La vie en vrai
Les oreilles de Mickey

Le monde est flux

Flux  Ce mois-ci, Le Monde publie un Hors Série sur "L'atlas des migrations" passionnant.

On y découvre, au travers d'articles fouillés et de cartes très parlantes, réalisées par l'Atelier de cartographie de Sciences Po, un panorama des mouvements, et des rencontres, au fil de l'histoire, des populations, des cultures, des hommes.

Ce vaste panorama permet notamment de comprendre combien le mouvement, la mobilité, sont les vraies caractéristiques de notre monde moderne.

Un chiffre : Les hommes nés dans un autre pays que celui où ils sont nés représentent 3% de la population mondiale (contre 2% il y a quarante ans), soit 191 Millions de personnes (qui constitueraient ainsi le cinquième pays du Monde).

A noter, l'article de Michel Le Bris, en introduction à la présentation des "migrations historiques", ces "routes de la soie", "routes de l'étain", "routes des fourrures",...Ces "routes", ce sont des rencontres entre les civilisations, des mélanges.

Ce que nous dit Michel Le Bris, c'est simplement que l'homme s'est enrichi dans l'échange.

" Au long de ces routes des civilisations sont nées, se sont transformées, parfois sont mortes, avant de renaître, différentes. Et si elles restent mythiques, charrient toujours nos rêves, nos nostalgies, c'est bien parce qu'elles furent, siècles après siècles, les artères par lesquelles circula la vie...

Ces réflexions rendent particulièrement obsolète toute pensée qui s'obstinerait à voir le monde en termes de structures, d'organisations, d'Etats, de nations, toutes ces entités soit disant stables.

Au contraire, c'est d'une "pensée nomade" dont nous avons besoin pour comprendre et penser en termes de flux: flux de populations, flux de capitaux, flux d'images, ...

On retrouve cette thèse dans l'ouvrage d'un enthropologue américain d'origine indienne, Arjun Appadurai, "Aprés le colonialisme - Les conséquences culturelles de la globalisation".

Et, paradoxalement, la globalisation, dans cette analyse, n'est justement pas le monde où tout le monde ressemble à tout le monde, où les différences disparaissent. Au contraire nous dit Michel Le Bris :

"..le temps est venu des identitées plurielles quand chacun, et de plus en plus, se trouve mis en demeure d'avoir à assumer des strates identitaires mouvantes, diverses - autrement dit d'avoir à inventer un "récit personnel" articulant en une forme cohérente cette multiplicité.

On nous prédisait un monde uniformisé, c'est le contraire qui semble s'annoncer, malgré les intimations de la "bonne pensée". En cette période de diabolisation de tout ce qui suggère une connivence avec la mondialisation, il devient en effet de bon ton de se "suffire sur place". Et le temps n'est pas loin où l'on dénoncera en chaque voyageur un colonialiste en puissance, sous le prétexte du "respect de l'autre" - quand il s'agit d'abord de s'en protéger, en l'ignorant. Mais pour combien de temps, quand le torrent déferle ?"

Michel Le Bris cite pour finir une lettre d'un marchand de Morlaix, au temps des guerres de religion, qui tempêtait sur la stupidité des affrontements,

" Attendu, écrivait-il, qu'on ne s'enrichit jamais qu'à proportion de sa différence d'avec autrui". Et cela valait pour lui autant pour les idées que pour la rondeur de sa bourse. Comme me paraît plus sage ce modeste marchand que les donneurs de leçon d'aujourd'hui !

Leçon aussi pour nos organisations et dirigeants qui croient encore que le sujet majeur est de redessinner les structures et les organigrammes, de stocker et de classer les données, alors que les enjeux sont ceux de l'échange, des conversations et des flux. (on revient au sujet ).

Oui, le monde est flux....Il est temps pour chacun d'inventer son "récit personnel"...

...Ce sont les anthropologues qui nous le disent.


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