Le talent ne suffit pas
24 mai 2009
La guerre des talents, la gestion des talents, c'est la chanson à la mode des années 2000.
C'est Malcolm Gladwell qui avait noté que, il y a quelques années, des consultants de Mac Kinsey avaient consacré une enquête approfondie pour détecter ce qui fait la différence dans les entreprises performantes. Et ce qui ressort admirablement selon, c'est justement cette capacité à bien détecter et gérer les talents. Ce que l'on appelle "the talent mind-set"..
Là où l'histoire s'embrouille un peu c'est quand on prend connaissance, aujourd'hui (l'enquête date de quelques années) de l'entreprise qui est considérée comme la meilleure en gestion des talents. Tout le monde la connaît, mais pas forcément pour cette caractéristique; c'est...ENRON.
Il ne s'agit pas de conclure que c'est ce "talent mind-set" qui serait la cause de la faillite de Enron, mais on peut quand même observer que cette histoire de talent n'est pas complètement imparable. Voire que c'est justement parce que l'on fait trop confiance au "talent", qui permet tout, même de faire de grosses bêtises, du moment qu'on est génial...
Un autre auteur anglo-saxon, Richard Sennett, professeur à la London School of economics, vient de publier "The craftsman" (l'artisan), qui est une réflexion sur le travail. Il est interviewé par un journal hollandais, interview traduite dans le dernier numéro de "Courrier International", qui consacre un dossier à "aimez-vous travailler ?".
Dans cette interview, il nous explique combien il est souhaitable de réhabiliter le savoir faire, plutôt que le talent.
La citation est savoureuse :
" Le savoir-faire est démocratique. On peut l'apprendre, le talent ne suffit pas, il faut aussi de la patience, beaucoup de travail, de la routine et, comme on l'a dit, de l'expérience. C'est en contradiction avec la notion répandue actuellement selon laquelle le talent est une rareté et celui qui en est privé peut être licencié. Tout notre enseignement et nos entreprises sont imprégnés par l'idée que, sur vingt personnes, il faut trouver celle qui est exceptionnelle, les dix-neuf autres étant condamnées au royaume des ombres. Cette idée d'excellence n'est pas démocratique".
C'est nouveau cette petite musique...
Le "Talent Management" serait-il en train de passer de mode au profit du savoir-faire ?
A suivre...en lisant Richard Sennett...