Plante folle
14 octobre 2009
On connaît, ou on imagine, ces entreprises où il semble que tous les collaborateurs se ressemblent. Ils ont le même "dress code", les mêmes façons de s'exprimer (dans certains cabinets de conseil, cela se traduit par un charabia de mélange d'anglais et de français épouvantable), c'est ce qu'on appelle "une culture forte".
Cette caractéristique, qui est parfois présentée comme un point fort, est-ce vraiment un atout ?
Ce qui est sûr, c'est que si vous ne collez pas parfaitement à ces usages et "culture", vous risquez d'être bien malheureux dans de telles entreprises, vous vous y ferez peu d'amis, vous serez le marginal qui finira probablement par se faire éjecter (soit on vous le fera savoir, soit vous craquerez un jour).
Est-ce que c'est immuable cette histoire ? Est-ce qu'une telle "culture" peut changer ? Car on peut se poser la question si il n'est pas dangereux de conserver des caractéristiques des "tics" qui deviennent inadaptés aux évolutions de l'environnement, et si les nouvelles générations qui arrivent se plieront aussi facilement que leurs aînés à des usages et codes qu'ils ne comprennnent pas.
Le Monde offrait (pour un euro supplémentaire) la semaine dernière un exemplaire du livre célèbre de Charles Darwin, " L'origine des espèces", et je tombe sur ça en le feuilletant :
" On pourrait aisément donner une liste de plantes que les jardiniers appellent des "plantes folles", c'est à dire des plantes chez lesquelles on voit surgir tout à coup un bourgeon ou une pousse présentant un caractère nouveau et parfois trés différent de celui du reste de la plante. (...) De tels cas prouvent également que la variabilité n'est pas nécessairement liée, comme certains auteurs l'ont supposé, à l'acte générateur. Les jeunes plans d'un même fruit, et les petits d'une même portée, sont parfois considérablement différents les uns des autres, quoique les parents et leur progéniture aient été apparemment soumis aux mêmes conditions de vie, et cela montre le peu d'importance des effets directs des conditions de vie en comparaison avec les lois de reproduction, de croissance, et d'hérédité; car en cas d'action directe des conditions de vie, si l'un des jeunes avait varié, tous auraient probablement varié de la même manière. En cas de variation, il est trés difficile d'estimer ce qu'il faut attribuer à l'action directe de la chaleur, de l'humidité, de la lumière, de la nourriture; j'ai l'impression que ces agents n'ont que trés peu d'effets directs sur les animaux".
Et parmi nos entreprises, existe-t-il de telles "plantes folles" ? Voir tout d'un coup apparaître dans celles-ci quelqu'un de différent, qui va être le signe d'une rupture, d'une adaptation , comme une espèce qui s'adapte observée par Darwin. Cette thèse nous dit que ce ne sont pas les conditions de vie et de travail de l'entreprise qui vont changer quelque chose de significatif, c'est plutôt le mélange, la diversité.
On peut aussi se demander si certaines entreprises favorisent cette naissance de bourgeons et de pousses nouvelles, ou bien au contraire les empêche d'émerger, ou les rejette. J'étais encore cette semaine dans une entreprise où mon interlocuteur s'est présenté en me précisant qu'il était dans cette entreprise depuis 35 ans (c'est vrai que c'est une expérience qui marque) ...La question alors c'est : est-ce qu'il laisse les bourgeons nouveaux sortir ou non ?
Et puis, il ne suffit pas d'être une "plante folle", comment on fait pour faire sortir ces bourgeons nouveaux ? Les activités, le droit à l'expression, à l'erreur, la possibilité qu'il se passe dans l'entreprise des choses imprévues et inhabituelles, ça doit jouer aussi, non ?
Et inversement, les entreprises qui ne sont pas de telles "plantes folles", où tout est pareil et toujours, elles vont mourir quand ?
Bon, je vais poursuivre Darwin pour trouver, peut-être, des réponses....."folles"..
Beau rapprochement !
Beaucoup à écrire sur la culture qui est l'ADN des entreprises et qui fait beaucoup pour leur succès et échecs.
Et si ce bourgeon de la plante fole était le crapaud fou de la théorie du même nom http://tinyurl.com/d2rh33
On parle beaucoup de folie pour sauver des espèces, des entreprises et d'un monde qui l'est tout autant ! Peut être faut-il effectivement soigner le mal par le mal...
Au plaisir de continuer à te lire.
Rédigé par : Reda (ex-Peat) | 13 novembre 2009 à 22:51