Sociabilité et solidarité : quels modèles culturels ?
La culture du malheur intime

François Bayrou et la touche 0

Oldtelephone Aujourd'hui, quand on parle des entreprises et du secteur public, y compris et surtout dans les discours des dirigeants publics, on essaye de revendiquer une exigence de performance. Faire mieux fonctionner les services publics, mieux satisfaire les "clients", tout le monde s'y met.

Parfois, on parle un peu trop d'outils de management, et moins de ce qui fait la performance.

Parfois, on y va un peu trop fort sur les "rémunérations au mérite", au risque de provoquer des incendies.

Et parfois, on livre des secrets pour "faire bouger une entreprise publique".

Alors, il est intéressant de lire dans le livre de François Bayrou, "Abus de pouvoir", une thèse qui vient critiquer cette tendance.

Il faut du courage pour s'engouffrer dans un tel combat.

Quel est le problème pour François Bayrou ?

Ce qu'il n'aime pas, c'est l'introduction de mécanismes de concurrence dans les services publics. Pourtant on est en plein dedans, souvent poussés par les directives européennes. Les postes, l'électricité, le gaz, l'exploitation de fret ferroviaire, le transport de voyageurs, sans parler des télécommunications, qui ont vu tomber le monopole de France Télécom il y a déjà longtemps.

Pour lui, le service public, celui qu'il aime, c'est celui de l'ancien temps, qu'il sacralise comme quelque chose d'idéal. Les problèmes d'efficacité, les gaspillages, les surcoûts, que tant d'audits courageusement lancés par les responsables d'Administrations ou d'entreprises publiques, c'est à croire que tout ça, il ne veut pas le voir.Les déséquilibres, tout ce qui ne marche pas, non, non, il n'a rien vu.

" L'idéologie managériale qui fait en toute chose passer la gestion avant la mission est une offense faite à la France".

Car pour lui, parler de performance, c'est de l'idéologie managériale"...

François Bayrou nous le dit religieusement :

" La concurrence dans les services publics est un dogme duquel je n'ai jamais été bien croyant, mais dont je suis devenu athée. croit-on qu(on ait gagné au change à avoir cinq ou six opérateurs de renseignements téléphoniques, dont on ignore tout ? Pour qui, pour quoi, pour quel gain ?".

Bon, on aimerait bien qu'il nous parle des autres domaines de compétition dans les services, car les opérateurs de renseignements, c'est une toute petite partie du sujet, non ?

Mais nous n'aurons pas droit, dans ce livre, à plus de développement concret sur ces services.

Par contre, il nous explique ce qui le gêne dans cette situation de concurrence :

" On est en train de nous réduire, nous citoyens, à des consommateurs, à des clients. Nous nous reconnaissons usagers des services publics, à l'école, à l'hôpital, mais nous ne voyons pas comme des clients. Et aprés tout, si on nous pousse dans nos retranchements, nous aimerions mieux en revenir au temps où l'on n'attendait pas vingt minutes au téléphone pour signaler une panne et s'entendre répondre que nous n'avons pas, en appuyant sur la touche 3, puis sur la touche 5, contacté le bon service".

Manifestement, François Bayrou en veut aux opérateurs Télécoms. Lui, les centres d'appel, ça n'a pas l'air d'être son truc; il regrette la cabine et le "22 à Asnières", et les "dames du téléphone" chères à Marcel Proust. Chacun son époque. La phrase suivante m'a laissé perplexe :

" Nous voulons appuyer sur la touche 0, puisqu'ils aiment tant l'évaluation par les clients, et les renvoyer à leur néant".

Cette thèse, qui consiste, si l'on comprend bien, à accuser les services concurrentiels d'être moins bien, moins "France",  que quand ils étaient assurés par un monopole, elle est vraiment originale. Mais trés nostalgique.

Et c'est quoi cette histoire de "touche 0" : il se prend pour Ben Laden ?

Alors que partout on nous met en avant les "clients" (voir par exemple les efforts de Guillaume Pepy à la SNCF), cette thèse qui veut revenir aux "usagers", n'est-ce pas un peu revenir en arrière ?

Pour mieux comprendre où veut en venir François Bayrou (supprimer SFR, Bouygues, et tous ceux qui lui font des misères avec les touches 5, 3 et 0 ?), on a ce paragraphe :

" Nous prétendons que les services publics doivent répondre à une exigence publique, définie par la loi et le débat démocratique, évaluée, bien sûr, dans ses résultats. Mais nous ne voulons pas qu'on réduise cette mission de services à la marketisation, comme ils disent".

On ne perçoit pas encore clairement ce que cela pourrait signifier. On a bien compris que tout ce qui parle de marché, il aime pas.

Espérons qu'entre temps, il ne finira pas comme ça ::

 

Commentaires

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.