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Forces ou opportunités ?

SWOT

Cette matrice est connue : SWOT. Ce sont les quatre dimensions d'une analyse stratégique : les forces, les faiblesses, les opportunités, les menaces.

Elle s'applique aussi à la compréhension du fonctionnement des équipes et des managers.

Parler de forces et de faiblesses, c'est la tendance naturelle de ceux qui sont naturellement focalisés sur les moyens, l'Input de leur activité. Dans cette posture, la personne, l'équipe, considère que l'évaluation et l'amélioration de sa performance, c'est d'abord une histoire de moyens à allouer. L'attention est concentrée sur l'énergie à fournir, sur les moyens à allouer (du temps, de l'argent) pour réussir un projet.

Ainsi, cette semaine, discutant avec un jeune me parlant de l'entreprise où il a passé deux ans et qu'il a décidé de quitter : il parle de ce qu'il a appris, de ce qu'il sait faire maintenant qu'il ne savait pas avant. Il est déçu par cette entreprise parce qu'il n'a pas appris assez, il veut apprendre encore plus, etc...Ce qu'il ressent, ce sont ses forces (ce qu'il sait) et ses faiblesses( ce qu'il n'a pas eu comme moyens, ce qu'il n'a pas appris). Et changer, pour lui, c'est chercher de nouveaux moyens, de nouveaux apprentissages.

A l'inverse, parler d'opportunités, et de menaces, c'est la tendance de ceux qui se concentrent sur les résultats, l'output; ils sont concentrés sur les objectifs, sur une ambition. L'énergie est alors stimulée par la progression, les résultats. Les moyens semblent accessoires (on y arrivera toujours;  mon idéal me porte chance,...). Pour une équipe ou une personne, cette attitude est celle où toute situation est perçue avec optimisme comme une opportubité; toute menace est l'occasion de changer, d'inventer de nouvelles choses, de modifier sa vision; de se préparer à des changements.

Pour celui qui se projette ainsi, c'est parler de rêve, d'envie, de motivation, de désir. C'est sortir de ses analyses de besoins, de forces, de faiblesses; c'est parler de tout ce qui est possible. C'est tout le message de Napoleon Hill ("réfléchissez et devenez riche"), dont j'ai déjà parlé.

Parler de forces, c'est se limiter; Parler d'opportunités, c'est accéder à des ambitions illimitées. C'est écouter ses désirs.Intéressant avec cette grille d'écouter les comités de Direction et les discussions dans les réunions : parle-t-on d'abord de forces et faiblesses (de moyens), ou bien d'opportunités et de menaces (l'idéal, l'output). Avec lequel de ces deux axes est-on le plus à l'aise ? Et lors du prochain séminaire stratégique, de quoi va-t-on parler en priorité ? de forces et faiblesses (diagnostic), ou d'opportunités et menaces (vision, scénarios) ?

Voilà une application utile du modèle SWOT pour redonner envie de se dépasser.


Quoi de neuf dans l'innovation ?

Innovation

Est-ce que le discours sur l'innovation va innover ?

Vous avez dû le remarquer, comme moi, l'innovation revient à la mode en ce moment. On nous le dit et le répète : le monde de demain, aprés "la crise", ne sera plus comme avant, on va inventer de nouvelles choses, de "nouveaux modèles, etc...

Tout ce bla-bla envahie les journeaux et les exposés de nos blondes de la télé, la jeune et la moins jeune du 20H00...

Alors, forcément, il fallait que le "Centre d'Etude et de Prospective Stratégique", le "CEPS" s'y mette aussi dans la livraison d'été de sa revue, "Prospective Stratégique".

Le titre est éloquent : L'innovation, dynamique de sortie de crise.

Cela commence fort avec l'opinion de Edmund S.Phelps, Prix Nobel d'Economie 2006 : pour lui ce qui est sûr c'est que "les moteurs de la croissance sont restés l'affaire de la seule entreprise privée". L'Etat, là-dedans, moins on le verra, mieux ce sera :

" Les investissements programmés par l'Etat ont de manière générale moins de chances d'aboutir à d'heureuses innovations commerciales, dans des conditions identiques, que ceux réalisés par les entreprises, qui innovent sans cesse pour améliorer leurs méthodes et leurs produits, bénéficiant de ce fait d'une expérience et d'une intuition sans égale, clés d'un véritable progrès".

Alors, ce qui fera booster l'innovation, c'est forcément " l'économie de la connaissance", c'est le nouveau credo. Ici, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique, qui s'y colle.

" Nous avons sans doute trop tarder à mettre en place les réformes nécessaires pour assurer les conditions d'une véritable économie de la connaissance compétitive et dynamique. Car rien n'est possible en la matière sans un enseignement supérieur de haut niveau, une recherche en phase avec les formidables défis du XXIème siècle", etc...etc...La réponse, c'est les technologies de l'information, Internet, Pour Nathalie, la réponse concrète c'est retrouver le goût de l'innovation, l'envie d'épater le monde entier par nos inventions (elle parle de la France) et nos prouesses technologiques...

Bon, ensuite on a des consultants (dans ce genre de revue, il y en a toujours ou deux de cachés, pour qui la réponse, l'idée géniale pour que l'innovation nous sorte de la crise, c'est ....d'être plus imaginatif.

Nous allons innover dans tout, les biens et services avec plus de virtuel, le modèle d'entreprise avec "l'entreprise étendue", l'organisation en projets, des dirigeants plus attentifs aux stakeholders, ...

Ensuite, on a un article sur le "green", mais oui, bien sûr, le développement durable, nouvelle écologie, taxes, etc...

Et puis, le nouveau modèle social, un nouveau dialogue, ce social qui "redevient un paramètre tout aussi important qu'il convient de prendre en compte lorsque se définit la stratégie globale de l'entreprise",...

Tout ça est bien décrit, bien ordonné, bien mis en page, mais on a l'impression de l'avoir déjà lu cent fois...

Ce que nous montre cette revue, c'est ce qu'elle ne dit pas : nous avons besoin d'innovation, de nouveau discours, et pour le moment, on nous ressert les mêmes plats qu'hier...

Pas facile de dire du neuf sur l'innovation..

A noter quand même le blog du CEPS, que j'ai trouvé plus riche.


Novae

Novae Observons un groupe, une équipe, en action. Chacun des membres a l'air différent de l'autre, rien n'est égal.

Pourtant, on peut considérer les êtres humains tous biologiquement égaux, comme une vérité triviale. Une des avancées modernes de la démocratie..

Et pourtant, combien ce concept d'égalité est insaisissable. Dans toute situation, il y en a toujours un qui s'en sort mieux que les autres, dont les arguments lors d'une réunion, d'un travail collectif, paraissent tellement au-dessus des contributions des autres. Cela vaut à l'école, dans le sport, dans l'art, la musique, mais bien sûr aussi dans nos entreprises. Et on peut aussi comparer les patrons, les directeurs de telle ou telle fonction, toujours, toujours, on classe, on élit inconsciemment le leader, le meilleur, et on juge les "moins bons". Et on se rappelle toujours de celui qui nous a marqué, et a marqué de nombreuses personnes, par son génie, comme une étoile dans le ciel de la multitude.

J'étais cette semaine avec les membres d'une équipe de Direction qui évoquaient ainsi à table le palmarès des grandes figures qui ont marqué leur entreprise, les génies reconnus qui ont permis les avancées les plus visibles, dans les fonctions les plus diverses, car ce n'est pas uniquement le Président qui marque les avancées de l'entreprise.

George Steiner, dont j'ai déjà parlé, et dont je lis "Errata" en ce moment, évoque avec subtilité cette question, en posant :

" Qu'est-ce qui fait surgir ces géants, ces novae explosantes, pour ainsi dire, des grands nuages de poussière de la médiocrité humaine ?"

On peut évoquer le débat sur le milieu et l'hérédité..on n'en sortira pas. Mais la biologie a sûrement un impact, :

" Un enfant aveugle ne deviendra pas un grand peintre".

Autre question, celle du bien-être matériel qui favoriserait les expressions créatrices. Et on peut imaginer, ou constater, qu'un milieu favorable améliorera le "niveau général d'accomplissement humain". Mais on pense aussi à ces génies incompris, nés dans la misère, isolés socialement, et auteurs de chefs-d'oeuvres, tels Giotto, et d'autres.

Autre croyance : l'éducation pour tous (le rêve des sociétés démocratiques), fera augmenter le nombre de ceux qui seront sensibles aux arts, à la culture, à la pensée..Les musées deviennent plus fréquentés, la musique plus écoutée..

Pourtant, George Steiner vient nous calmer dans ce lyrisme :

" Les mêmes médias peuvent banaliser davantage le savoir et l'expérience, le sens et la forme. Le cyber-net peut être inondé de saletés aguichantes. Il peut endormir la sensibilité jusqu'à l'inertie ( le "couch-potato", en bon français, la "grosse patate avachie" devant son poste de télévision à longueur de journée)."

En fait, le monde de

" ceux qui désirent résoudre des équations non linéaires, qui peuvent comprendre, à un niveau cohérent, une partita de Bach, qui répondent à un poème de Donne, ou cherchent à saisir ce que Kant appelle une déduction transcendantale resteront probablement trés peu nombreux".

On en arrive à cette notion d'élite, celle qui

" dans le monde de la pop music, de l'athlétisme, de la Bourse ou de la vie de l'esprit, est simplement le groupe qui sait, qui dit que certaines choses sont meilleures, plus dignes d'être sues et aimées que d'autres".

Et ceux-là seront éternellement minoritaires. aucune ferveur démocratique ne pourra rien y changer.

" La (triste) réalité est que quatre-vingt-quinze pour cent de l'humanité ou plus vit sa vie de manière plus ou moins satisfaisante ou sinistre, suivant les cas, sans le moindre intérêt pour les fugues de Bach, pour l'a priori synthétique d'Emmanuel Kant".

Alors, avec regret, George Steiner remarque :

" Organisons une consultation libre, et l'immense majorité de mes frères humains choisira un feuilleton ou un jeu télévisé plutôt plutôt qu'Eschyle. Et c'est précisément cette liberté de choix, alors même que les options sont préselectionnées et préconditionnées par la domination économique des médias et du marché de masse, qui est fondamentalement en harmonie avec les idéaux de la démocratie".

En clair, la démocratie rend con...

Et, en même temps, rien n'autorise le moindre "mandarin" à imposer sa "haute culture". C'est juste comme ça.

On pourrait croire qu'un régime despotique pourrait augmenter le nombre de génies musicaux en obligeant toute la population à apprendre le violon...mais Steiner doute que cela permettrait de faire émerger plus de Haydn ou de Bartok.

Et celui qui se plie à une pensée sérieuse est forcément un être qui se marginalise. Mais ce sacrifice est une évidence :

" L'évidence est pour moi aveuglante : l'étude, la discussion théologico-philosophique, la musique classique, la poésie, l'art, tout ce qui est "difficile parce que excellent" (Spinoza, le saint patron des possédés) sont l'excuse de la vie. Je suis convaincu qu'on est infiniment privilégié d'être d'être ne serait-ce qu'un obscur assistant, un commentateur, un instructeur ou un conservateur dans l'orbite de ces grands domaines. Je ne peux, je ne dois, négocier cette passion".

Lors de cette discussion de l'équipe de Direction dont je parlais plus haut, aprés les figures de l'entreprise, on en est venu aux artistes. L'un des membres a été impressionné, il y a trois ans, par...Mylène Farmer.

C'était mon tour, vendredi soir ET samedi soir, comme un vrai fan, d'être parmi les 150.000 personnes  impressionnées au Stade de France par l'émotion transmise et le professionnalisme d'une telle artiste. Dans ce monde où, comme elle l'a chanté en final, repris par le public debout, "tout est chaos", cette "désenchantée" était bien la "novae explosante" du week-end. Vaste entreprise qui a fait travaillé d'arrache-pied plus de 4000 personnes dans le Stade de France ces deux soirs pour produire ce show au budget de 10 millions d'euros. Vidéos, décors, chorégraphies, costumes de Jean-Paul Gauthier, encore une fois la machine Mylène Farmer s'est distinguée...

Tout est sur YouTube, déjà, mais cela ne rend pas grand chose de l'ambiance de la soirée...juste une idée de ce "besoin d'amour XXL" que le public entonne avec l'idole.

Changement : Mylène a fait retirer la video, pour atteinte aux droits d'auteur...Non, Mylène ne s'en fout pas !