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Le but du Management 2.0 : retour de l'humain

Humaine  Tout est 2.0 en ce moment, et ce depuis quelque temps. C'est comme si "2001, Odyssée de l'Espace", pour le management, on y était.

Oui, mais ça ressemble pas du tout à "2001, Odyssée de l'Espace" justement.

J'avais déjà parlé du dernier livre de Gary Hamel, "the future of management", qui s'est fait le gourou de ce management à la nouvelle mode.

Il remet ça dans un article de Harvard Business Review de Fevrier, en listant ce qu'il considère comme les 25 plus grands challenges du management.

En synthèse, il résume le tout par une formule simple :

"Le but du Management 2.0 est de rendre toute organisation aussi génialement humaine que l'est toute personne qui y travaille".

Cela demande un peu d'explication.

Depuis des décennies, le management, celui qu'on a appris dans les écoles de management, celui que les les consultants ont appris à "reengeneerer", ça consistait à mettre les process au carré, à contrôler, à organiser, à mettre de l'ordre, des procédures, des organigrammes, des responsabilités, des fiches de poste, des systèmes de contrôle de gestion, etc...

C'est à dire, pour faire court, à dompter les personnes humaines, dont la tendance naturelle, on le sait bien, c'est le bazar, le désordre, la créativité, etc...

Et ça a bien marché : la productivité s'est améliorée, les hiérarchies ont bien fonctionnées (enfin, presque, sauf parfois dans les salles de marché de certaines banques).

Aujourd'hui, bien sûr, il ne s'agit pas de remettre du désordre, de supprimer tout contrôle (surtout dans les banques en question).

Non, mais il s'agit, selon Gary Hamel, d'ajouter ce qui est bien dans l'humanité des personnes (et, par la même occasion, de lâcher quand même un peu les contrôles et les rigidités qui ne servent à rien).

"Car les êtres humains sont en général adaptables : regardons les milliers de gens qui traversent les frontières chaque jour pour trouver un nouveau travail, qui retournent à l'école pour acquérir de nouvelles compétences, et ceux qui changent de métier en milieu de carrière."

"Car les être humains sont innovants : chaque jour, des millions de gens postent des articles sur des blogs, inventent de nouvelles recettes de cuisine pour les repas de famille, écrivent des poèmes, redécorent leur maison".

"Car les êtres humains ont l'esprit de communauté, d'équipe :  prenons toutes les personnes que nous connaissons qui s'investissent dans des associations, font les courses pour aider une voisine âgée, etc..."

Alors, Gary Hamel se demande pourquoi nos entreprises, prises dans la course aux technologies, se sont tant éloignées de ces valeurs.

Alors que les théories du management d'hier allaient contre les tendances humaines naturelles, les besoins des entreprises et du management aujourd'hui sont exactement l'inverse : rendre l'entreprise, et ses collaborateurs, adaptables, innovants et avec l'esprit de communauté, c'est tout simplement remettre l'humain au coeur du management.

Rendre les organisations plus humaines, voilà un joli message pour carctériser le Management 2.0,, et facile à retenir.

Reste à trouver les changements et transformations à mettre en oeuvre, y compris dans les projets de restructurations, pour rendre tout ça réel.

On peut commencer par les 25 challenges de Gary Hamel, ICI, avec un questionnaire d'autoévaluation en ligne.


Discernement

Discerner2  Dans l'entreprise, prendre des décisions, c'est pratique courante. On analyse, on pèse les options, on choisit, on décide. Sans parler du consultant, qui est sur la sellette pour fournir des analyses et des "recommandations", puis des plans d'actions.

Certains croient que tout ça relève de processus rationnels, où l'on applique des critères de choix objectifs, qui vont justifier, légitimer, les décisions.

Ceux qui sont vraiment confrontés à ces situations savent qu'il n'en est rien.

Souvent, nos décisions sont fortement influencées par des phénomènes dont on a plus ou moins conscience : l'habitude ("on a toujours fait comme ça !"), ou bien nos sentiments vis-à-vis des autres ("voici un choix qui plaira à mon chef, et qui minimise le risque"), ou bien les influences ("untel est de tel avis, je décide de dire comme lui").

Pour bien choisir, bien décider, on peut aussi évoquer le bon sens,notre intuition, et enfin une faculté particulière : le discernement.

Ce discernement, ce sens des situations, il nous ramène trés loin, puisqu'il constitue la recherche principale de Saint Ignace de Loyola, fondateur de l'Ordre des Jésuites.

Développer et savoir pratiquer cette faculté de discernement, c'est aller chercher les réponses à l'intérieur de soi.

Quand je me trouve face à une décision, à un choix, à l'appréciation d'une situation, à l'analyse de ce que me dit mon interlocuteur, qu'est ce qui me permet de répondre ? C'est un jeu d'influences intérieures qui s'agite en moi. C'est précisément en allant sereinement explorer ce qui se passe ainsi en moi que Saint Ignace de Loyola nous enseigne l'art du discernement.

Cette attitude, que Saint Ignace de Loyola applique à sa recherche spirituelle, elle peut aussi nous être utile dans nos pratiques de management et de pilotage des entreprises.

C'est à cette transposition que se sont livrés deux auteurs, Laurent Falque et Bernard Bougon, dans "Pratiques de la décision - Développer ses capacités de discernement". Bernard Bougon est un jésuite entré à la Compagnie de Jésus où il a le sentiment d'avoir eu "une illumination" en faisant l'expérience du discernement, et en allant étudier ce "don du discernement" exploré par Saint Ignace de Loyola dans ses "Exercices Spirituels".

Ce que nous apprend cette réflexion, c'est que comprendre les autres, trouver les bonnes réponses, mener les bonnes analyses, c'est d'abord se connaître soi-même, connaître ses finalités, être à l'écoute de soi. Pour comprendre cet iceberg que l'on perçoit chez les autres, il faut d'abord comprendre son propre iceberg.

Pour pouvoir trier parmi les informations, savoir hiérarchiser, identifier les options, il faut d'abord savoir trier en soi-même.

Une question fondamentale, c'est : quelle est ma finalité ? Et si je parle de mon entreprise, de mon groupe de projet, de mon équipe, cette notion de finalité est essentielle. Or, aujourd'hui, la tendance est forte de ne parler que d'objectifs, comme si la vie des entreprises et des communautés humaines qui la constituent n'étaient qu'une somme d'objectifs qui se juxtaposent et dont on mesure le succès à l'aide d'indicateurs : objectifs de profit, objectifs de performance, objectifs commerciaux, etc...Nous sommes chaque jour plongés dans ce monde des objectifs. Mais nous ne savons plus pourquoi nous poursuivons ces objectifs. Alors notre jugement se trouble, parfois nous sommes découragés. Parfois nous doutons.

La finalité, la nôtre et celle de ceux que nous rencontrons, elle exprime une envie, un désir, qui va plus loin que cette notion un peu sèche d'objectifs. Et ceux, entreprises ou individus, qui n'ont plus de sens ou de stratégie sont encore plus aveuglés, et ont beaucoup de mal à faire acte de discernement.

Et face qux questions qui se présentent à nous, aux choix que nous devons faire, aux décisions à prendre, ceux qui sont conscients et guidés par une finalité bénéficient d'un discernement supèrieur.

Laurent Falque et Bernard Bougon essayent, dans leur pratique, de nous apprendre à développer nos capacités de discernement en cinq étapes, correspondant chacune à une question, plus profonde qu'elle n'en a l'air a priori :

Quelle est la question du choix ? (de quoi je parle, par rapport à quelles finalités ?) Comment retrouver davantage de libre arbitre ? (ne pas me laisser emporter par des influences faciles ou néfastes, mes pulsions, mes démons), Quel mode de délibération adopter ? Comment confirmer le choix ? Comment mettre en oeuvre la décision ?

C'est vrai que l'on peut avoir tendance à mélanger parfois la question et des éléments de délibération (qui mettent en avant une réponse que je préfère à une autre). Ce que nous enseigne Saint Ignace de Loyola, repris par ces deux auteurs, c'est de se mettre dans la disposition d'"éprouver de la sympathie pour chacune des options qui se présentent", ce que certains appellent aussi la "suspension de jugement".

Cette disposition c'est aussi la bienveillance, l'écoute attentive des situations, et l'écoute de tout ce que cela évoque en moi, sur mon passé, mes valeurs, et d'aller puiser dans cette écoute des éléments sincères de délibération et de choix.

Pour faire confiance à cette délibération, notre intuition, les auteurs nous propsent de nous livrer à une introspection pour "neutraliser les attracteurs qui sont en nous", ces mauvais conseillers, nos démons.

Une fois le choix révélé, reste à décider, car "le choix n'est pas la décision" : pour décider il nous faut nous exprimer, trouver les mots qui correspondent. Et puis, encore un enseignement de Saint Ignace de Loyola, confirmer notre choix, c'est à dire sentir que  ce choix est conforme à nos finalités, à notre éthique, à ce que nous voulons être. Sentir que l'on fait des choix en ligne avec nos aspirations profondes est une expérience de liberté et de satisfaction, alors que les choix et décisions que nous prenons "contre" nous rendent malheureux et laissent un goût amer.(le fameux "si j'avais su..." , mais on ne sait jamais, d'où la nécessité d'assumer les choix en fonction de notre éthique, et non des phénomènes externes).

Cette réflexion sur le "discernement" et son exploration comme une "expérience", c'est le bon moment de s'y mettre : en ce moment, nous allons connaître, dans nos entreprises, et dans les mandats qui vont être confiés aux professionnels du Consulting,  des situations originales et sophistiquées, perdre certains repères (la croissance n'est plus là; les choix se font dans l'incertain);

 Raison de plus pour retrouver une attitude responsable, d'éviter de nous laisser emporter par les passions funestes, et ne pas répéter les solutions d'hier comme des perroquets sans cervelle. C'est d'innovation, d'idées nouvelles, d'écoute bienveillante, dont nous allons avoir besoin.

Ceux qui auront le savoir-faire, et surtout le "savoir-être", du discernement seront peut-être ceux qui passeront cette pèriode agitée en saisissant les maximum d'opportunités.

Souhaitons nous cette capacité de discernement.

Et lisons Saint Ignace de Loyola, puis Laurent Falque et Bernard Bougon, pour la développer.


La performance commerciale, une histoire d'argent ou d'amour ?

Dating  En ce moment, ça remue pas mal dans les entreprises sur le sujet : VENDRE ! (pas vendre l'entreprise, quoique, mais vendre des produits, des services, signer des commandes, des contrats).

Dans le consulting, c'est la panique dans certains endroits. La réunion du Syntec à laquelle j'assistais cette semaine ne faisait que le confirmer : tout le monde cherche les meilleures façons pour booster le Business Development, pour amener les managers et directeurs à vendre plus de missions, et tout de suite si possible.

David Maister a déjà recensé dans ses articles (notamment ICI) les multiples méthodes pour y arriver qui sont souvent utilisées par les firmes, et qui ont un point en commun : elles sont la plupart du temps inefficaces.

En clair, les méthodes dont on parle, cela consiste à proposer de l'argent aux managers pour qu'ils vendent du business. J'ai entendu qu'une firme de services professionnels aux abois était en train de proposer des primes spot à tout salarié qui lui trouverait le plus vite possible un client qui est prêt à acheter tout de suite des consultants, quel que soit le sujet !!!

Imaginons cette situation : considérer que la seule motivation suffisante à agiter est de promettre une récompense financière immédiate pour que le client signe, cela veut dire que moi, manager, je vais me motiver à vendre quelque chose, dont je me moque totalement, à quelqu'un (un "client") qui n'est pour moi qu'une machine à cash...Comment appelez-vous, dans la vie courante, ce genre d'individu ? Oui, on pourrait dire que c'est un prostitué !

C'est pourtant dans ce rôle pas trés honorifique que ceux qui s'énervent sur les ventes de façon aussi obscène voient leurs collaborateurs.

Peut-être existe-t-il des activités professionnelles qui fonctionnent comme ça (personnellement j'en doute, et quand je me trouve la victime potentielle de ce genre d'approche commerciale, j'ai tendance à m'enfuir en courant) mais dans le secteur des services professionnels et à valeur ajoutée (comme le conseil par exemple), c'est complètement contre-productif.

En fait, ce qui fait que le business developpement est efficace c'est quand je suis personnellement fortement motivé à aider mon client, et à lui proposer un service que j'adore délivrer, sur lequel j'adore réfléchir et innover..

Le message de David Maister est trés simple, et tellement juste : on ne fait bien que ce que l'on aime bien faire.

Et puis le développement, c'est comme une histoire romantique, ça demande du temps. Pour séduire les clients que l'on a envie de servir , il faut savoir leur montrer que l'on s'intéresse sincèrement à eux, avoir des attentions particulières, et aimer ça.

C'est pourquoi, en mettant trop fort l'accent sur la signature d'une vente, avec de l'argent à la clé, on décourage probablement d'autres activités plus liées au Marketing, telles que la recherche d'idées innovantes, l'animation de séminaires, l'écriture d'un bon article dans une revue, la communication,...Tout ça n'apparaît pas dans la rémunération strictement liée aux ventes. C'est pourtant un facteur clé de différenciation, et oublier le marketing pour se limiter à une machine à vendre, c'est un peu la technique du dragueur un peu trop entreprenant qui cherche à arriver à ses fins un petit peu trop rapidement, et qui se prend veste sur veste dans les soirées où on le repère facilement.

Un autre inconvénient de ces systèmes de primes commerciales improvisées en catastrophe, c'est qu'elles sont rarement un moyen pour transformer en vendeur hors pair ceux qui ont du mal à être performants, et qu'elles ne vont la plupart du temps que récompenser ceux qui sont déjà trés perfoormants et qui l'auraient été tout autant sans cette prime.

Alors, bien sûr, certains vont peut-être répliquer que tout ça, c'est pas leur truc, qu'aucune problématique particulière ne les intéresse, que tous les clients les indiffèrent, et que la motivation par l'argent est leur seul moteur. (j'ai déjà évoqué ce genre de personnages).

D'autres pensent qu'il suffit de faire semblant, de faire croire qu'on adore le client, alors qu'on ne pense qu'au fric. Ouais, mais malheureusement la plupart sont de mauvais acteurs, et on voit clair à travers leur numéro trés facilement (il suffit de se remémorer les occasions où nous avons subi ce genre d'individu en tant que "client" "pigeon" potentiel...).

David nous conseille d'éviter d'avoir, dans nos équipes, trop d'individus de ce genre, qui feraient mieux de chercher un autre job où ils seront motivés vraiment.

Alors, pour développer le business dans ces temps difficiles, David nous confirme qu'il n'est pas nécessaire d'apprendre aux collaborateurs à vendre, ni de monter les enchères sur les primes.

Il faut, au contraire, trouver, partner par partner, manager par manager, quel type de business le passionne, quel type de client il a profondément envie de servir.

Car avec la passion, on le sait tous, on fait des miracles.

Et quand on aime,...oui,....on ne compte pas !