"Enabler" chorégraphe
16 décembre 2009
Qu'est-ce qu'un manager transmet à ses collaborateurs?
Si l'on pense à l'artisan, on voit sa main, son art de bien faire qu'il apprend patiemment à son apprenti. Regardes-moi faire, apprend les gestes, fais comme moi...
Si l'on pense au manager de l'entreprise avec ses collaborateurs, on voit sa tête : le manager, le boss, c'est celui qui sait tout (c'est du moins ce que croient ces types de managers); si tu as une question, quelque chose que tu ne sais pas, ne comprend pas, pas de problème, j'ai la réponse (normal, je suis le chef). Et je t'explique, je t'explique...
Alors, on peut aussi apprendre aux collaborateurs des techniques, des comportments, du "management", et là, bizarrement, pour de nombreuses entreprises, cela consiste à envoyer en formation à l'extérieur de l'entreprise, dans des modules préfabriqués qui vont apprendre ce qu'il faut faire pour être un bon manager..
Comme si cette capacité à manager dans une entreprise, c'était finalement toujours pareil dans toutes les entreprises.
Oui, c'est sûr qu'il y a des techniques communes, des bonnes pratiques, mais ça fait un peu peur d'imaginer qu'il existe une usine quelque part qui forme tous les managers de la même façon..Sans parler des écoles..
En fait, pour l'entreprise qui veut affirmer sa différence, son côté "unique", ses valeurs, son sens, sa vision, cette transmission de manager d'aujourd'hui à manager en devenir, ça ne devrait pas s'outsourcer totalement. Et les dirigeants qui l'ont compris passent beaucoup de temps dans des formations internes "maison" animées par les managers de l'entreprise eux-mêmes. Et ceux qui ne le font jamais manquent sûrement quelque chose.
Oui, mais le manager, il doit transmettre quoi finalement ?
La main (fais comme moi) ?
La tête (je vais t'expliquer, mon p'tit gars) ?
Dans leur ouvrage dont j'ai parlé, Anja Foerster et Peter Kreuz évoquent les talents d'"enabler" du manager.
Le temps où c'était la main ou la tête qui faisaient le chef, pour eux, c'est terminé, ou presque. On est maintenant dans ce temps du coeur, de l"enabler". C'est le manager du futur.
Ce temps, c'est celui de l'émotion, de la passion, celle qui nous donne envie de nous dépasser et d'exceller dans notre travail.
Pour Anja et Peter, on risque de ne plus trouver assez de personnes pour travailler dans l'excellence dans nos entreprises, non pas parce qu'il manquerait de monde (non, il y a plein de personnes qui sont candidates à tous les postes), mais par manque de passion et d'enthousiasme.
Les managers dont ont besoin les entreprises pour innover et se dépasser, ce ne sont pas les artisans qui reproduisent les gestes ancestraux, ni les instituteurs un peu scolaires, ce sont ces "enablers" qui sont capables de créer un environnement où les meilleurs ont envie de donner le meilleur d'eux-mêmes. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera au top; le manager doit aussi identifier ceux qui font partie de ces "top performers" en puissance, et parfois il se trompera, en laissant trop d'autonomie à ceux qui ne savent pas trop s'en servir. Et il faudra parfois corriger les erreurs, challenger la confiance accordée.
Mais, malgré ces difficultés et erreurs, c'est en essayant toujours, en transmettant cette passion, que l'on détectera et aidera les meilleurs talents. Sinon, on s'entoure progressivement de collaborateurs médiocres, qui fuient le risque et les responsabilités, qui se plaignent et revendiquent. Et qui font fuir les idées nouvelles.
Pour parvenir à créer cet environnement, l'"enabler" a besoin de trois choses : la confiance (réciproque), la volonté de déléguer les responsabilités (au risque de se tromper parfois), et une direction claire (celle qui fera qu'on aura envie de le suivre).
Pour ces "enablers", pas besoin d'artifices matérialisant son pouvoir (taille de son bureau, procédures, autorisations, ..); le pouvoir vient de l'intérieur, du respect, de cet alignement sur la stratégie, la vision, les priorités, la direction. Ce n'est pas facile. Imaginez de prendre au hasard dix personnes dans une entreprise pour leur demander de parler de cette stratégie, cette vision, ces priorités. Parfois, on a l'impression qu'ils ne sont pas dans la même entreprise. On peut être trés surpris par les divergences exprimées.
Anja et Peter comparent à ce propos la manager à un chorégraphe qui essaye de faire fonctionner une troupe de danse. Il n'est pas un guru zen dans son coin, mais au contraire se met parfois à sauter, à crier, tout à sa passion de délivrer une performance exceptionnelle lorsque le rideau se lèvera devant le public. Et cette passion se communique comme de l'électricité aux danseurs de la troupe.
Je ne sais pas trop comment on traduirait "enabler" ...Celui qui rend possible ? Le facilitateur ?
Le chorégraphe, c'est pas mal...Belle image de l'harmonie.
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