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Les branches, les racines, et le roseau

Chene  Passer deux heures avec un dirigeant d'entreprise pour parler de stratégie, écouter sa vision, ses interrogations, ses rêves, ses intuitions, c'est un exercice que j'adore.

En faisant cette expérience hier, il m'est venu une image utilisée par Marc Giget dans un ouvrage de 1998, "la dynamique stratégique de l'entreprise".

C'est l'image de l'arbre, comparé à l'entreprise.

Les racines de l'arbre représentent tout ce qui est profond, les fondations, c'est à dire les valeurs, la culture, l'histoire, l'ancrage territorial, les compétences et savoir-faire fondamentaux.

Le tronc et les branches, ce sont l'organisation, les process, les fruits, les produits de l'entreprise, tout ce que l'on distribue à l'extérieur,

Cet arbre, il peut être regardé de haut en bas, mais aussi de bas en haut.

Et quand un Président vous parle de son entreprise, il est intéressant de suivre son regard, d'observer si il va de haut en bas, ou de bas en haut, et quels mouvements se produisent pendant la conversation.

Avec ces racines-là, quels services, quels produits, puis-je fournir ? Quelle stratégie puis-je exécuter ? Et si je parle diversification, ou changement de stratégie, est-ce ou non en contradiction avec ce que mes racines me permettent de faire.

Et si mes branches me semblent fragiles, n'est-ce pas parce que j'ai oublié de m'occuper de mes racines ?

Dans cette image du chêne, forcément, on passe à la fable du "chêne et du roseau".

Cette fable, elle nous dit combien ce roseau dont le chêne se moque, qui représente tout ce qui est faible, pas résistant, devient le héros de la fable lorsque souffle la tempête, que surgit le grand vent. Le chêne est déraciné, et le roseau résiste (il plie, mais ne romps pas)...

Mon interlocuteur d'hier évoquait ainsi combien la préservation de l'emploi constituait une des racines, et que, si la crise devenait trop forte (grand vent ?), la perte de cette "racine" serait un rude choc pour le chêne.

Oui, parler de son entreprise, en ce moment, c'est aussi soigner ses racines, et ne pas trop se moquer de son roseau, ses faiblesses apparentes, qui sera peut-être notre force, notre capacité d'adaptation, par grand vent.


Le lion et l'antilope

Lion  Aprés la forme, le fond.

Dans cette plongée dans la machine à idées, j'ai pu observer et écouter les employés et experts rassemblés pour imaginer la marque Employeur de cette entreprise multinationale. La question était simple : "Comment faire de cette entreprise la plus admirée ?"..

Une remarque d'un expert interrogé m'a particulièrement marqué.

Les entreprises et les DRH croient que pour être admiré et avoir une marque employeur forte, il faut en faire un maximum : slogans, pubs, dire et redire combien on est génial, etc...

Pourtant, en faire trop ne donnera pas de vrai résultat.

En tant qu'employé, ceux que je vais écouter, et croire, en premier, pour savoir ce que peut m'apporter une entreprise, ce sont d'abord mes pairs, ceux de ma génération, mes amis, les amis de mes amis, qui travaillent dans cette entreprise.

Ce sont donc ces amis, ceux qui sont dans l'entreprise, qui sont les meilleurs "vendeurs" de l'entreprise et de sa "marque employeur". Et c'est donc le premier public à viser, avant toute forme de communication externe.

Mais il ne faut pas en faire trop car la relation entre l'employé et l'employeur, c'est celle du lion et de l'antilope. Il faut que le lion chasse pour avoir le plaisir de conquérir l'antilope. Il faut que le candidat soit comme ce lion, qu'il ait besoin de chasser pour avoir envie de cette antilope. Et non qu'il trouve celle-ci prête à être mangée sans effort.

Il faut donc que les candidats aient trés faim d'entrer dans l'entreprise, et qu'ils sentent que c'est difficile, qu'ils aient envie de la chasser. Il faut donc éviter, pour l'entreprise, de trop chasser les candidats; c'est l'inverse qui est bénéfique.

Il faut se faire rare, que l'entreprise soit "attractive" mais mas désespérée de vous..

Bien sûr, cela demande de savoir se faire comme cette antilope, avoir des caractéristiques visibles et convaincantes.

Alors, pour devenir un employeur de référence, ne nous trompons pas d'animal.

Soyons l'antilope qui excite les candidats lions, et non l'inverse...

Oui, cette machine à idées était pleine de bonnes idées, je vous l'ai déjà dit.


Machine à idées

Brainshaping J'ai participé cette semaine à un projet avec une "machine à idées" avec Brainstore.

Cette entreprise de jeunes propose à ses clients un process de "génération d'idées" selon un process structuré et particulièrement convaincant. Dans un bâtiment "industriel" équipé spécialement pour ce genre d'exercice.

Le projet concernait la recheche d'idées pour rendre une entreprise mondiale (400.000 employés dans le monde) "la plus admirée"; l'objectif, c'est la "marque employeur", attirer et garder les meilleurs talents.

Dans la machine à idées 90 personnes réunies: des collaborateurs de l'entreprise, venus de tous les pays du monde, des chinois, des indiens, des américains, des australiens, des africains,...Et de toutes générations : certains sont dans cette entreprise depuis trente ans, d'autres depuis trois mois.

Et puis des jeunes, de 18 à 25 ans, la prochaine génération captive pour cette entreprise.

Et puis des "free thinkers" et des experts de tous horizons (comme moi).

Nous étions 90 personnes en jean et baskets dans cet entrepôt; jamais assis, confrontés à des exercices de créativité en tous genres, à courir partout (comme le disaient les facilitateurs de Brainstore : "speed, speed, speed"). Car pour créer des inspiratiosn et des idées, il faut aller vite, ne pas s'endormir,...

On était servis.

Et puis vient le moment où  Brainstore nous emmène dans l'"Idea City", en ayant mis en scène toutes les inspirations. Là, nous allons formuler toutes les idées pour créer la "marque employeur" de rêve pour l'entreprise.

A la fin de la journée, nous avions tous collectivement émis 9.500 inspirations (morceau d'idées) et...550 idées, que l'on retrouve fixées avec des pinces à linge, sur des cordes à linge, sur des dizaines de mètres..Bien sûr, à ce stade, il y a surtout de la quantité, mais là-dedans se cachent les quelques idées originales qui font faire "tilt".

Faire le tour de ces idées; lire toutes les propositions qui sont sorties, de quoi être bluffé !

La directrice des RH de ce Groupe mondial faisait le tour avec excitation.

Ensuite les idées sont triées, analysées par des experts, ...jusqu'à ce que la "machine" et ce process vous sorte les 20 meilleures.

Cette usine facture ses services en fonction du nombre d'idées que vous souhaitez produire, comme une vraie usine industrielle, que vous vouliez une idée pour, à titre privé, donner un nom à votre hamster (vous l'avez pour 20 €) ou bien pour être "l'entreprise la plus admirée", un peu plus cher.

Ses services peuvent être loués et intégrés dans tout projet pour lequel on cherche des idées.

Et les résultats font vraiment la différence.

Alors que tous les articles et bouquins racontent la même chose, que toutes les entreprises, avec l'aide des mêmes agences de communication, racontent les mêmes messages en tentant vainement de convaincre les jeunes de venir chez elles, cette démarche apporte des idées nouvelles et vraiment originales.

Et puis, cette expérience tombait le jour du discours d'Obama. A 18H00, on a fait la pause.

Tous devant CNN : les yeux sont tournés vers l'orateur; concentration de cette assemblée de représentants de tous les pays du monde, une sorte de ferveur parcourt le groupe.

Et puis l'on est retourné trouver des idées pour que cette entreprise mondiale soit la plus admirée, influencés par ces paroles d'évangéliste.

Il y a dans chaque vie des journées et des moments dont on sait qu'on s'en rappellera toute notre vie.

Ce moment de "machine à idées" sur fond d'investiture d'Obama en sera probablement un pour tous les participants qui étaient là avec moi ce jour là. Il m'a inconstablement fortement marqué.

Ce genre d'expérience nous fait prendre conscience que le temps où, pour trouver de l'inspiration et des idées, on utilisait la méthode des réunions et comités divers, ou bien des "focus groupes" qui discutent, c'est le temps de l'artisanat.

Des méthodes industrielles existent aujourd'hui, et ceux qui en comprennent l'efficacité vont être de plus en plus nombreux, y compris dans le management et les ressources humaines.


Les "Mais pas trop"

Mortsvivants3  On pourrait les appeler les "Mais pas trop". Qui sont-ils ?

Ce sont ces personnes qui ont construit leur comportement sur une sorte de "détachement" les faisant considérer que tout ce que l'on pourrait appeler "engagement" ne relève que de l'aliénation, et ne peut mener qu'à "se faire avoir".

Dans l'entreprise, cette attitude est particulièrement analysée en ce moment par de nombreux "sociologues" qui, à coup d'enquêtes et d'interviews, renvoient ce miroir.

Le Figaro Magazine exploitait ce filon la semaine dernière dans son dossier " Bien dans sa vie en 2009". Avec forcément un article, signé S.R (Ségolène Royal ?!! ...Non, j'ai trouvé quelques pages avant que c'était plutôt Sophie Roquelle) sur : "Le bureau, mais pas trop". Et appelant à commenter François Dupuy, professeur à l'Insead. Il avait déjà traité en 2005"la fatigue des élites", et annonce pour cett année "Le nouveau combat des chefs : la vie quotidienne des entreprises au XXIème siècle" (il ne se mouche pas du coude, comme on dit, l'ami François, avec un titre pareil !).

François Dupuy nous le redit donc : " Les jeunes cadres ne placent plus leur vie professionnelle au-dessus de tout." "Ils transfèrent leur engagement affectif vers des causes plus nobles". etc...

Bien sûr, en utilisant une formule comme "au-dessus de tout" (de tout quoi ???), on ne risque pas d'attirer les suffrages...Mais y-a-t-il encore une signification à cette expression "au-dessus de tout" ? Ok, ils ne mettent pas leur vie professionnelle "au-dessus de tout", mais, précisément, ils mettent quoi au-dessus de tout ?

En fait, ces propos de magazines et d'enquêtes diverses ne me semblent pas aller au fond des choses, ni refléter la situation réelle des entreprises (ce qui est normal, la plupart de ces auteurs ne mettant jamais les pieds dans la moindre entreprise, et n'ont jamais connu l'expérience concrète du management, ni en tant que manager, ni même managé. Leur seule référence c'est l'Université ou les Directeurs de Recherche du CNRS....c'est dire !!).

Cette attitude de "désengagement" elle caractérise des individus qui se "désengagent" de beaucoup de choses : "le bureau, mais pas trop", mais aussi "ma mère, mais pas trop", "mes amis, mais pas trop", "bien manger, mais pas trop", "toi, toi, l'Autre, mais pas trop",...et ça finit par devenir à l'intérieur "Moi, mais pas trop"...Une dépreciation de soi-même, un manque de confiance en soi, une méfiance générale, la peur de s'engager, la peur de tendre la main, la peur de tout. J'avais déjà évoqué les "désengagés de l'intérieur".

Comme si accepter de vivre sa vie pleinement, à chaque instant, en toute occasion, c'était interdit, mauvais, pas digne de soi, .... Alors on passe sa vie à l'économiser, de "mais pas trop" en "mais pas trop"...Et on connaît, malheureusement, la fin d'une telle histoire de vie. Et même si l'on considère que cette attitude est réservée au temps passé dans l'entreprise, est-ce si sûr ? Vivre, c'est un tout.

Alors, bien sûr, l'entreprise, le lieu où la plupart passe l'essentiel de leur temps, c'est le lieu idéal pour exprimer et se complaire dans cette attitude.

Derrière cette attitude, il y a une conviction que "donner" (son temps, sa joie, son enthousiasme pour les autres, et pire, pour le patron,..) c'est se trahir.

Le pire pour l'entreprise c'est que ces attitudes répondent à une autre attitude, celle des "managers", qui eux, ne "recevant" pas assez de leurs collaborateurs, vont, eux-aussi, en "donner" le moins possible, se plaignant eux-mêmes que leurs chefs à eux ne leur donnent pas assez non plus; c'est une chaîne sans fin :

Tu es là pour exécuter les tâches que je te demande. moi le manager, et je n'ai pas à recevoir tes états d'âmes...Le management, vu froidement par la technocratie, c'est "je décide, tu exécutes".

Et dans les entreprises où ces comportements se répandent du haut en bas de la hiérarchie, que constate-t-on ?

Une paralysie générale, des comportements agressifs, le manque d'enthousiasme, la perte d'idées, le manque d'innovation, la routine, l'ennui....Et de plus en plus de "Mais pas trop", qui se reproduisent entre eux, comme le défilé des "morts vivants"...Brrrr...

Pour essayer d'apporter une réponse, certains "experts" ont trouvé une formule : "la promesse employeur"...

Les auteurs qui ont creusé la question proposent de mieux formaliser des "règles mutuelles d'engagement" dans un "contrat employeur qui servira de socle à la confiance"...

Peut-être...

Mais, honnêtement, peut on imaginer que la confiance, l'engagement, la transformation des morts vivants "Mais pas trop" en collaborateurs engagés se règlera par des paperasses de "contrat" et de "promesses"..? Difficile à croire, non ?

Ce qui manque en fait dans ces relations entre ceux qui ne veulent pas trop donner, et ceux qui trouvent qu'ils ne reçoivent pas assez, c'est une valeur trés spirituelle, qui nous bient de loin :

C'est la générosité.

Cette générosité, c'est l'huile qui fait faire des miracles (pour rester dans la métaphore spirituelle) aux communautés humaines qui en sont imprégnées (comme une grâce)..C'est un ingrédient fort de l'esprit d'entreprise.

Regardons autour de nous : combien les personnes que nous décrivons comme "généreuses" nous semblent heureuses, heureuses de donner sans compter ce qu'ils reçoivent.

Et combien ces "Mais pas trop" nous semblent malheureux et à moitié morts...sans joie...quel que soit l'objet de leur "mais pas trop" (l'entreprise ou autre).

Cette générosité, ce n'est pas la vanité de se croire irréprochable, et d'être exigeant, intolérant vis à vis des autres; avec un tel état d'esprit d'intransigeance, on est toujours déçu des autres et de soi-même...on recherche en vain la perfection inatégnable ...des autres et de soi. Non, cette générosité, c'est aussi celle qui fait accepter, qui accueille comme une bonne nouvelle les faiblesses des autres, et ses propres faiblesses, comme un signe d'humanité, comme un pardon que l'on fait à l'autre et à soi-même.

Mais il est certain que se donner comme programme de faire se déployer et reproduire de la générosité dans son entreprise et dans sa vie, c'est une autre paire de manches que de faire des "contrats" et des "promesses employeur". C'est plus difficile que de verser des larmes de crocodile dans des exposés sociologiques...

Cela relève plus de l'expérience individuelle, de décisions personnelles, de valeurs personnelles de la transmission de valeurs entre les personnes, du respect. Si tout ça a l'air défaillant dans l'entreprise, inutile de chercher bien loin : ça vient d'abord du dirigeant, des membres du comité de Direction, des managers...Etc...Comme les animaux malades de la Peste, "ils ne mourraient pas tous; mais tous étaient frappés"...

Et pourtant, il est trés difficile de rendre performante une entreprise, qui est d'abord une communauté humaine avec ses interactions, sans cette dose de générosité. C'est elle qui fait que les savoirs et les idées circulent dans l'entreprise, que les informations s'échangent, que les équipes solidaires existent, que les ambitions déplacent les montagnes. Comment peut on imaginer d'implanter le moindre système de "knowledge management" sans générosité partagée ?

On en revient aux "valeurs" de l'entreprise qu'il est de plus en plus difficile de faire prendre au sérieux par des personnes qui ont remplacé celles-ci par la désinvolture et le cynisme. Les premiers menacés par ces démons étant souvent en priorité les dirigeants eux-mêmes. Les cadres dont parlent les magazines ne faisant que reproduire ces comportements.

Il est donc parfois nécessaire de lancer un programme de "reengeneering des valeurs" de l'entreprise pour pouvoir repartir, et redonner de l'élan, le goût du risque, et la volonté de croissance.

Joli programme , non ?

Cela commence par une question simple et personnelle pour chacun .. Je vous laisse la deviner...

Résultat du sondage :

L'entreprise que j'admire, elle est comment ?

17.56% Elle me manifeste de la reconnaissance
16.21% Elle me paye bien
18.91% Elle fait de moi quelqu'un d'exceptionnel
28.37% Elle m'inspire
8.1% Je n'en admire aucune : toutes les mêmes
10.81% Elle est pour le Développement Durable


74 personnes ont répondu à ce sondage

Être inspiré, se sentir quelqu'un d'exceptionnel, voilà un beau challenge pour l'entreprise qui veut séduire...