Previous month:
juillet 2009
Next month:
septembre 2009

Réparer ou adapter : une histoire de chimpanzé

Singe Pour la rentrée les dirigeants, managers, chefs de projets, consultants repassent à l'atelier pour prendre leur boîte à outils, et retournent au boulot pour "réengeneerrer", "réorganiser","réparer", ...

En effet, nombreux sont qui croient que quand on intervient, ou qu'on s'occupe d'un projet ou d'un problème quelque part dans l'entreprise c'est parce qu'il y a quelque chose de cassé, et que nous devons le réparer, comme Bob le Bricoleur...

Il y a bien sûr des situations où l'on a besoin de techniques éprouvées pour remettre en marche ce qui ne marche pas. C'est la technique du plombier, de l'électricien, du maçon, qui, en mettant en oeuvre technique, précision, et savoir-faire, vont résoudre des problèmes de plomberie, d'électricité ou de maçonnerie.

Mais il y a aussi des cas, plus nombreux, où il ne s'agit pas de réparer, mais d'adapter l'entreprise à des changements, dans l'environnement, dans la compétition,...

Et des changements comme ça, on en voit tous les jours en ce moment : des clients qui ne prennent plus l'avion, qui n'achètent plus de voitures, qui délaissent les produits de beauté de luxe pour acheter les produits bon marché,etc..

Et là, on n'a plus besoin du bricoleur avec sa méthodologie, toute pré-déterminée, et son savoir-faire usagé, mais de ce que Ronald Heifetz appelle un "adaptive leadership".

Ronald Heifetz, c'est cet auteur ,dont j'avais déjà parlé, et qui livre ses réflexions et conseils sur le sujet dans le dernier numéro de HBR, et dans le livre qu'il vient de sortir  : "The practice of adaptive leadership".

Pour adapter l'entreprise à l'aprés-crise (et même pendant), nous avons besoin de ces leaders capables de la faire s'adapter à la nouvelle donne, et non de ceux qui croient pouvoir la réparer pour la faire revenir à l'état de fonctionnement d'hier ou d'avant-hier...

En parlant d'"adaptation", Ronald Heifetz compare le sujet aux adaptations de l'espèce humaine à l'environnement au cours de millions d'années. Et il fait remarquer que l'ADN de l'homme ressemble à 98% à celle du chimpanzé, et que ce sont les 2% restant qui font toute la différence.

Ce qui lui permet de nous prévenir : s'adapter, c'est d'abord construire sur les bonnes choses du passé, en identifiant avec précision les 2% qui sont à changer, à rénover. Et c'est aussi abandonner ce qui doit être abandonné pour le remplacer par ces nouveaux 2%.

Et ce n'est pas facile d'identifier précisément ces 2%...

Il nous conseille donc de passer un peu de temps pour mener ce diagnostic pour soi-même, son équipe, son entreprise :

Qu'est ce qui doit être gardé (mon bon chimpanzé) ?

Qu'est ce qui doit être introduit de nouveau (passer du chimpanzé à l'homme) ?

Et pour introduire ces 2%, il faut enlever, perdre, quelque chose, et c'est plus douloureux qu'on ne pense. Il faut supprimer des habitudes, des normes, des comportements, des règles, peut-être même des hommes,etc...Le tour d'horizon est large.

Et une fois qu'on a identifié ce qu'il allait falloir abandonner, restera à le faire effectivement, et à l'inculquer à tous. Puis à construire le nouveau, en expérimentant, en essayant, en échouant, avant de tout bien caler comme il faut.

Alors, en cette rentrée si nous prenions le temps d'avoir une discussion franche avec notre chimpanzé ?

Nous aurions ainsi l'air moins singe auprés de nos clients et nos collaborateurs...

Bonne discussion (n'oubliez pas les bananes..).


Des textes qui nous lisent plus que nous ne les lisons

Book

Pourquoi relit-on des livres qu’on a déjà lus ? Et parfois, de nombreuses fois, ou juste certains passages qui nous sont familers ?

 

Car la lecture n’est pas seulement un livre et un contenu, mais une rencontre entre le lecteur et le livre ; et selon le moment où on le lit, les circonstances, notre état d’âme du moment, on n’y lira pas la même chose. Et certaines de ces « rencontres » de lectures deviennent, avec le temps et les occasions diverses, comme des amies que l’on vient revoir, et qui, avec les mêmes mots, le même livre, nous délivrent des pistes, des idées, des propositions de réflexions et d’actions que l’on n’avait pas su y voir les fois précédentes. On pourrait appeler ces lectures « nos classiques », car chacun a les siens ; certains sont tellement universels qu’ils sont les classiques de nombreux d’entre-nous. Mais chacun a sa propre lecture.

 

Retrouvées, ces idées dans l’interview que donne George Steiner, professeur de philosophie et de littérature, à la revue « Philosophie magazine » de Juillet-Août : On lui demande de décrire à un jeune étudiant ce qu’est un classique :

 

«  Il y a des textes – et c’est assez mystérieux – qui, chaque fois que nous y revenons, sont plus riches qu’avant. Des textes qui nous lisent plus que nous ne les lisons. Des textes qui changeront pour lui au cours de sa vie. Qui vont produire en lui une sorte de croissance, l’écho intérieur d’un dialogue. Être inépuisable est l’un des critères du classique. C’est pour cela qu’il est essentiel d’apprendre par cœur. Ce que vous avez appris par cœur change en vous et vous change. Et personne ne peut vous l’enlever, ni la Gestapo, ni le KGB, ni la CIA. C’est en vous, cela vous appartient. »

 

Quels sont mes classiques ?

Depuis quand n’ais-je rien appris par cœur ?

Et qu’est ce que je connais encore « par cœur » ?


Crise de futur

Vitesse En ce moment, la "série de l'été" dans La Tribune, c'est d'interroger des managers sur la crise; Les Echos, idem : "leur regard sur les crises du siècle"...

Pas mal de banalités et de lieux communs. Il est amusant de lire les commentaires sur les sites internet, et les injures que reçoivent ces apprentis futurologues (ici par exemple, pour ce pauvre banquier).

Hier, dans Les Echos, c'est un vrai futurologue qui était interviewé par Virginie Robert, LE futurologue avec qui je viens de passer de longues heures de lectures, ....Alvin Toffler; encore lui !

En bon futurologue, Alvin avoue qu'il n'avait rien vu venir du tout à propos de la crise actuelle.

Il s'en prend aussi à la science économique, qu'il juge "de plus en plus obsolète". Car elle ignore trois facteurs qu'il considère essentiels: le temps, la vitesse, l'espace.

Vitesse, car tout va vite, Wall Street en premier, sauf les gouvernements qui sont à la traîne. Le temps n'a plus la même signification.

Concernant les plans de sauvetage des gouvernements, et en premier lieu de celui des Etats Unis, il est contre : à quoi sert de sauver l'industrie automobile, alors qu'il vaudrait mieux développer les services et créer du savoir.

" Quand on fait un plan de relance, il y a un grand danger à investir dans des infrastructures obsolètes. De combien de voitures avons-nous vraiment besoin ? Combien de gens vont, dans vingt ans travailler dans un bureau plutôt que chez eux ? Tout cela a un impact sur les transports, les autoroutes, etc. Il faut que le gouvernement travaille avec des groupes qui se projettent dans le futur".

A 81 ans, Alvin n'a pas perdu son sens critique.


Importance vitale ?

Grippe Reçue chez PMP, cette lettre, aujoud'hui, du service Achats d'un grand opérateur de télécoms :

"Madame, Monsieur,

La France a atteint le niveau d'alerte 5 de la pandémie grippale sur une échelle de 1 à 6. Le passage aux niveaux 5B-6 (pandémie) pourrait avoir lieu à l'automne 2009.

X est un opérateur d'importance vitale. A ce titre, certaines obligations règlementaires lui incombent tout particulièrement en cas de pandémie.

Conformément au Plan National de Prévention et de lutte contre la " Pandémie grippale" (plan national n° 150/SGDN/PSE/PPS du 20 février 2009), en cas de passage aux niveaux 5B-6, les déplacements individuels pourront être limités. Nous vous informons que X devra alors restreindre l'accés à ses sites aux seules personnes concourant, directement ou indirectement, à la réalisation de ses missions d'opérateur d'importance vitale.

Nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. "

Prêt à passer le test de "l'importance vitale" ?

Le test risque d'être pire que la grippe pour certains.


Je veux tant !

Simone La lecture de cet essai de 1944 m'a fait revenir vers Simone de Beauvoir.

Danielle Sallenave a épluché l'année dernière tous ses écrits, et en a fait une biographie originale (pas vraiment une biographie, plutôt une évocation du siècle), toute de précision dans l'analyse de l'oeuvre, depuis les premiers romans jusqu'aux lettres de jeunesse et lettres diverses publiées aprés sa mort : "Castor de guerre".

Castor, car c'est le surnom qu'elle gardera (venant de "beaver", castor, qui rappelle Beauvoir).

Ce qui frappe, c'est cette volonté, trés précoce, de faire soi-même sa vie, de considérer que ce qu'il adviendra de soi dans la vie, on ne le devra qu'à soi-même.

Dans les "cahiers de jeunesse", a priori pas destinés à la publication (mais le sait-on ?), qu'elle écrit à vingt ans, tout est déjà écrit :

" Je construirai une force où je me réfugierai à jamais" Danièle Sallenave y décelle bien cette ambition, cette démesure, qui va colorer toute sa vie à venir. C'est en effet impressionnant.

Autre citation de 1926 ( 18 ans !) :

" Je me suis trouvée; je suis moi, et je sais que je suis moi. Je suis en pleine maturité et pleine possession de moi".

Quelle foi en elle, sûre de ses capacités, qui recelle aussi un peu d'angoisse :

" Quand je pense à moi, je vois avec tant d'angoisse cette vie inutile qu'il faudra remplir, moi qui n'ai pas de valeur, pas de force, et qui sait pourtant que tout le reste n'a pas de prix. J'ai peur et je suis seule".

Ce que Danièle Sallenave fait ressortir, c'est cette vocation, cet appel ressenti à devenir quelqu'un, le "désir d'y engager toute son énergie, toute sa puissance, toute sa vigueur".

Elle le ressent comme un besoin qui la dévore :

" Il me faut une vie dévorante ! J'ai besoin d'agir, de me dépenser, de me réaliser, je suis habituée à une forte discipline de travail, il me faut un but à atteindre, une oeuvre à remplir". " Je veux tant !".

Pour nous, qui pouvont connaître toute l'histoire, en parcourant chapitre aprés chapitre le livre de Danièle Sallenave, quelle tentation  de vérifier que cette volonté que l'on a vingt ans se retrouve dans l'éxécution.

Forcément, il y a des moments qui correspondent bien, et d'autres de lâcheté, de compromissions, tout n'est pas comme prévu. Mais cette "force" on la retrouve dans les engagements, les positions, et au moins sur l'oeuvre elle aura réussi, ce livre en est une preuve.

Pour l'engagement, on est servi; Simone de Beauvoir symbolisera le combat pour les femmes (on connaît tous "on ne naît pas femme, on le devient", même si l'on n'a pas lu "le deuxième sexe"). Mais aussi l'engagement pour les régimes les plus totalitaires, et ce ne sont pas les meilleurs souvenirs, a posteriori.

En 1929, elle rencontre Sartre; ils ne se quitterons plus, et formeront un couple pas comme les autrres, avec de l'audace et de la provocation.

Cette détermination qui caractérise Simone de Beauvoir, cette volonté de se construire soi-même, d'en accepter tous les risques, de "vouloir tant!", quel contraste avec les attitudes de ceux qui passent leur vie à ne pas savoir quoi faire de leur vie.

Et bien sûr, aussi, quand on parle de vie, on parle de mort.

L'expérience de la Collaboration sera l'occasion de cette réflexion pour Simone de Beauvoir, au moment de la Libération, en 1944 :

" Tant de coups reçus : aucun ne m'avait fracassée. Je survivais, et même j'étais indemne. En dépit de toutes ces morts derrière moi, je me rétablissais dans le bonheur".

" Quelle insouciance, quelle inconsistance ! J'avais honte pour eux tout en ayant honte de moi". Cette honte, c'est celle d'être le survivant en ayant vu mourir les autres. Cela déclenchera pour elle un engagement politique qui va devenir de plus en plus fort.

En repensant aux absents, ceux qui ont disparus, elle évoque l'oubli, et finit sur :

" Un jour, cet absent, cet oublié, ce sera moi".

Aprés avoir crû, jeune, à une immortalité, Simone de Beauvoir va introduire la mort dans son projet. On retrouve ces thèmes dans cet essai de 1944, dont j'ai déjà parlé : " sans la mort, il ne saurai y avoir de projets ni de valeurs". Elle écrit ce livre en trois mois; motivé par la prise de conscience que "tout projet est une action", et implique de "consentir" à la violence.Elle dira elle-même qu'elle a découvert que son sort était "lié à celui de tous".Et c'est en 1946 qu'elle publie un roman sur le même thème, " Tous les hommes sont mortels", qui met en scène un immortel qui se rend compte que "seul un être éphémère est capable de trouver de l'absolu dans le temps".

Relire le parcours de Simone de Beauvoir, et surtout sa montée en puissance dans ces années d'avant-guerre et de la guerre (après 1944, ce sera la révélation, les oeuvres majeures qui la rendront célèbre, les engagements politiques; mais tout ce qui se passe dans ces premières années éclaire ce parcours avec finesse), c'est retrouver, grâce au travail de Danièle Sallenave, des questions philosophiques essentielles, mises en pratique dans une vie.

C'est aussi parcourir et méditer, au travers de cette vie, sur tout ce qui a constitué le vingtième siècle. De quoi nous donner aussi à réfléchir à nos propres destins et à ce XXIème siècle qui ne fait que commencer..

Aprés avoir parcouru le futur avec Alvin Toffler, quoi de mieux que de parcourir le siècle passé avec Simone de Beauvoir et Danièle Sallenave.

Décidément ces vacances d'août grâce à de telles lectures, permettent de faire de trés grands voyages dans le temps et de nourrir ses convictions...ou de les changer.


La moitié cachée de la richesse

Iceberg Dans son analyse de la « richesse révolutionnaire » Alvin Toffler revient sur une notion dont il avait déjà parlé en 1980, avec la « troisième vague » : la « prosommation ».

C’est un terme pour signifier que nous sommes de plus en plus à la fois des producteurs et des consommateurs, et qu’une grande partie de la richesse créée aujourd’hui, et surtout demain, viendra de ces « prosommateurs ».C’est par exemple le gâteau que l’on fait pour en partager la dégustation avec ses voisins ou que l’on offre à la kermesse de l’école, plutôt que de le vendre. Cet exemple a l’air trivial, mais si l’on considère l’ensemble des « prosommateurs » de la planète, on découvre une économie « non marchande » extraordinairement développée, et en croissance, qui constitue, selon Alvin, la moitié de la richesse révolutionnaire.

Un des domaines les plus révolutionnaires pour cette « prosommation » : la santé.

Voir ainsi l’explosion du matériel médical à usage domestique, qui permet de faire soi-même des actes autrefois réservés aux professionnels de santé (et payants) : diagnostics en tous genres de détection d’allergies ou de maladies , soin pour les diabétiques. Et ce n’est peut-être pas fini : imaginons une brosse à dents avec des détecteurs de taux de glycémie, un T-shirt de jogging avec capteurs pour détecter une alerte de malaise vagal,…Vue ainsie, l'économie de la santé, avec sa part "prosommée", c'est autre chose qu'un calcul brut sur les dépenses de la Sécurité Sociale (que l'on veut toujours voir en augmentation pour résoudre tous les provblèmes); et si on s'intéressait à la santé globalement, en incluant dans l'analyse ces "prosommateurs" de plus en plus nombreux et actifs, comme nous y invite Alvin Toffler ? Et si on pouvait améliorer les soins et la santé grâce à eux tout en faisant des économies sur la Sécurité Sociale, modèle de la vieille économie marchande ?

Autre développement de la « prosommation », ce qu’Alvin appelle le « Troisième emploi »(les deux premiers étant mon job, et l’autre mes activités domestiques personnelles) : l’externalisation de tâches par les industries et commerces. Ce sont toutes ces tâches pour me servir de l’essence, me servir dans un snack (il existe déjà des restaurants où l’on se sert des matières premières et où l’on prépare soi-même son repas sur une plaque chauffante), retirer de l’argent, rédiger moi-même la facture de mes achats, commander moi-même mes vacances sur le Net, etc.…Là encore une multitude d’actes gratuits qui, si l’on devait les valoriser dans un système marchand, représenterait des sommes colossales. Cette tendance est celle qui fait dire à un cadre imaginaire (pour combien de temps ?) de Dilbert : « Avec le temps et de la chance, nous formerons nos clients à se charger aussi pour nous de la fabrication et de l’expédition ».

Prévoyant une « explosion prosommatrice », Alvin va encore plus loin, en considérant que ce sont les prosommateurs qui seront les leviers les plus importants de l’amélioration de la productivité des économies, et « remettront en cause l’existence même de certaines des plus grosses entreprises et industries de la planète ». Ouh là là ! il y va fort, Alvin, et pourtant :

Il suffit de considérer la croissance des achats d’équipements, d’outils et matériaux, plutôt réservés aux « professionnels », pour comprendre la part montante de cette économie de « bricoleurs » qui construisent des meubles, des maisons, se mettent à la culture de plantes et légumes, etc.…toute une économie qui échappe, là encore, à ce monde marchand que l’on croit unique.

Et les frontières entre monde marchand et monde « prosommation » ne sont pas étanches : pensons à ces personnes qui, après une réputation de bonne cuisinière de gâteaux sucrés dans leur quartier en font une entreprise marchande. On peut aussi évoquer l’activité de production de logiciels, dont LINUX est un bon exemple d’un « prosommateur » génial, qui a fait de son logiciel un outil qui vient manger sur le territoire de ..Microsoft. Voir aussi le logiciel d’Amazon, en libre accés, qui permet aux « prosommateurs » de l’enrichir pour créer des applications nouvelles, gratuitement. Les exemples abondent.

 

Comme Alvin le résume, «  Ce que nous faisons sans argent aura un impact de plus en plus grand sur ce que nous faisons avec de l’argent. Les prosommateurs sont les héros méconnus de l’économie du futur ».

Exemple d’impact sur la productivité, le mode de diffusion des compétences informatiques pour apprendre à se servir d’un ordinateur : Alvin Toffler nous fait remarquer que l’essentiel de cette diffusion s’est fait en « peer to peer » ; c’est souvent un voisin, ou un ami, qui a appris les astuces pour s’en sortir ; et ce phénomène continue, dans la vie privée comme dans les pratiques professionnelles ; c’est souvent mon collègue qui m’explique et me fait progresser dans ma maîtrise des outils et logiciels ; la « prosommation » est aussi à l’œuvre dans nos entreprises, et c’est elle qui permet de ne pas se retrouver bloqués, et d’améliorer la productivité administrative.

Ce système de « gourous prosommateurs » se développe dans de multiples disciplines, les conseils « gratuits » que l’on s’échange représentant une économie invisible insoupçonnée, qu’il serait intéressant de comparer au système marchand des « consultants » et « coachs » divers et variés. Ces pratiques interrogent bien sûr ces professionnels du « conseil » et du « coaching » qui devront probablement en tenir compte pour faire évoluer leur propre pratique professionnelle.

Ainsi Alvin Toffler, par ces exemples variés, nous fait sentir que la « richesse révolutionnaire » dont il parle n’est pas qu’une question d’argent.

Dans cette « moitié cachée » de la « prosommation » il y a de nombreux retraités et chômeurs, que l’on oublie de comptabiliser dans nos indicateurs de PIB, et qui pourtant comptent pour une part croissante dans la richesse des pays.

L’économie monétaire ne va pas sans cette économie non monétaire, toutes deux sont nécessaires pour obtenir « un système de richesse contemporain ».

Saine réflexion pour répondre à tous ceux qui ne conçoivent la richesse que si elle correspond à un échange d’argent…Ceux qui le croient encore risquent d’être de moins en moins …riches.

 

Richesse révolutionnaire

Richesse Il y en a qui avouent ne pas aimer les riches, comme lui. Sûr que cette sortie va lui coller au pantalon...

Pour le futurologue (quel beau métier !) Alvin Toffler, la richesse est ce qui permet de croire dans le futur. Aprés le "choc du futur", "la troisième vague", et "les nouveaux pouvoirs", je m'attaque donc à cet ouvrage de 2006 : "La richesse révolutionnaire" (j'aurai ainsi passé de nombreuses pages avec cet auteur prolifique, auquel je finis par m'attacher...Prés de 40 ans que ça dure son histoire du futur, avec les mêmes thèmes et visions qui reviennent, et toujours renouvelés et approfondis; quelle constance !).

Mais pourquoi est-elle si révolutionnaire cette richesse ?

Alvin Toffler revient sur ce qui a fait la richesse d'hier (la richesse étant définie, au-delà de l'aspect limité à l'accumulationd'argent, comme tout ce qui permet de satisfaire des besoins ou des envies; c'est "l'enfant du désir", Napoleon Hill l'avait dit avant lui). La richesse d'hier c'était la terre, l'agriculture (ça, c'est la première vague), puis c'était la production, les usines (ça, c'est la deuxième vague), et avec la troisième vague, la richesse c'est le savoir, les connaissances.

Ce qui est révolutionnaire, c'est que cette richesse ne se compte pas de la même façon. Pour savoir si on a beaucoup de terres ou beaucoup de productions industrielles, il suffit de compter.

Mais le savoir, la connaissance, comment va-t-on mesurer ça ? Quelle est la quantité de savoir présent sur la planète ? Dans mon entreprise ? Quelle part mérite d'être connue ? Quelle est sa valeur ? Révolutionnaire, car les réponses sont radicalement nouvelles.

Quand on parle de savoirs et de connaissances, il ne s'agit plus, majoritairement, des connaissances dans la tête des personnes, mais aussi et surtout celles stockées en dehors de nous, dans les bases de données et supports divers. Alvin toffler cite Michael E. Lesk, spécialiste de la National Science Foundation, qui a calculé que "en soixante dix ans de vie, chacun d'entre nous est exposé à environ six gigaoctets d'ASCII", alors qu'il est aujourd'hui possible d'acheter un disque dur de 400 gigaoctets pour son ordinateur personnel.

Malheureusement, plus que jamais, ces savoirs et connaissances se périment vite (Alvin Toffler appelle ça "l'obsolaissance" pour désigner les connaissances obsolètes), et nous sommes encombrés de ceux qui ne servent plus à rien; sans compter les fausses informations, les erreurs, dont on trouve foison grâce à internet (par exemple la preuve en vidéo que les attentats du 11 septembre n'ont pas eu lieu, ou que Michaël Jackson n'est pas mort..).

Autre élément limitant, ces "filtres de vérité" mis en place par les sociétés, les Etats, pour filtrer les connaissances (on pense aux autorités religieuses dans certains pays).

Alvin Toffler nous avertitr ainsi :

" La forme des économies de demain dépendra beaucoup des filtres de vérité que nous choisirons pour valider le savoir".

Cela conditionne le progrès économique.

Clairement, si l'on suit Alvin, la richesse d'aujourd'hui et de demain ne sera plus celle de l'Oncle Picsou d'hier.


Vacances : provision de convictions

Chazal Aprés le processus du changement, ici, puis les nouvelles organisations de la Trosième vague, ici, Alvin Toffler, en 1990, s'intéresse aux "Nouveaux pouvoirs".

Tout aussi visionnaire que ses précédents opus, celui-ci nous parle de tout ce que l'on connaît aujourd'hui : ce ne sera plus la violence, la force, ni l'argent, qui feront le pouvoir, mais le savoir. Et, liée à cette conquête du savoir pour la conquête du pouvoir, la guerre de l'information. Et Alvin Toffler de nous décrire les nouvelles formes d'espionnage et de manipulation de l'information.

Et, à l'heure où les collaborateurs des entreprises vont passer plus de temps à l'extérieur, vacances oblige, cette remarque qui retient mon attention :

" Bons et mauvais spectacles influencent la provision de convictions que chacun apportera sur son lieu de travail. (Paradoxalement, une grande partie de l'image que le travailleur se fait du monde, et qui affecte de plus en plus la productivité économique, est ainsi absorbée pendant les heures de "loisir".) C'est pour cela que le "simple amusement" n'est plus si "simple".

En bref, la nouvelle économie est étroitement liée non seulement aux anciens savoir-faire théoriques et techniques, mais à la culture populaire et au marché en expansion de l'image."

Effectivement, notre temps libre nous expose particulièrement à ces images qui fabriquent nos convictions, qui vont directement influencer nos réactions, nos opinions. Et nos collaborateurs et collègues qui vont rentrer de ces vacances vont ramener avec eux ces images et opinions plus ou moins conscientes.

C'est pourquoi, il est toujours important de distinguer en conscience ce qui forge nos opinions et convictions; à partir de quels films, quelles images, quels amusements, quelles émissions, quels journaux, de quelles informations, de quelles lectures nous formons nous ? Et ces vacances, que vont-elles nous inculquer ? quelles réflexions vont-elles nous apporter ?

C'est pourquoi je passe beaucoup de temps à choisir les livres que j'emmène avec moi pour ces périodes de vacances. J'en prend toujours trop. Car pour moi, les meilleures images, ce sont celles que déclenchent les mots des livres. Celles de la télé m'apportent surtout la conviction qu'elles m'abrutissent, entre Fort Boyard, Claire Chazal et Intervilles (c'est le genre des programmes d'horreur de l'été), non merci. Là, plus qu'ailleurs, il faut vraiment être sélectif.

Oui; les mois d'été, sans que l'on s'en aperçoive toujours, sont des mois particulièrement riches pour nous refaire ces "provisions de convictions"...

Même ceux (et surtout eux) qui ne lisent rien ni ne voient rien, lisent quand même des panneaux, des prospectus, voient quand même des images , entendent les conversations de leurs voisins, de la radio,inconsciemment, et ceux-là se fabriquent des provisions de convictions qu'ils ne maîtrisent pas; ils sont un peu les "manipulés", baladés par les mots et les images de la médiocrité ambiante, diffusés en grand nombre aux heures de "grande écoute".Il risquent de revenir de vacances avec du vide.

Alors, ces convictions qui nous construisent, pourquoi ne pas les choisir au lieu de les subir ?

En restant attentifs à ces "simples amusements" pas si "simples" et aux "convictions" qu'ils véhiculent et qui risquent de nous contaminer plus sûrement que la grippe mexicaine.