Richesse révolutionnaire
Je veux tant !

La moitié cachée de la richesse

Iceberg Dans son analyse de la « richesse révolutionnaire » Alvin Toffler revient sur une notion dont il avait déjà parlé en 1980, avec la « troisième vague » : la « prosommation ».

C’est un terme pour signifier que nous sommes de plus en plus à la fois des producteurs et des consommateurs, et qu’une grande partie de la richesse créée aujourd’hui, et surtout demain, viendra de ces « prosommateurs ».C’est par exemple le gâteau que l’on fait pour en partager la dégustation avec ses voisins ou que l’on offre à la kermesse de l’école, plutôt que de le vendre. Cet exemple a l’air trivial, mais si l’on considère l’ensemble des « prosommateurs » de la planète, on découvre une économie « non marchande » extraordinairement développée, et en croissance, qui constitue, selon Alvin, la moitié de la richesse révolutionnaire.

Un des domaines les plus révolutionnaires pour cette « prosommation » : la santé.

Voir ainsi l’explosion du matériel médical à usage domestique, qui permet de faire soi-même des actes autrefois réservés aux professionnels de santé (et payants) : diagnostics en tous genres de détection d’allergies ou de maladies , soin pour les diabétiques. Et ce n’est peut-être pas fini : imaginons une brosse à dents avec des détecteurs de taux de glycémie, un T-shirt de jogging avec capteurs pour détecter une alerte de malaise vagal,…Vue ainsie, l'économie de la santé, avec sa part "prosommée", c'est autre chose qu'un calcul brut sur les dépenses de la Sécurité Sociale (que l'on veut toujours voir en augmentation pour résoudre tous les provblèmes); et si on s'intéressait à la santé globalement, en incluant dans l'analyse ces "prosommateurs" de plus en plus nombreux et actifs, comme nous y invite Alvin Toffler ? Et si on pouvait améliorer les soins et la santé grâce à eux tout en faisant des économies sur la Sécurité Sociale, modèle de la vieille économie marchande ?

Autre développement de la « prosommation », ce qu’Alvin appelle le « Troisième emploi »(les deux premiers étant mon job, et l’autre mes activités domestiques personnelles) : l’externalisation de tâches par les industries et commerces. Ce sont toutes ces tâches pour me servir de l’essence, me servir dans un snack (il existe déjà des restaurants où l’on se sert des matières premières et où l’on prépare soi-même son repas sur une plaque chauffante), retirer de l’argent, rédiger moi-même la facture de mes achats, commander moi-même mes vacances sur le Net, etc.…Là encore une multitude d’actes gratuits qui, si l’on devait les valoriser dans un système marchand, représenterait des sommes colossales. Cette tendance est celle qui fait dire à un cadre imaginaire (pour combien de temps ?) de Dilbert : « Avec le temps et de la chance, nous formerons nos clients à se charger aussi pour nous de la fabrication et de l’expédition ».

Prévoyant une « explosion prosommatrice », Alvin va encore plus loin, en considérant que ce sont les prosommateurs qui seront les leviers les plus importants de l’amélioration de la productivité des économies, et « remettront en cause l’existence même de certaines des plus grosses entreprises et industries de la planète ». Ouh là là ! il y va fort, Alvin, et pourtant :

Il suffit de considérer la croissance des achats d’équipements, d’outils et matériaux, plutôt réservés aux « professionnels », pour comprendre la part montante de cette économie de « bricoleurs » qui construisent des meubles, des maisons, se mettent à la culture de plantes et légumes, etc.…toute une économie qui échappe, là encore, à ce monde marchand que l’on croit unique.

Et les frontières entre monde marchand et monde « prosommation » ne sont pas étanches : pensons à ces personnes qui, après une réputation de bonne cuisinière de gâteaux sucrés dans leur quartier en font une entreprise marchande. On peut aussi évoquer l’activité de production de logiciels, dont LINUX est un bon exemple d’un « prosommateur » génial, qui a fait de son logiciel un outil qui vient manger sur le territoire de ..Microsoft. Voir aussi le logiciel d’Amazon, en libre accés, qui permet aux « prosommateurs » de l’enrichir pour créer des applications nouvelles, gratuitement. Les exemples abondent.

 

Comme Alvin le résume, «  Ce que nous faisons sans argent aura un impact de plus en plus grand sur ce que nous faisons avec de l’argent. Les prosommateurs sont les héros méconnus de l’économie du futur ».

Exemple d’impact sur la productivité, le mode de diffusion des compétences informatiques pour apprendre à se servir d’un ordinateur : Alvin Toffler nous fait remarquer que l’essentiel de cette diffusion s’est fait en « peer to peer » ; c’est souvent un voisin, ou un ami, qui a appris les astuces pour s’en sortir ; et ce phénomène continue, dans la vie privée comme dans les pratiques professionnelles ; c’est souvent mon collègue qui m’explique et me fait progresser dans ma maîtrise des outils et logiciels ; la « prosommation » est aussi à l’œuvre dans nos entreprises, et c’est elle qui permet de ne pas se retrouver bloqués, et d’améliorer la productivité administrative.

Ce système de « gourous prosommateurs » se développe dans de multiples disciplines, les conseils « gratuits » que l’on s’échange représentant une économie invisible insoupçonnée, qu’il serait intéressant de comparer au système marchand des « consultants » et « coachs » divers et variés. Ces pratiques interrogent bien sûr ces professionnels du « conseil » et du « coaching » qui devront probablement en tenir compte pour faire évoluer leur propre pratique professionnelle.

Ainsi Alvin Toffler, par ces exemples variés, nous fait sentir que la « richesse révolutionnaire » dont il parle n’est pas qu’une question d’argent.

Dans cette « moitié cachée » de la « prosommation » il y a de nombreux retraités et chômeurs, que l’on oublie de comptabiliser dans nos indicateurs de PIB, et qui pourtant comptent pour une part croissante dans la richesse des pays.

L’économie monétaire ne va pas sans cette économie non monétaire, toutes deux sont nécessaires pour obtenir « un système de richesse contemporain ».

Saine réflexion pour répondre à tous ceux qui ne conçoivent la richesse que si elle correspond à un échange d’argent…Ceux qui le croient encore risquent d’être de moins en moins …riches.

 

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