Previous month:
octobre 2008
Next month:
décembre 2008

La crise va-t-elle tuer le pouvoir dans l'entreprise?

Crise1  Avec la crise, on va retrouver un type particulier de comportement chez les dirigeants d'entreprise : la perte de l'expression du pouvoir.

La situation est simple : c'est la crise; on doit subir de nouvelles contraintes (perte d'activité, des marchés moins ceci ou plus cela, etc..). En clair, un risque de pénurie (de cash, de moyens, de confiance,..) qui nous oblige à agir.

Jusque là rien à dire : c'est vrai que la nouvelle perspective pour 2009 oblige à faire quelque chose, à ne pas anticiper l'année comme si il ne se passait rien.

Mais là où il y a dérive c'est quand les décisions qu'imaginent les dirigeants face à cette perspective sont également présentées comme des nécessités logiques.

Exemple : la crise, donc on va licencier; la crise, donc on ne va pas donner de bonus au personnel, la crise donc on ne va pas investir dans ce projet, la crise donc on va modifier l'organisation, la crise donc on va remplacer la DRH par quelqu'un de plus costaud, la crise, donc on baisse les prix, la crise, donc on baisse la qualité pour produire moins cher, etc...Tout un tas de "donc" qui n'ont rien du tout d'évident. Comme on dit "la crise a bon dos".

D'ailleurs, les dirigeants le savent bien, certains l'avouant même ouvertement : "grâce à la crise, on va pouvoir faire passer des décisions qu'on n'aurait pas pu prendre en temps normal"..Ces décisions, ce sont celles qui demandent du courage, qui obligent à assumer. Alors qu'avec le prétexte de la "crise" on va pouvoir se réfugier derrière elle. Et raconter n'importe quoi. Sans s'avouer responsable.

En fait celui qui prend ces décisions "à cause de la crise", va se valoriser en considérant qu'il prend cette décision grâce à sa compétence et sa clairvoyance sur ce qu'il faut faire face à la crise, mais va considérer que ces décisions sont "imposées par la crise", et non le fait de l'exercice de son pouvoir de dirigeant. Une sorte de pouvoir de décision sans pouvoir.

C'est comme si le pouvoir était devenu purement gestionnaire, conséquence d'une analyse de la situation pour laquelle il n'y aurait qu'une réponse possible, celle que le dirigeant a identifiée et propose de prendre. Dans cette posture, assez manipulatrice, le pouvoir réel du dirigeant se cache derrière ce paravent de "l'obligation de la crise", comme si c'était "Madame la crise" qui avait pris les commandes de l'entreprise, prenant en otage le dirigeant qui aurait bien aimé être trés gentil, et est obligé de subir et d'appliquer.

Tout cela n'est que démonstration de manque de courage, et de manque de responsabilité des dirigeants des entreprises.

Cette grille de lecture de la dissociation entre décision et pouvoir, c'est celle de Lucien Sfez, qu'il a particulièrement étudiée appliquée à la société française et au "pouvoir" politique. Elle revient dans l'actualité avec cette histoire de crise.On la voit dans les discours des politiques, notamment en France. Et s'applique bien aux situations d'entreprises aussi.

Les dirigeants qui vont se réfugier dans cette dissociation entre décision et pouvoir, communiquant sur le registre " je suis obligé de décider ceci ou cela à cause de la crise" sont probablement ceux qui vont perdre.

Inversement, d'autres ne vont pas abdiquer le pouvoir à la "crise" et à la "gestion". Au contraire, ils vont assumer leurs choix et leur volonté, fixant des ambitions, des projets pour le futur, en connaisance de cause.

ils vont prendre plus de risques; ils vont faire différemment des autres.

En décembre, dans de nombreuses entreprises, c'est la saison des "séminaires" de Comités de Direction sur les objectifs, les priorités, la stratégie, où j'ai parfois la chance d'être consultant (j'adore ce genre de cérémonies !). Un bon endroit pour observer ceux qui vont parler en disant "JE" et ceux qui vont parler en disant "LA CRISE"...

Tendons l'oreille, lorsque nous assisterons à ces messes : on identifiera ainsi ceux qui ont gardé le pouvoir et veulent s'en servir, et ceux qui n'osent pas décider ou assumer leurs choix...


Les oreilles de Mickey

MickeyDans le numéro de novembre de la Harvard Business Review, Maureen Chiquet, CEO de Chanel nous révèle « le meilleur conseil qu’elle ait jamais reçu ».

C’est une chose toute simple, mais qui raisonne en chacun assez facilement.

Elle nous conte une expérience lorsqu’elle était une jeune chef de produit chez Gap, et travaillait sur un nouveau modèle de jean en tissu délavé et ample.

Le boss, Mickey Drexler, lui propose de venir le voir ; elle s’y précipite toute fière.

Alors qu’elle présente le produit, celui-ci émet des réserves sur le design ; elle défend son projet mordicus ; il commence à se montrer plus énervé. Elle finit par se taire, et rejoint son bureau.

Quelques minutes aprés, Mickey la rappelle :

" Maureen, je vais te donner un conseil important. Tu es un extraordinaire chef de produit. Mais tu devrais apprendre à écouter !".

 

Et Maureen, de ce conseil, elle s'en rappelle encore.

On peut s'interroger : ne faut-il pas avoir des opinions, des avis, et savoir les défendre. C'est quoi cette histoire "d'écouter" ? Cela veut dire abandonner ses convictions?

Et bien justement, Maureen en a retenu qu'il est bon d'avoir des avis, mais que cela n'empêche pas de, au contraire cela oblige à, savoir écouter,  comprendre les autres,  oser changer son avis sur une question ou une personne. D'ailleurs, elle a reconnaît, a posteriori, que les idées de Mickey qu'elle combattait aussi violemment, étaient fort pertinentes.

Alors, vu comme ça, écouter, écouter vraiment, c'est vrai que cela n'est pas facile.

Et écouter l'autre, cela veut dire quoi ? lui tendre l'oreille pour pouvoir mieux lui répondre, mettre en défaut son jugement pour mieux lui imposer le mien ? Bien sûr que non.

Ecouter, c'est d'abord comprendre l'autre, lui porter une vraie attention bienveillante, considérer que, qui qu'il soit, mon collègue, mon supèrieur, mon client, il a quelque chose à me dire que je ne sais pas et qui va m'enrichir. Pas toujours facile.

 

Maureen Chiquet nous le dit trés bien dans son témoignage :

" Quand je visite une boutique Chanel, je demande aux employés ce qui se vend bien, comment les clients répondent, et ce que nous devrions faire différemment. Et leurs observations m'aident à préciser mes propres pensées à propos du business, à changer mon avis sur un produit ou une grande stratégie".

"De retour à mon bureau, je passe 75% de mon temps à écouter les collaborateurs qui me rapportent directement, et je rencontre régulièrement nos partenaires à travers le monde. Je recherche toujours des informations provenant des sources les plus variées possibles."

 

Et cette confession :

" Si je n'avais pas tenu compte du conseil de Mickey, en mettant un scotch sur ma bouche et réellement écouté les employés quand je suis arrivée chez Chanel, je n'aurais sûrement pas réussi trés longtemps".

 

Ecouter, se souvenir de Mickey, qui a de si belles oreilles : si c'est le secret de Chanel, pourquoi ne pas aussi en faire le nôtre ?


Le monde est flux

Flux  Ce mois-ci, Le Monde publie un Hors Série sur "L'atlas des migrations" passionnant.

On y découvre, au travers d'articles fouillés et de cartes très parlantes, réalisées par l'Atelier de cartographie de Sciences Po, un panorama des mouvements, et des rencontres, au fil de l'histoire, des populations, des cultures, des hommes.

Ce vaste panorama permet notamment de comprendre combien le mouvement, la mobilité, sont les vraies caractéristiques de notre monde moderne.

Un chiffre : Les hommes nés dans un autre pays que celui où ils sont nés représentent 3% de la population mondiale (contre 2% il y a quarante ans), soit 191 Millions de personnes (qui constitueraient ainsi le cinquième pays du Monde).

A noter, l'article de Michel Le Bris, en introduction à la présentation des "migrations historiques", ces "routes de la soie", "routes de l'étain", "routes des fourrures",...Ces "routes", ce sont des rencontres entre les civilisations, des mélanges.

Ce que nous dit Michel Le Bris, c'est simplement que l'homme s'est enrichi dans l'échange.

" Au long de ces routes des civilisations sont nées, se sont transformées, parfois sont mortes, avant de renaître, différentes. Et si elles restent mythiques, charrient toujours nos rêves, nos nostalgies, c'est bien parce qu'elles furent, siècles après siècles, les artères par lesquelles circula la vie...

Ces réflexions rendent particulièrement obsolète toute pensée qui s'obstinerait à voir le monde en termes de structures, d'organisations, d'Etats, de nations, toutes ces entités soit disant stables.

Au contraire, c'est d'une "pensée nomade" dont nous avons besoin pour comprendre et penser en termes de flux: flux de populations, flux de capitaux, flux d'images, ...

On retrouve cette thèse dans l'ouvrage d'un enthropologue américain d'origine indienne, Arjun Appadurai, "Aprés le colonialisme - Les conséquences culturelles de la globalisation".

Et, paradoxalement, la globalisation, dans cette analyse, n'est justement pas le monde où tout le monde ressemble à tout le monde, où les différences disparaissent. Au contraire nous dit Michel Le Bris :

"..le temps est venu des identitées plurielles quand chacun, et de plus en plus, se trouve mis en demeure d'avoir à assumer des strates identitaires mouvantes, diverses - autrement dit d'avoir à inventer un "récit personnel" articulant en une forme cohérente cette multiplicité.

On nous prédisait un monde uniformisé, c'est le contraire qui semble s'annoncer, malgré les intimations de la "bonne pensée". En cette période de diabolisation de tout ce qui suggère une connivence avec la mondialisation, il devient en effet de bon ton de se "suffire sur place". Et le temps n'est pas loin où l'on dénoncera en chaque voyageur un colonialiste en puissance, sous le prétexte du "respect de l'autre" - quand il s'agit d'abord de s'en protéger, en l'ignorant. Mais pour combien de temps, quand le torrent déferle ?"

Michel Le Bris cite pour finir une lettre d'un marchand de Morlaix, au temps des guerres de religion, qui tempêtait sur la stupidité des affrontements,

" Attendu, écrivait-il, qu'on ne s'enrichit jamais qu'à proportion de sa différence d'avec autrui". Et cela valait pour lui autant pour les idées que pour la rondeur de sa bourse. Comme me paraît plus sage ce modeste marchand que les donneurs de leçon d'aujourd'hui !

Leçon aussi pour nos organisations et dirigeants qui croient encore que le sujet majeur est de redessinner les structures et les organigrammes, de stocker et de classer les données, alors que les enjeux sont ceux de l'échange, des conversations et des flux. (on revient au sujet ).

Oui, le monde est flux....Il est temps pour chacun d'inventer son "récit personnel"...

...Ce sont les anthropologues qui nous le disent.



La vie en vrai

Tubbies  Difficile d'évaluer objectivement le phénomène, mais il existe : les réseaux sociaux sont devenus un sujet de discussion. Et on nous dit que c'est la nouvelle façon de faire fonctionner ensemble les "travailleurs du savoir".

On les connaît tous, du moins les plus dans le coup, et les plus jeunes surtout, les Facebook, LinkedIn, Viadeo, etc...

Et voilà que ça devient un sujet pour les entreprises : on y détecte des nouvelles méthodes de travail, qui sont maintenant "collaboratives", et on imagine des plate-formes professionnelles pour pouvoir travailler, et surtout échanger et dialoguer. Comme ça, ça paraît séduisant. On a envie d'y croire.

C'était le thème de la présentation de la nouvelle version d'une plate-forme de "réseau social professionnel", la semaine dernière, plutôt bien orchestrée, devant un parterre partagé entre de jeunes geeks aux allures d'éphèbes androgynes, et des vieux de la vieille qui essayaient de rester dans le coup...et à l'air un peu dépassé parfois.

Il se trouve que cette même semaine m'a permis de rencontrer en "réel" des "contacts", des "amis", avec qui je n'avais jamais dialogué que par blog ou mail, ou sur les plate-formes en question. Et cela appelle la réflexion..

Comment dire ?...

Et bien , il est vrai que de retrouver dans le monde réel une vraie personne, de voir comment elle s'habille, quel est son parfum, son ton de voix, son sourire, sa façon de s'exprimer par oral (et pas seulement sous forme de messages tapés avec deux doigts) et bien oui, c'est quand même une autre expérience. Et finalement on aime bien se retrouver en vrai, non ? A la soirée de lancement  il y avait le champagne, les discussions, les rires, tout ce que l'on n'arrivera pas facilement à refaire sur facebook ou n'importe quelle plate-forme, non ?

Et lors de ma rencontre avec ce garçon qui donne des leçons sur son blog, avec un ton de procureur, il y avait ce jeune homme réservé, charmant et poli, n'osant pas trop contredire. Une émotion, une communication non verbale avec les yeux, le sourire, tout ce qu'on n'arrive pas non plus à bien faire dans les réseaux sociaux ou dans les commentaires des blogs. Et tout ce qui fait le charme et la séduction dans les contacts humains.

Et dans nos entreprises, c'est la même chose : regardons les vrais réseaux, les vraies amitiés, les admirations, tout ça encore ça se passe beaucoup dans les vrais contacts humains. Et ces moments où la communication entre deux personnes "passe bien", comme on dit. Et où l'on se retrouve pour "prendre un verre", "déjeuner ensemble"...C'est vrai que ça fait un autre effet...

Et si l'on pense à nos amis, à nos relations professionnelles les plus proches, est-ce parce que tu m'as envoyé un "poke" ou un "tag" sur mon "profil", ou bien y-a-t-il eu des expériences plus fortes qui nous ont marquées ? La réponse est dans la question.

Bien sûr qu'il ne s'agit pas d'opposer les deux formes de communication. Juste de réhabiliter le plaisir, les émotions que procurent les échanges et les relations des humains entre eux. Et combien triste serait un monde où on n'aurait plus que les "réseaux" pour communiquer.

Retrouver cette passion des rencontres, de l'échange, du contact, c'est aussi oser avouer que l'on préfère une bonne soirée entre copains, des débats et des discussions plus ou moins enflammées,  les contacts de personne à personne, à une séance de chat sur n'importe quel réseau social, et même si l'interface est jolie, et les "widgets" du système tellement "géniaux"...

Ces moments forts de rencontres, cette capacité à affirmer ses émotions, c'est aussi exister...vivre.

Cette semaine j'envoie une partie de mes collaborateurs à une formation à ..."l'affirmation de soi"...Une journée à respirer, à échanger, à faire bouger son corps sur une scène de théâtre...une journée à rire, à se sourire, à rougir, à transpirer,....une journée sans facebook et sans internet...Inimaginable, non ?

...comme une désintoxication.

On en a tous besoin de temps en temps, non ?

Juste  "la vie en vrai"...

Ce serait dommage d'en perdre le goût...

 

 


Un pompier qui abandonne ses outils !

Fireman

Un des collaborateurs de PMP a mis malicieusement entre mes mains un article de la revue « Administrative Science Quarterly » de Karl E. Weick, faisant référence à une étude conduite par le fondateur de cette revue, en 1956, James D. Thompson.

Ça commence bizarre non ?

Et pourtant j’ai compris pourquoi cet article pouvait paraître terriblement actuel en ce moment où l’on parle de « crise », et de « nouveau capitalisme »…Et où nombreux (surtout les fonctionnaires) sont ceux qui cherchent à inventer de nouveaux "outils de régulation" pour nous sauver du feu de la crise...Et si c'était l'inverse ?

 

De quoi parle cet article?

 

Il relate deux faits divers où des pompiers, dans des circonstances similaires, sont morts dans un incendie faute d’avoir laissé tomber leurs lourds outils, et ainsi empêchés de courir plus vite et d’échapper aux flammes.

Alors, bien sûr, la question, c’est : mais pourquoi n’ont-ils pas abandonnés leurs outils ? Pourquoi ont-ils préférés (même inconsciemment) rester lestés de ces lourdes charges plutôt que de sauver leurs vies ?

Et bien sûr, le propos de James D.Thompson est de nous amener à faire un parallèle avec de nombreuses situations dans nos entreprises (et plus précisément dans le domaine de la recherche en organisation en ce qui le concerne), où nous aussi, nous n’arrivons pas à abandonner nos lourds outils et succombons (moins dramatiquement que les pompiers néanmoins), ou, en tout cas, n’arrivons pas à survivre au changement, à la crise, etc.…

Cela m’a fait penser à ces entreprises où les dirigeants, parfois éclairés par les recommandations judicieuses de leurs « conseils », disposent de tous les éléments pour prendre la bonne décision qui leur fera éviter le pire (abandonner les outils), et qui pourtant ne font rien, continuant à manager leur organisation avec les méthodes et outils qui les mèneront à l’échec (brûler avec les lourds outils à la main).

Alors, pour être de bon conseil, et permettre aux dirigeants de se transformer à temps, portons attention aux explications des causes de ce phénomène qu’a identifié James D. Thompson :

-          l’écoute : le pompier n’a pas entendu les instructions du chef qui lui disait d’abandonner les outils, à cause du bruit, des cris, des flammes,… Peut-être aussi a-t-il reçu les instructions avant, mais il ne s’en est pas rappelé au moment crucial.

-          La justification : peut être que le pompier a entendu ou s’est souvenu des instructions, mais il ne lui a pas semblé justifié de les appliquer à ce moment précis. Il est comme ce dirigeant qui entend bien les recommandations, mais reste convaincu qu’il n’est pas nécessaire de les appliquer, d’autres stratégies étant tout aussi, voire plus, applicables.

-          La confiance : Peut-être que le pompier ne fait pas confiance à la personne qui lui donne l’instruction ou le conseil d’abandonner ses outils : il la connaît depuis peu, il n’a pas d’histoire passée avec lui,…peu importe, il ne se sent pas prêt à suivre tout ce qu’elle lui demande. Dans nos entreprises, on voit aussi ces comportements des dirigeants ou managers face à leurs pairs, leurs conseils, leurs chefs. Preuve que la confiance ne se décrète pas comme ça.

-          Le contrôle : Peut-être que pour le pompier, le fait de garder avec lui ses outils lui donne l’impression de garder le contrôle, car il connaît l’usage de ces outils, et ils sont pour lui l’instrument pour résoudre les problèmes qu’il connaît. Sans outils, il peut imaginer qu’il perd le contrôle, qu’il ne sait plus quoi faire. Dans nos entreprises, c’est la même impression : je garde mes habitudes, mes outils, mes méthodes, car ils me donnent la conviction de pouvoir maîtriser toute situation, et, sans eux, je me sens impuissant. Je n’arrive pas à me remettre en cause.

-          Capacité à abandonner : Peut-être que le pompier garde ses outils car il ne sait pas comment faire pour les abandonner. Il peut penser à laisser ses outils dans un endroit où ils ne risquent pas de brûler, où il pourra venir les rechercher après. Et le temps qu’il trouve ce fameux endroit, il garde les outils, et brûle avec eux..Dans nos entreprises, idem : quand on a appris toute sa carrière à entretenir les outils pour qu’ils servent le plus longtemps possible, à en capitaliser tous les usages, il devient très difficile de changer brusquement de point de vue et de les abandonner comme ça, sans se poser de questions. Dans certaines situations managériales, cette attitude est appelée « deuil ». C’est dire…C’est pourquoi on préfère parfois mourir que de s’engager dans un tel deuil de ses outils, des méthodes du passé, etc…On les connaît ces dirigeants pour qui il est au-delà de leur capacité physique de changer quoi que ce soit à l’existant ; et le conseil qui s’évertuerait à le convaincre de changer ne ferait que contribuer à se faire tuer par lui.

-          Capacité à faire autrement : C’est le prolongement de la cause précédente. Le problème n’est pas toutefois, ici, la capacité à abandonner les outils, mais plutôt la peur de devoir faire autrement.

-          L’échec : Abandonner ses outils, c’est peut-être perçu pour le pompier comme un aveu d’échec. Et il n’aime pas s’avouer en échec. Alors il continue. Il fait comme si. Dans l’entreprise, ces comportements sont ceux du dirigeant qui persiste à se convaincre, et à tenter de convaincre ses troupes, qu’on va y arriver, qu’il suffit de faire encore plus comme d’habitude, et qu’on en sortira. Dans la crise actuelle, ce sont ceux qui vont s’illusionner sur une histoire de type « serrons les dents ; continuons ; travaillons plus…et tout ça va passer…le printemps va revenir…et les beaux jours avec… ». Ce genre d’auto- prophétie, on n’a pas fini d’en entendre dans le rang des entreprises qui sont en train de se faire dévorer par le feu de la crise. (un très bon bouquin pour comprendre ce phénomène, et éviter de se laisser infecter par lui, est : « Qui a piqué mon fromage ? »).

-          Ignorance collective : Peut-être que le pompier, voyant que ses collègues gardaient leurs outils, même si lui se disait que peut être il devrait les abandonner pour sauver sa peau, a préféré faire comme eux plutôt que de se marginaliser. Dans nos entreprises, ce phénomène d’ignorance collective est fréquent. On se « benchmark » pour se rassurer. On n’ose pas se distinguer…Pas facile d’être son propre architecte.

-          Mauvaise perception des conséquences : Peut-être que le pompier n’a pas abandonné ses outils car il ne perçoit pas vraiment les conséquences de ce geste. Il pense que les vrais problèmes à traiter sont le vent, les flammes, le terrain, alors que le fait de porter ou non les outils ne représente qu’un changement mineur, et donc que de les garder ou non ne changera pas grand-chose. Idem dans nos entreprises : ce qui compte ce sont d’autres phénomènes, la concurrence, la conjoncture, etc…Alors les outils, les méthodes, ce sont des petits trucs à côté, sans importance. Et donc, comme ces petits changements (qui feront pourtant toute la différence) semblent triviaux, on préfère ne rien changer….jusqu’au moment où….ça brûle.

-          Identité : Pour le pompier, ses outils, son uniforme, sa démarche, tout ça c’est comme son identité. Sans eux, il n’est plus rien, il est un minable, il n’existe plus. Il perd sa fierté, sa virilité. Alors, il mourra comme un pompier. Pas besoin d’en dire beaucoup plus pour reconnaître ces dirigeants qui eux aussi, ont besoin de ces outils et costumes pour se donner l’illusion d’exister, et ne savent pas se remettre ne cause.

Avec ces dix causes de la mort du pompier, on a de quoi réfléchir au management de nos affaires dans la crise, aux décisions (et non décisions) à prendre (et à ne pas prendre).

Et puis, il y a peut être aussi un message pour les "régulateurs" et "inventeurs de nouveaux outils" en tous genres pour "aider" ...les PME, les banques, les entrepreneurs....

Eh ho, et si pour éviter aux entrepreneurs de brûler dans le feu de la crise, il fallait plutôt abandonner les outils et courir plus vite...?...

Reste à savoir de quels outils il faut les alléger...

Pour ça, les administrations  ont plein d'outils d'analyse...

Pourvu qu'elles ne brûlent pas avec !