Le théâtre du Comité de Direction
27 mars 2009
Passez un moment en tête-à-tête avec un membre d'un Comité de Direction, et parlez-lui du comportement du Président en Comité de Direction.
Combien de fois entendrez-vous comme réponse : "Le Président parle trop !".
Cela parle tout autant du Président que des membres du Comité de Direction.
On en connaît un autre, dont j'ai parlé ICI.
Les réunions du Comité en question commencent toujours pareil : le Président ouvre la séance par un exposé d'introduction. Il a prévu quelques minutes, il parle pendant une demi-heure ou plus.
Puis va intervenir le Directeur Financier, poste particulièrement sous les feux de la rampe en ces temps de turbulence économique.
Là encore, le test : soit le Directeur Financier va enchaîner sur une présentation structurée, écoutée par tous, soit le Président va couper cette intervention au bout de quelques phrases et reprendre la parole pour un quart d'heure.
Les autres membres du Comité ne vont peut-être pas intervenir du tout, et ressortir encore plus frustrés. Ou bien, autre alternative, ils vont être soumis à un jeu de questions du Président pour tester et mettre la pression sur ses Directeurs. Technique plus vicieuse, mais pouvant être vécue par les collaborateurs comme aussi humiliante.
A écouter ces anecdotes, on se prend à imaginer l'entreprise comme un lieu infernal où, bien que personne n'en parle, le jeu du Comité de Direction est celui d'un forum où un genre plus ou moins grave de sadique qui détient le pouvoir utilise celui-ci pour déstabiliser et abaisser ses collaborateurs...
Y-a-t-il d'autres de façons d'exercer le pouvoir dans un Comité de Direction ? Est-ce que le management moderne, la pression de la crise, l'exigence de pouvoir prendre des décisions rapidement, nous impose ce genre de théâtre ?
On aimerait bien croire que non, quand même.
Un coach, un DRH à l'écoute et prêt à aider, un consultant, peuvent être de bons alliés pour aider dans ce genre de situations. Encore faut-il que le Président qui parle tant ait envie d'écouter et le désir de changer....Pas facile.
Et puis, il y a plein de contre exemples, où les membres du Comité de Direction louent au contraire les capacités d'écoute, de maîtrise de la communication, de choix des mots, d'organisation des réunions par le Président.
Certains parlent à voix assez basse : cela empêche les chuchotages (que l'on entend trés fort dans ce genre d'ambiance feutrée).
D'autres se maîtrisent et s'interdisent les discours fleuves qui saoulent l'assemblée.
L'efficacité de ces comités se mesure aussi à la capacité à prendre des décisions.
Quand le Comité hésite, n'arrive pas aux décisions, le Président qui décide vite devient un atout pour l'entreprise, et cela peut aussi se faire au détriment du dialogue entre les membres du Comité.
Par contre, quand c'est le Président lui-même qui n'arrive pas, qui n'aime pas, décider, préférant laisser s'instaurer un dialogue sans issue entre ses Directeurs, l'efficacité en prend un coup.
Pire encore les situations que l'on pourrait caractériser d'"indiscipline", où la décision que l'on croyait avoir fait prendre lors du Comité du lundi n'est pas suivie d'exécution, ou est remise en cause au cours d'une réunion le mardi ou le lundi suivant. Rien de plus inefficace que ce "Président qui parle trop" et que personne n'écoute, ou à qui personne n'obéit.
Le "¨Président qui parle trop" peut donc aussi signaler le Président de ceux "qui ne disent rien, ne décident rien, n'ont pas d'avis"...Et dans ce cas, ce que met en évidence la situation, cela peut être aussi un dysfonctionnement du Comité de Direction, et une erreur de casting des membres de ce comité. Une sorte d'incapacité à l'engagement, un manque de responsabilisation.
Et le talent du Président pour résoudre ce dilemne ne consistera pas à augmenter son temps de parole et de décider tout tout seul, mais à imaginer d'autres modes d'animation, qui permettront d'inspirer les membres de son comité, et, comme le dit l'adage, de "faire faire des choses extraordinaires à des gens ordinaires". Et c'est d'autant plus nécessaire que nous sommes entourés de ces "gens ordinaires", et que même les Présidents en font partie (alors que nombreux sont ceux qui croient qu'ils font partie des gens extraordinaires, voire qu'ils son les seuls de cette catégorie dans leur propre entreprise).
En fait, écouter les ressentis et les feedback sur les comités de Direction, soit par le dirigeant, soit par ses collaborateurs, c'est écouter en creux les dysfonctionnements de ces comités et les problèmes, toujours les mêmes, de communication.
Encore un moyen de réfléchir à l'éternelle question : bien communiquer, ce n'est pas bien parler (et encore moins trop parler), mais bien écouter.