Voleurs de poules ?
24 octobre 2008
Mettez ensemble des dirigeants d'entreprises du même secteur, pour parler de la "conjoncture", et vous passerez un bon moment.
Il faut parler de la conjoncture, mais éviter quand même de dire trop de choses à ses concurrents.
J'ai le bonheur d'assister à ce jeu de "cache-cache" régulièrement pour le secteur du conseil...
Lors de la dernière réunion, deux des sociétés présentes ont évoqué un thème particulièrement délicat : le débauchage de consultants via des chasseurs de têtes, conduisant à des migrations de collaborateurs d'un cabinet à un autre. Tout ça bien sûr sans citer personne, alors que les renards qui pillent ainsi les poulaillers des autres sont peut être dans la salle.
Pour un des dirigeants, cette pratique 'inadmissible", oeuvre de "voyous", le conduit à envoyer les huissiers, la justice, à l'assaut, provoque des envies de meurtre du chasseur de têtes.
Pour l'autre, qui nous confie avoir été "pillé" au cours des deux dernières années, il s'agit de "reconstruire"..de se défendre contre les prédateurs.
Imaginer que ces "pillages" peuvent avoir pour origine des dysfonctionnements dans la gestion des talents de leur propre entreprise, que la récente fusion de leur équipe de consulting avec une SSII a peut être dégoûté certains, ce genre d'idées, on ne l'évoque pas. Haro sur le voleur de poules !!
Pourtant, n'est ce pas, de nouveau, la preuve cruelle que l'entreprise ne "possède" pas ses employés, comme emprisonnés sous son contrôle ? Il faut au contraire que chaque jour elle sache ré-embaucher ceux-ci. Les collaborateurs ne sont ni achetés ni loués.
En fait, c'est justement parce que ces entreprises négligent un peu trop la "gestion des talents" de leurs équipes qu'elles subissent ce genre de déconvenues. Il doit vraiment faire mauvais temps dans ces entreprises pour qu'un coup de téléphone général emporte ainsi les poules vers d'autres poulaillers. Certains veulent se convaincre que c'est parce que on, leur propose des salaires disproportionnés, mais en fait, ce ne sont pas dans les entreprises où l'on paye le mieux que les salariés sont forcément les plus fidèles et les plus heureux. C'est une condition souvent nécessaire, mais rarement suffisante.
Et puis celles qui envoient à l'assaut ces chasseurs, dans l'urgence, sont tout aussi mal en point finalement. Ce sont souvent les mêmes, chacun pillant l'autre à tour de rôle. On se demande bien ce qui reste aprés ces viols organisés...
Et on finit aussi par repérer ces consultants, souvent seniors, managers ou associés, plutôt médiocres, que les entreprises se refilent par chasseur de têtes interposés, évitant ainsi des coûts élevés de licenciement. Malheur à celui qui se retrouve avec ces mistigris, dont il découvrira les tares...un peu trop tard.
C'est vrai aussi que la performance d'une entreprise de services professionnelle, c'est bien sûr le développement des ventes, les expertises, mais aussi le développement des talents et des hommes; et que si on les perd en route, cela fait mal..
Mais il est vrai aussi que la gestion des talents est un art qui se travaille dans la durée.
En voyant le visage tout rouge du dirigeant qui s'imaginait en train de saigner le chasseur de têtes et ses concurrents, et en écoutant ses éclats de voix, ses injures, ses menaces, je me sentais comme la petite poule dans son poulailler, toute effrayée, terrorisée...Et je me disais que, oui, effectivement, si un gentil renard à la douce fourrure passait à proximité, je me laisserai probablement enlever....pour ne plus le voir ni l'entendre me crier dessus comme ça...
J'aime le risque...et la douceur...
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