danseurs de la troupe.

Je ne sais pas trop comment on traduirait "enabler" ...Celui qui rend possible ? Le facilitateur ?

Le chorégraphe, c'est pas mal...Belle image de l'harmonie.


Les Mini-Me ne font pas grandir

MiniMe On connaît ce personnage d'Austin Powels, parodie de James Bond. Et le personnage du Docteur Evil, le méchant. Il est toujours accompagné d'un nain qui est la parfaite reproduction de lui-même, en plus petit. Il l'appelle Mini-Me; c'est le parfait subordonné, le parfait cnadidat pour accompgner le Docteur Evil.

Oui, c'est du cinéma, mais combien de managers ressemblent à ce Docteur Evil et son Mini-Me, qui embauchent et entretiennent une équipe de subordonnés qui leur ressemble, en plus petit.

Voilà la parfaite image pour parler des managers qui ne font pas grandir leurs collaborateurs (et qui eux-mêmes ne grandissent pas), et des autres.

Je retrouve ces réflexions dans le livre de Anja Foerster et Peter Kreuz, "Anything but ordinary - A crash course in lateral thinking". Ce sont des autrichiens, pas des américains pour une fois. Le livre est parfait pour nous pousser à penser autrement le leadership et l'innovation. Quelle bonne lecture pour terminer l'année.

Anja et Peter nous rappellent une vieille règle qui se révèle toujours valable : les managers de troisième catégorie embauchent des personnes qui sont moins bonnes qu'eux; les managers de deuxième catégorie embauchent des personnes qui sont aussi bonnes qu'eux; les managers de première catégorie embauchent des personnes qui sont meilleures qu'eux.

Meilleures, cela ne veut pas dire, bien sûr, qu'elles pourraient être manager à leur place; cela veut dire qu'elles peuvent être plus créatives, plus volontaires, plus originales, plus intéressantes, plus cultivées, ou ont une culture différente, de leur chef, et c'est précisément pour ça qu'elles ont été embauchées et promues.

Car pour que l'entreprise soit innovante et créative, il ne s'agit pas pour le manager ou le dirigeant d'être lui-même et tout seul celui qui innove, mais de créer et développer une organisation capable de produire continuellement des idées nouvelles, de la créativité, et de se réinventer en permanence. Et cela signifie que le manager et le dirigeant doit tout faire pour créer cet environnement où les collaborateurs peuvent exprimer le maximum de leurs talents.

Et pourtant, combien de managers sont obsédés par la peur de se voir déposséder du pouvoir par ces collaborateurs trop brillants, qui ne sont pas leur Mini-Me ? Qui considèrent que leur raison d'être c'est de faire comprendre à leurs collaborateurs qu'ils sont comme un Dieu tout puissant par rapport à eux, qu'il convient d'honorer et de respecter.

C'est vrai qu'il est difficile d'avoir autour de soi des collaborateurs meilleurs que soi, qui ne soient pas des Mini-Me.

Ce sont des collaborateurs qui n'acceptent pas qu'on leur dise ce qu'il faut faire ou ne pas faire sans qu'on leur explique pourquoi. Ce sont des collaborateurs qui ne pensent pas comme nous. Ce sont des collaborateurs qui veulent progresser vite, et bientôt remplacer les managers. Ce sont des collaborateurs différents. Bien sûr, on nous dira que ce genre d'individus originaux, dans notre entreprise "tolérante", on les accepte, mais, quand même, faut pas exagérer, on ne va quand même pas les promouvoir...

Alors que dans l'entreprise innovante et créative, avec les managers de première catégorie, ce sont précisément ces personnes différentes qui seront promues...

Dans certaines entreprises, on se soucie fort de "l'intégration" des nouvelles recrues, c'est à dire de leur capacité à se fondre dans les Mini-Me des managers.

Dans les plus créatives et innovantes, à l'inverse, il s'agit plutôt de vérifier que ces nouvelles recrues s'étonnent de quelque chose, sont surprises du fonctionnement, des comportements, et proposent des idées nouvelles, des pratiques différentes..

Oui, pour éviter les Mini-Me qui nous empêchent de grandir, écoutons et promouvons dans nos entreprises et nos équipes ceux et celles qui bouleverseront ce qui est stable, qui innoveront, qui apporteront les idées qui feront grandir.

Et encourageons les managers qui osent ne pas s'entourer de Mini-Me dociles.


Noël

Noel Aujourd'hui, c'est le jour de ma chronique sur le site "Envie d'entreprendre" avec lequel j'ai un rendez-vous chaque premier lundi du mois.

Ce mois-ci ça parle de l'entreprise, qui n'est pas notre entreprise, de prophète, d'enfants, et de Noël...

Pour y comprendre quelque chose, le mieux est d'aller voir sur place ici.