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Emotions, c'est quoi ?

Emotion Dans les mots de l'entreprise 2.0, tels que recencés ici, on n'en parle pas : il y a les réseaux, les contenus, il y a une vision d'entreprise efficace, avec des conversations virtuelles, mais on ne parle pas d'émotions.

Les émotions ont mauvaise presse dans le monde de l'entreprise, celui que Boltanski et Thévenot appellent le "monde marchand".  

Dans ce monde marchand, on va parler de "recul", de "distance émotionnelle" entre la situation et soi. C'est cette notion de "sang froid" dans les affaires, qui amène à critiquer les comportements jugés déviants, excentriques, inquiétants, de ceux qui exprimeraient leurs émotions.

Et pourtant, aujourd'hui, ces individus lisses et sans émotions apparentes, sont tout aussi "inquiétants" et surtout sont considérés comme difficiles à comprendre; la communication est coupée; les comportements sont parfois discordants également.

Alors, trop d'émotions, c'est pas bien; et pas assez c'est mal.

Pas facile de trouver ce qu'on pourrait appeler le "bon compromis" ou la juste mesure.

Car dans les deux cas les personnes qui doivent évoluer dans ce monde marchand, celui de nos entreprises, et qui ne se sentent pas dans cette juste mesure souffrent de leur comportement.

Celui qui se sent submergé par ses émotions lorsqu'il parle en public (bien décrit ici), il souffre.

Celui qui ne manifeste pas ses émotions est aussi celui qui a peur des émotions des autres, qui se replie sur lui, qui évite les contacts. Son travail en entreprise, c'est une vie de robot, sans aspérités; et ce robot est alors souvent mal intégré parmi ses pairs, et sa hiérarchie, et donc moins efficace.

Ce dilemne, il n'apparaît jamais dans les discours de ceux qui ne voient plus dans la communication entre les personnes de l'entreprise que des histoires de "twitter" , de "facebook", de "réseaux intranet", de mails, de professionnels de la communication qui font les discours, etc...

Et pourtant, ces émotions, elles sont là; elles envahissent et conditionnent nos relations, et, pour l'entreprise et ses dirigeants, la façon dont ces émotions s'expriment et circulent est clé pour la performance de l'entreprise et sa compétitivité. Combien de fois faisons nous des erreurs, en oubliant cette dimension : vexer l'autre en ayant un peu trop vite oublié que, dans son collaborateur, il y a une personne humaine. Le temps à expliquer, à écouter, certains croient que c'est du temps perdu; que, pour être efficace, il faut aller vite : je commande, tu exécutes, et on n'en parle plus.

Et pour celui qui s'est un peu trop ému losqu'il a présenté son travail lors d'une réunion importante : il faut que tu sois moins sensible, un garçon, ça ne pleure pas ! Et une fille qui veut réussir elle doit être forte; alors "du nerf" !

Toutes ces tentatives de contourner les émotions, nous les connaissons; et souvent ce sont ces contournements, un manque d'écoute,  qui nous font faire des bêtises.

Ces contournements, bien sûr, nous les pratiquons avec nous-même également; on veut reproduire les stéréotypes de cette littérature du management un peu trop lisse et parfait. On veut jouer au dur. On se déguise, avec cet air "de comédie", qui se repère facilement à ce ton un peu trop appuyé, ce regard parfois fuyant, la raideur de la posture, tout un tas de détails qui font que ça ne prend pas...N'est pas comédien qui veut..

Alors, pour s'en sortir, il n'y a probablement pas de solution toute faite; c'est un travail d'écoute, de soi et des autres, de dialogue, d'échange entre nous, tous embarqués dans la vie communautaire de notre entreprise, quel que soit notre position, que l'on soit le Président ou l'employé, qui nous fait lentement progresser sur le bon chemin. Le premier pas est d'en prendre conscience, et de vouloir vraiment progresser.Forcément, si lo'n est plusieurs à essayer de faire ces progrès, on ira plus vite, et les émotions dans l'entreprise circulerons et contribueront à sa performance.

Pour cela, le mieux est d'éteindre les réseaux sociaux et les machines à communiquer, et aussi les mails, et de simplement nous parler et nous écouter. Et les échanges de ce type, qui font peut-être pas trés entreprise 2.0, nous permettent alors de redevenir des êtres humains.....ça fait du bien , non ?


Pendant que l'herbe pousse le cheval meurt de faim

Herbe C'est Hamlet qui s'exprime ainsi à l'acte III de la célèbre pièce de Shakespeare. Pièce dont on peut voir une version déstructurée, mais avec le texte intact, au théâtre de l'Odéon, sous le nom "Hamlet Cabaret", dans une mise en scène de Mathias Langhoff. Attention, ça dure quatre heures et demi, accrochez-vous.

Mais l'expérience est unique. Cela finit le 12 décembre. Dépêchez-vous.

Nous sommes accueillis dans une ambiance de cabaret; les fauteuils à l'orchestre sont remplacés par des tables de cabaret; c'est là bien sûr que j'étais assis; on peut même trouver des places quasiment sur la scène, au milieu des acteurs. A un moment, il y a distribution de bière danoise. Bref, c'est Hamlet, toujours la tragédie, to be or not to be, mais c'est l'ambiance cabaret.

Cette expérience, je l'ai partagé avec plusieurs collaborateurs de mon entreprise. C'est ma façon de proposer des moments de culture générale aux collaborateurs. (oui, je suis comme ça; j'ai plus de plaisir à offrir Shakespeare à mes collaborateurs que, par exemple, une soirée bowling).

Pour avoir les avis sur cette mise en scène, on peut lire ça (pour les contre), ou ça (pour les pour, comme moi).

Mais revenons au texte, et à cette réplique qui reste à trotter (l'image est de circonstance) dans la tête.

Revenons au contexte : Hamlet c'est le fils de son père,roi du Danemark, celui-ci a été assassiné par son frère, qui est ainsi monté sur le trône, et la mère d'Hamlet est devenue la maîtresse , la femme de ce frère usurpateur et criminel, et donc la reine. Vous suivez ?

Cet assassinat; et le nom du coupable,c'est le spectre du père d'Hamlet, revenu pendant la nuit, qui le lui révèle.

Hamlet est ainsi celui qui se sent appelé par cette situation; comme il le clame "mon destin crie".

Hamlet qui se trouble, qui devient fou. Et la magie du spectacle de Matthias Langhoff c'est de nous faire sentir que, plus Hamlet est fou, plus ce sont les autres autour de lui que nous prenons pour fous, et plus, lui, il nous paraît le seul en état de veille.En cri. Souvent il nous fixe, debout, en avant, et nous autour de nos tables de cabaret, presque frissonnants. "To be or not to be"...

Hamlet qui avoue son trouble à un courtisan  Rosencrantz, qui l'interroge sur la "cause de votre trouble".

Et Hamlet qui répond : " Je voudrais de l'avancement". Et Rosencrantz surpris : " Comment est-ce possible quand vous avez la voix du roi lui-même pour lui succéder au Danemark ?".

Et c'est là la réplique :

" Oui, Monsieur, mais en attendant que l'herbe pousse, le cheval meurt de faim".

C'est d'impatience dont on parle, de cette attente, de ce temps qui passe, et pendant lequel on n'est pas en action.

Ce qui nous bouge, comme Hamlet, dans cette réplique, c'est ce sentiment que l'attente nous empêche d'être dans l'action. Pourquoi attendre que l'herbe pousse, que quelque chose se passe, au lieu de foncer, de prendre ses responsabilités, de se lancer dans l'action.

Ce sentiment d'Hamlet, il appelle à l'action. Et l'on a envie, comme nous le rappelle Matthias Langhoff dans ses notes préparatoires du spectacle, de "rassembler tous nos sens, entendre avec les yeux, voir avec le nez, sentir avec les oreilles".

Ce sentiment du cheval qui meurt de faim, c'est celui de changer le monde, d'être l'acteur de son destin. C'est de cet "avancement" dont chacun, et tous collectivement, nous rêvons. C'est cette capacité de rêve, et de faire rêver les autres, qui fera sortir de ce que les plus pessimistes appellent la "crise".

Ce sentiment de conquérant, d'ambition, de dépassement, de noblesse,  c'est la folie d'Hamlet, mais aussi sa grandeur..

Elle renverse tout, c'est comme une soirée bowling finalement....


Grandeur inspirée

Jardin L'Ecole de Paris du Management recevait cette semaine Jean-claude Ellena, parfumeur en titre d'Hermès, créateur renommé et passionnant à écouter.Ils ne sont pas nombreux, parmi les parfumeurs, à communiquer ainsi.

Ce qui a attiré l'attention, c'est que les créations qu'il fait ne sont pas confrontées à des études de marché ou à des tests de consommateurs pour déterminer le parfum à lancer. Il est un pur créateur qui crée "une histoire avec des odeurs". Pour "écrire" (c'est comme ça qu'il parle), par exemple,  le parfum "Un jardin après la mousson" dont il nous a parlé longuement, il est allé sur place, en Inde, dans le Kerala, pour sentir l'ambiance, cette atmosphère pure après la mousson, avec cette humidité. Il a voulu rendre une odeur qui ferait penser à l'eau (une gageure quand on sait que l'eau n'a pas d'odeur). C'est plutôt l'émotion de sentir l'eau qu'il a recherché. C'est, comme il nous l'a dit, une démarche sincère. C'est l'inspiration pure qui le guide.

Quand on lui demande comment il fait pour toucher juste, pour rencontrer l'air du temps (car ses parfums sans études e marché, inspirés, marchent plutôt bien - sinon Hermès lui ferait peut-être moins confiance- exemple "Eau d'Hermès" est le troisième parfum masculin), il dit simplement : "je ne sais pas; je suis un intuitif autodidacte". Pur génie inspiré.

Comme il le dit lui même, "le prix de ma liberté est le prix de ma réussite". Et pour convaincre sa Présidente et la Directrice Marketing d'Hermès, il faut qu'il construise l'odeur qu'il écrit en même temps que le discours qui l'accompagne.

90% de ce qu'il crée est rejeté, non pas par la Présidente, et encore moins, on l'a compris, par le consommateur. C'est lui qui est son juge le plus exigeant. Il ne se tolère rien qui ne soit pas au niveau où il veut être, et qui capturera son époque.

Son secret, c'est que ses parfums soient "lisibles", qu'il soient dans son style (simple et élémentaire), qu'on puisse les "lire" comme il les a "écrits". Et parce qu'on peut les "lire", on peut y prendre du plaisir.

Et ce sont des parfums "évolutifs" qui changent avec le temps comme change celui ou celle qui les porte, ils laissent de la place à celui qui le met sur lui (et non, comme ces parfums envahissants et dits "stables" qui vous envahissent au point de vous faire disparaître derrière eux).

Bien sûr, en écoutant ces propos, comment ne pas essayer de transposer tout ça de façon plus générale pour réfléchir sur le processus de création,et d'innovation dans nos entreprises, au-delà du parfumeur.

Cette grandeur inspirée, qui nous rend grand parce qu'on a accès à une intuition particulière, c'est celle dont parle Boltanski et Thévenot, dans leur analyse des "économies de la grandeur". Le monde inspiré auquel correspond cette forme de grandeur, c'est celui ou la routine, l'habitude, la reproduction de ce que fait tout le monde, est rejeté comme "petit"; la grandeur inspirée, c'est le monde de l'aventure intérieure, d'un chemin personnel qui part de l'intérieur. C'est ce dépassement de soi-même, ce langage différent, qui donne accès à un monde différent, qui ne n'est pas accessible aux sens, mais se révèle par des signes.

Toute cette dimension inspirée, c'est exactement l'inverse d'un autre monde, "le monde de l'opinion", celui des sondages, des consensus, de la multitude. Et la confrontation de ces deux mondes est précisément analysée par Boltanski et Thévenot.

Avec Jean-Claude Ellena, nous étions bien loin de ce monde de l'opinion, et complètement baigné dans le monde de la grandeur inspiréé.

Car même en étant le troisième du marché, "Terre d'Hermès" représente environ 3% du marché; il s' agit donc de plaire à une personne sur cent (et non à une multitude). Jean-Claude Ellena nous l'a dit, pour lui, quand on lui présente une femme qu'il ne connaît pas avec des critères marketing (elle a 35 ans, deux enfants, vit en ville,...), pour lui, cette femme, elle n'a pas d'odeur. Rien à voir avec sa conception de l'inspiration.

Un bon moment pour réfléchir et sentir avec cette conviction qui l'anime. Nous sommes bien sûr repartis avec des cadeaux, dont ce "jardin aprés la mousson" que nous avions tous envie de "lire" aprés les explications simples et sensibles de l'auteur.


La vie n'est pas faite que de pouvoir

Napoleonempereur C'est un ancien qui parle, rapporté dans Le Figaro ce week-end :

" j'ai fait deux carrières. Je suis monté au sommet dans ma première carrière. Je suis monté au sommet dans ma deuxième carrière".

Celui-ci qui voit sa vie comme des vies, et ses vies comme des carrières, reprend du service.

Mais il ne veut plus être salarié, ni avoir une seule activité; il veut être indépendant.

Alors, il va faire quoi ?

Il va créer une "société de conseil", la sienne, où il aura tout le capital. Il veut participer à la redistribution des cartes dans l'industrie aprés la crise.

Et dans le même article, cette remarque désabusée :

" Il y a un moment où on se lasse....La vie n'est pas faite que de pouvoir".

Celui qui vient de s'en rendre compte ainsi en s'en confiant dans Le Figaro, qui justifie ainsi de ne pas s'intéresser à un nouveau poste de dirigeant dans un établissement prestigieux, c'est Daniel Bouton, ex Président de la Société Générale, mais aussi, rappelons-nous, l'inspecteur général des Finances, un des meilleurs lieux de formation des "hommes de pouvoir" de l'Administration Française.

Bien sûr, on voit bien que sa société de conseil va quand même bien bénéficier du carnet d'adresses qu'il a constitué dans les lieux de pouvoir qu'il a fréquentés. Et il envisage aussi de prendre des mandats d'administrateur dans quelques groupes, en plus de ceux qu'il a déjà chez Veolia et Total.

Bon, il n'y a pas que le pouvoir dans la vie, mais ce nouveau venu dans la profession semble quand même ne pas trop s'en éloigner.

Mais peut-être songe-t-il à aider le pouvoir des autres, à être un entrepreneur qui apporte ses services dans l'ombre, sans faire parler de lui, être au service de, ce profil humble et soucieux de l'intérêt général et du bien commun de ses clients.

Bienvenu, cher confrère,  dans le club des consultants sans pouvoir... !


Un job ou une carrière ?

Pubhec C'est la question et le thème de cette publicité pour HEC, l'école qui vous prépare à une carrière et non seulement à un job.C'est aussi le sujet de ma chronique sur "Envie d'Entreprendre", que je publie sur ce site chaque premier lundi du mois. C'est aujourd'hui.

Bonne lecture.

Et ci-dessous la video d'HEC, assez electro :