Pourquoi les oiseaux s'envolent-t-ils ?
31 juillet 2009
En ce moment, avec la "crise", il paraît que les salariés, et les consultants n'échappent pas à la règle, restent au chaud, et songent un peu moins à quitter leur entreprise. Pourtant, il en reste qui bougent, et pas forcément les plus mauvais. Et heureusement pour les entreprises qui les recrutent, les talents circulent d'une entreprise à l'autre.
D'où la question : pourquoi ces oiseaux s'envolent-t-ils ?
Nevin Danielson, qui a aussi un blog, traite le sujet dans un des derniers "Manifesto" de "Change This".
Pour s'envoler, il peut y avoir de mauvaises raisons, ou des raisons mal explicitées.
En effet, quitter une entreprise pour en chercher une autre, avec l'espoir de trouver une meilleure situation aprés qu'avant, c'est d'abord être vraiment capable d'identifier cet endroit meilleur : à distance, tout semble parfois meilleur (comme on dit "on trouve l'herbe plus verte dans le pré d'à côté"). Le risque existe, avec une telle stratégie, de faire de sa vie professionnelle une succession de rapides "lunes de miel", suivies de plusieurs années de déceptions et de frustrations, où l'on n'aime finalement pas plus son nouveau job que le précédent; il est fréquent de retrouver, d'une entreprise à l'autre, les mêmes problèmes qui nous ont fait partir de l'emploi précédent. Ainsi, ce jeune collaborateur qui part parce qu'il n'aime pas le style d'encadrement de ses chefs, va se retrouver, dans sa nouvelle entreprise, avec de nouveaux chefs qui adoptent exactement le même style d'encadrement qu'il n'aimait pas, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il fait aussi partie du problème (d'où l'expression "le léopard voyage avec ses taches").
Chercher un nouveau cadre pour fuir un autre, c'est se renforcer dans la conviction qu'il y a toujours quelqu'un d'autre qui est repsonsable de nos malheurs et problèmes, ou de nos satisfactions : le salarié s'imagine, dans cette posture, être une sorte de consommateur qui cherche le bon produit, mais qui finalement laisse aux autres tout ce qui concerne la fabrication du produit. Cela renforce un sentiment de non engagement, de retrait par rapport à l'entreprise, que l'on considère comme immuable, dont la possibilité qu'elle change, voire même que le salarié en question puisse d'une façon ou d'une autre contribuer au changement, n'est même pas imaginé : c'est l'attitude qui consiste à entrer dans l'entreprise, à se dire "j'aime", ou "j'aime pas", et à changer d'endroit quand on s'est convaincu de "j'aime pas" ou "j'aime plus", sans trop savoir ce qui va se passer ensuite. Cas typique des brillants diplômés des meilleures écoles, qui vivent sans implication et sans passion leur carrière, comme des adolescents qui se répètent "je sais pas quoi faire"...
Pour l'entreprise qui accueille ce candidat à l'envol chargé de telles raisons, c'est souvent un danger de les recruter, car, en tant que nouvel employeur, on risque fort de subir tous les déboires qu'a connu ce collaborateur avec son ou ses employeurs précédents. Déceler ces symptômes lors d'un entretien, c'est souvent le signe qu'il vaut mieux ne pas embaucher ce candidat.
Comme le dit Nevin Danielson, " Nous choisissons souvent de nous envoler trop vite".
Car ce qui va donner de l'alure à cet oiseau qui s'envole, c'est précisément la combativité, l'envie de changer les choses, l'ambition de porter un projet personnel qui lui fera faire un long voyage plein de succés et de satisfaction. Et aprés s'être battu dans une entreprise, avoir appris, avoir grandi et mûri, rechercher de nouveaux défis, toujours plus haut.
Voilà le projet positif que le nouvel employeur est prêt à accueillir. Et l'employeur précédent verra peut-être aussi partir avec fierté ce bel oiseau qu'il aura aidé à faire grandir, et qui portera chez d'autres la valeur de l'éducation qu'il lui aura prodigué. De nombreuses entreprises développent ainsi des réseaux "d'alumnis" qui constituent ainsi une grande famille qui s'entr'aide et se reconnaît. Les meilleurs cabinets de conseil l'ont bien compris, qui trouvent souvent dans ce réseau d'anciens, passés dans des postes opérationnels dans les entreprises, leurs meilleurs clients.
Malheureusement, de nombreuses entreprises ont oublié de mettre dans leurs objectifs stratégiques de faire l'éducation des oiseaux, et notamment des plus jeunes. Il suffit d'écouter le récit des "tranches de vie" de certains de ces oiseaux, qui atterrissent pour un entretien en face de vous (cela m'arrive souvent en ce moment), pour se convaincre des drôles de pratiques de certains, et peut-être plus encore en ce moment, où les difficultés économiques s'accompagnent, ou justifient, lâchetés et mensonges de la part des managers et dirigeants.
Car la pire façon de faire s'envoler les oiseaux que vous managez, c'est de leur faire peur au point qu'il vous haïssent.
Si vous n'avez pas peur des films d'horreur lisez cet article de Adam Kleinberg sur les "sept raisons qui font que vos employés vous détestent".
Vos employés vous détestent parce que :
- vous ne les laissez pas seuls : vous êtes tout le temps sur leur dos à tout contrôler,
- vous les laissez seuls : pas de feddback, pas de merci, pas de conseils; "tais toi et rame"..
- vous êtes un "Twit" : comme les accros de "Twitter", vous racontez à tout le monde des choses que les collaborateurs vous ont confiées et qu'ils auraient aimé que vous traitiez avec discrétion...
- vous prenez des engagements sans vérifier leur faisabilité par vos collaborateurs: vous promettez et ne pouvez pas tenir; vous promettez l'impossible aux clients, au super boss, et vos collaborateurs ne peuvent pas suivre; ils n'en peuvent plus...ils vous haïssent..
- vous ne respectez pas vos propres règles : vous parlez règles, procédures, process, mais ne les appliquez pas à vous-même; vous manquez...ils vous détestent.
- vous mentez : vous promettez à vos collaborateurs de faire quelque chose, et vous ne le faites pas : menteur ! ...ils vous détestent.
- vous les terrorisez : comme les chiens de Pavlov, vos collaborateurs ont appris que, lorsque vous leur demandez de venir vous voir, ou vous apprêtez à leur parler, c'est pour les engueuler; et donc, avant même que vous ne commenciez, ils ont peur; ils attendent l'orage. Ils baissent la tête; ils tremblent....Ils vous haïssent...
Pas facile d'être un bon oiseleur...comme Papageno (Mozart - "La flûte enchantée")