Previous month:
septembre 2008
Next month:
novembre 2008

Leadership en mille-feuilles

Mille-feuille Parler de leadership, c’est parler des chefs

Pas seulement, car le leadership est aussi une qualité générique que l’on aimerait bien reconnaître dans chacun de nos collaborateurs.

 Et puis, le leadership ce n'est pas seulement une histoire de pouvoir et de commandement des autres. On peut aussi le regarder comme une succession d'étapes, le leader les franchissant les une après les autres, constituant ainsi son mille-feuille du leadership, chaque couche étant utile pour pouvoir y poser la couche suivante. Le mille-feuilles, c'est aussi l'ensemble de la communauté des leaders, chaque leader dans son étape, l'ensemble en harmonie avec la "marque de leadership" de l'entreprise,.avec le plus de leaders possible, ce qui fait un gâteau bien crémeux qui fait envie aux plus gourmands (et donc rend attractif la "marque employeur" de cette entreprise).

Parmi les modèles qui décrivent ainsi les étapes du leadership, celui de Dalton et Thompson est assez pratique. Il est décrit notamment par Dave Ulrich et Norm Smallwood dans leur dernier ouvrage (dont j'ai déjà parlé ICI, et ICI).

C'est aussi un outil très concret pour évaluer le leadership de son entreprise, de son équipe, et de soi-même.

Première couche : l'apprenti

Cette étape est souvent négligée. C'est celle où l'on apprend les règles et coutumes de l'entreprise, où l'on acquiert l'esprit et les bonnes pratiques. On est respecté car on délivre conformément aux attentes. On accepte d'être dirigé par les plus seniors de l'entreprise, on adopte la culture et les comportements de l'entreprise. On inspire confiance parce que l'on est dans le bon style. On se met en cohérence avec la "marque de leadership" de l'entreprise.

Ceux qui oublient cette étape n'arrivent pas à aller plus loin, car la capacité à entrer dans la culture de l'entreprise est déterminante.

D'où les problèmes avec ces personnes rebelles qui démarrent en insistant sur ce qui ne leur plait pas dans l'entreprise, sur ce qu'elles veulent changer. Certains leaders récemment embauchés, et qui débarquent dans l'entreprise, se mettent souvent en risque dans cette posture.

Croire que le leadership consiste à tout critiquer autour de soi pour se faire remarquer, c'est un positionnement assez dangereux, et qui ne mène pas l'entreprise bien loin. Les leaders râleurs sont vite fatigants.

Les critiques trop précoces seront mal acceptées, justement parce que les personnes leaders n'auront pas fait l'effort de comprendre et d'adopter la "leadership brand" de leur entreprise. Et puis, leurs contributions ne seront crédibles et reçues positivement que si elles ont démontré cette volonté de nourrir le progrès de l'entreprise qui les intègre, et pas seulement de s'occuper de soi. C'est le sujet de la deuxième couche.

Deuxième couche : le contributeur

Là, il s'agit de sortir du rôle où l'on est bien conforme à l'esprit de l'entreprise. Il s'agit de se distinguer en tant que contributeur vraiment visible sur quelque chose. C'est le cas de celui qui devient l'expert, ou le référent sur une spécialité, une caractéristique rare, qui se distingue des autres, qui est identifié en interne et en externe sur cette spécialité. Il construit cette identité en réunissant ses pairs autour de lui, et non plus en se référant à ses chefs et managers. Il n'est pas un loup solitaire qui construit sa compétence; il est rassembleur, il a envie d'avoir son équipe, il est un élément fort et distinctif de son équipe. Il rayonne dans l'entreprise et à l'extérieur de l'entreprise par cette contribution qui fait sa signature.

Certains ont du mal à trouver leur signature, leur réputation, leur "personnal brand", en ligne avec la marque de l'entreprise. C'est un travail de tous les jours, qu'il faut entretenir : les réputations changent, les marques vieillissent, les originalités deviennent des banalités, des "commodités" (les consultants en savent quelque chose qui finissent par raconter tous la même chose sur ous les sujets).

D'autres n'arrivent pas à sortir de cette couche : ils incarnent un point d'expertise mais n'entraînent pas une adhésion forte autour d'eux, ne préparent pas la génération suivante, ne font pas grandir les autres. Le rayonnement, c'est eux, et tous les gens qui s'approchent d'eux sont un peu dans l'ombre, et on leur fait remarquer en permanence qu'ils n'ont pas le même niveau (les magiciens d'Ozaiment bien s'installer dans cette couche là). Enlevez ce leader "contributeur" du terrain de jeu, et tout disparaît : d'ailleurs le "leader contributeur" le sait, et entretient cette obsession de se rendre indispensable.

A court terme, il est une brillante contribution, souvent riche de succès. A terme, il empêche l'entreprise de faire émerger d'autres leaders, et donc de grandir. C'est justement ce saut que fait faire le passage à la troisième couche.

Troisième couche : leader local

Le contributeur a évolué. Il va maintenant s'intéresser aux autres, grande première. Il va s'intéresser au développement des autres. Il va inclure dans son champ de vision des personnes qui ont des spécialités, des styles, trés différents du sien. Il va construire et développer son réseau de partenaires et correspondants dans l'entreprise et à l'extérieur de l'entreprise. Il va passer du temps à aider, coacher les autres. Cela devient un objectif majeur pour lui. Il est un élément fort de la construction et de l'incarnation de la "leadership brand", à son échelle.

Il va abandonner son obsession d'être le "meilleur expert" dans tout ce qu'il touche. Il va encourager et sponsoriser l'expertise des autres; qui peut prendre des formes différentes de celles qu'il aurait prises tout seul.

Ce sont ces leaders locaux qui ont compris comment passer de l'indépendance à l'interdépendance, qui vont exercer leur excellence dans le jeu des échanges et inter-communications dans les réseaux et équipes auxquels ils appartiennent et qu'ils font naître. Ils ont aussi compris que le leadership n'était pas centré sur la relation hiérarchique (je suis le chef; les autres sont mes petits gars), mais sur aussi sur la capacité à transcender les barrières, à créer les ponts et les transversalités.

Tout cela devant se faire en ligne avec les attentes des clients et la "marque" de l'entreprise. Rien de plus dangereux que le leader local qui se replie vers un système de "protégés" qu'il infecte de valeurs et comportements en décalage avec ceux de l'entreprise; genre "moi et mes gars, on est des pros, pas comme ces XXX des autres départements de l'entreprise"..Avec ce phénomène, l'entreprise ressemble à une succession de villages sans lien, et là encore, se développe moins bien. D'où le saut suivant où le leader local sort de influence locale pour s'intéresser et incarner, à la place où il se trouve (pas forcément celle du top management) la "marque" de l'entreprise dans son ensemble. Il ne s'agit pas d'une "promotion", mais, avant tout, d'un changement de comportement. C'est le sujet de la quatrième couche.

Quatrième couche : leader global

Ce stade, c'est celui où le leader représente un élément constitutif fort de l'entreprise. Sans lui, l'entreprise est différente. Ce leader a une vision long terme; il exerce son influence et son pouvoir pour le bénéfice de l'entreprise. Il est un pont entre l'interne et l'externe. Il est fortement impliqué pour identifier et faire grandir les futurs leaders de l'entreprise. Il a une vision globale de l'entreprise et est particulièrement exigeant sur la performance des leaders.

On croit parfois que ce "leader global" c'est naturellement le "big boss". En fait de nombreux "big boss" ont effectivement ce statut hiérarchique mais continuent de fonctionner comme en couche 2 (toujours envie de montrer qu'ils savent mieux que les autres, et interviennent sur tous les sujets) ou en couche 3 (ils ont une tendresse particulière pour les "p'tits gars" de leur tripe, qu'ils ont formés; les autres...ce sont les autres).

Une autre caractéristique de ces leaders, c'est l'incarnation du profil d'"entrepreneur" de l'entreprise, leur rôle d'apporteur d'idées et d'innovation. Ils sont aussi les meilleurs sponsors des idées nouvelles, des propositions de changement, qui viennent à lui comme attirées par un aimant, de l'interne ou de l'externe de l'entreprise. C'est ce leader qui concentre les envies de tout changer, d'imaginer d'autres futurs.

La plupart des leaders de cette couche managent des populations plutôt importantes. Quoique que ceux qui sont les "aimants à idées" peuvent exercer ce rôle de leader sans manager trop de personnes. Ils sont plutôt des icones de la "marque de leadership" de l'entreprise.

Quoi faire de ce modèle ?

Avec ce modèle, il est intéressant de s'évaluer soi-même, et aussi de positionner chacun des "chefs" ou "managers" selon cette échelle. Il est intéressant de s'apercevoir que nos managers n'ont finalement pas dépassé la couche 1 ou 2, et que les vrais leaders de niveau 4 sont une extrême minorité. C'est le moment d'agir.

Les auteurs s'essayent à proposer des benchmarks sur la distribution de ces catégories dans les entreprises.

La distribution qu'ils estiment la plus courante si on laisse faire passivement les choses est :

Couche 1 : 20%

Couche 2 : 60%

Couche 3 : 18%

Couche 4 : 2%

Pour ceux qui chercheront, et trouveront les actions à entreprendre pour vraiment manager les couches de leadership, la cible que les auteurs considèrent comme atteignable est :

Couche 1 : 5%

Couche 2 : 15%

Couche 3 : 65%

Couche 4 : 15%

On imagine bien toute la différence de goût entre ce mille-feuilles plein de bonne crême, et celui de départ.

Cela vaut bien la peine de se faire pâtissier, non ?

Au piano !...

(Pour les ignorants, le "piano" désigne familièrement le plan de travail et de cuisson du pâtissier)

Résultats du sondage :

Mon niveau de leadership

17.64% Apprenti
11.76% Contributeur
32.35% Leader local
8.82% Leader global
29.41% Je ne suis pas leader


34 personnes ont répondu à ce sondage

Les "je ne suis pas leaders" sont ...presque leaders.


1855, le passé revit

1855  On dit parfois que pour bien comprendre le présent, et le futur, il faut se souvenir du passé.

Jacqueline de Romilly, dans son discours de rentrée à l'Académie Française, que l'on pouvait lire intégralement dans Le Monde d'hier, et dans Le Figaro ce matin, a justement évoqué que la littérature offrait ce passé vivant. Elle dit notamment :

" Les erreurs du passé, quand elles ont été comprises et bien perçues, sont une aide pour mieux construire l'avenir.

Il est malgré tout étrange qu'à une époque où se marque une si vive et si louable curiosité à l'égard des peuples différents, qui sont nos contemporains à travers la planète, il existe ce refus d'intérêt pour ce qui a représenté notre passé, encore présent dans notre vie. Il serait urgent de rappeler aux nouvelles générations que tout avenir se construit en fonction d'un passé qui vous aide et vous porte plus loin".

Alors, justement, le passé, en ce moment, il inspire les commentateurs de la crise. Alors qu'ils ont eu beaucoup de mal à prédire ce qui arrive aujourd'hui aux marchés, ils se penchent sur le passé pour nous expliquer le futur.

Et les notes de conjoncture des analystes des banques d'investissement révèlent parfois de drôles de choses.

J'ai eu la stupéfaction de constater cette semaine, en parcourant l'une d'entre-elles, que, pour expliquer le futur, ils remontent jusqu'à...1855 !

Oui, cela paraît super loin, le temps de Napoléon III, des robes à crinoline, des fracs, d'Offenbach,..

Et bien oui, ils voient cette époque comme une référence; je cite :

" Depuis 1855, le temps "normal" d'une récession a été de 18 mois. Si l'on considère que la récession a démarré au plus tôt en janvier, et au plus tard en septembre. Cela voudrait dire que le plus tôt pour qu'elle finisse aujourd'hui serait juin 2009, si nous utilisons cet exemple historique comme guide. Les valeurs sont généralement au plus bas environ quatre mois avant cette fin, ce qui veut dire que le point le plus bas serait en février au plus tôt".

Bon, faut-il y croire ? La panique encore jusqu'en février, et retour au beau temps pour juin...Comme les saisons...

Mais pourquoi cette date de 1855 ? Il va falloir rouvrir les livres d'histoire...

Et puis, si  on est vraiment revenu à 1855, nous devrions peut être nous costumer en frac (ou en crinoline ) pour nous mettre bien dans l'ambiance...Avis aux créateurs de mode et aux lanceurs de tendances. C'est vrai que ça aurait de la gueule...

Je vais y réfléchir...

 


Ces rapides ébranlements de la sensibilité

Double  Ce sont des personnes que l'on remarque vite, qu'on classe dans une catégorie qui attire l'empathie, ou au contraire la méfiance. Elles ne se mettent pas en avant, elles ne parlent pas fort. Ou alors, elles expriment violemment leurs émotions qui les submergent : pleurs, enthousiasme, tout est possible. Elles peuvent se montrer passionnées, et diffuser une énergie intense autour d'elles.

Pour les connaître, il faut faire l'effort de le vouloir.

Il y en a dans les entreprises, autour de nous, et bien sûr dans les romans; c'est là qu'on peut les connaître de plus prés.

On pourrait les nommer "êtres sensibles", et cela évoque des garçons un peu éthérés, au tempérament féminin. Pour certains, c'est un mauvais signe, manque de leadership, de force. Pour d'autres, ce sont les personnes les plus riches, les meilleurs managers.

Le Monde a eu l'idée, depuis quelques semaines, de proposer le jeudi, en même temps que le journal du soir, un volume de "La Comédie Humaine" de Balzac. C'est comme ça que je suis retombé dans "Le lys dans la vallée", et ai redécouvert ce personnage, Félix de Vandenesse. qui tombe amoureux éperdu de la comtesse de Mortsauf, dans cette délicieuse vallée de la Loire.

C'est lui qui est le narrateur :

" A cette époque, j'étais exclusivement tendre. La volonté, qui modifie si étrangement les hommes, commençait seulement à poindre en moi. Mes excessifs désirs m'avaient communiqué ces rapides ébranlements de la sensibilité qui ressemblent aux secousses de la peur.".

En observant la comtesse de Mortsauf, " religieusement pensive devant un coucher de soleil qui rougissait si voluptueusement les cimes en laissant voir la vallée comme un lit", il en vient à reconnaître qu'ils font tous deux partie de la même catégorie des personnes sensibles.

Et l'on a ainsi un excellent portrait de cette "sensibilité" qui ne peut que nous évoquer tous ceux, autour de nous (et peut être nous-mêmes) que nous identifions ainsi.

" N'appartenons-nous pas au petit nombre de créatures privilégiées, pour la douleur et pour le plaisir, de qui les qualités sensibles vibrent toutes à l'unisson, en produisant de grands retentissements intérieurs, et dont la nature nerveuse est en harmonie constante avec le principe des choses !".

Et Balzac nous dépeint combien ces personnes ont besoin d'un environnement particulier pour se révéler, et souffrent parfois de ce manque d'environnement propice :

" Mettez-les dans un milieu où tout est dissonance, ces personnes souffrent horriblement, comme aussi leur plaisir va jusqu'à l'exaltation quand elles rencontrent les idées, les sensations ou les êtres qui leur sont sympathiques."

Là où l'observation est la plus äigüe, c'est quand l'auteur décrit un troisième état, une forme de comportement de l'"être sensible" que l'on observe aussi fréquemment, sans toujours le comprendre, et que Balzac analyse trés justement :

" Il peut nous arriver de n'être impresionné ni en bien ni en mal. Un orgue expressif doué de mouvement s'exerce alors en nous dans le vide, se passionne sans objet, rend des sons sans produire de mélodie, jette des accents qui se perdent dans le silence ! espèce de contradiction terrible d'une âme qui se révolte contre l'inutilité du néant. Jeux accablants dans lesquels notre puissance s'échappe toute entière sans aliments, comme le sang par une blessure inconnue. La sensibilité coule à torrents, il en résulte d'horribles affaiblissements, d'indicibles mélancolies."

Joli et profond portrait de la sensibilité, qui montre que ces personnes que l'on voit réservées et absentes peuvent parfois cacher un feu intérieur inexprimé qui brûle et les rend mélancoliques. Et jolie leçon sur l'influence des milieux dissonants comparés à ceux où les idées "sont sympathiques".

Reste à savoir construire ces milieux pleins d'idées et de sensations qui feront s'exalter ces sensibilités.

C'est ça aussi le Talent Management, peut être.....


Voleurs de poules ?

Poules  Mettez ensemble des dirigeants d'entreprises du même secteur, pour parler de la "conjoncture", et vous passerez un bon moment.

Il faut parler de la conjoncture, mais éviter quand même de dire trop de choses à ses concurrents.

J'ai le bonheur d'assister à ce jeu de "cache-cache" régulièrement pour le secteur du conseil...

Lors de la dernière réunion, deux des sociétés présentes ont évoqué un thème particulièrement délicat : le débauchage de consultants via des chasseurs de têtes, conduisant à des migrations de collaborateurs d'un cabinet à un autre. Tout ça bien sûr sans citer personne, alors que les renards qui pillent ainsi les poulaillers des autres sont peut être dans la salle.

Pour un des dirigeants, cette pratique 'inadmissible", oeuvre de "voyous", le conduit à envoyer les huissiers, la justice, à l'assaut, provoque des envies de meurtre du chasseur de têtes.

Pour l'autre, qui nous confie avoir été "pillé" au cours des deux dernières années, il s'agit de "reconstruire"..de se défendre contre les prédateurs.

Imaginer que ces "pillages" peuvent avoir pour origine des dysfonctionnements dans la gestion des talents de leur propre entreprise, que la récente fusion de leur équipe de consulting avec une SSII a peut être dégoûté certains, ce genre d'idées, on ne l'évoque pas. Haro sur le voleur de poules !!

Pourtant, n'est ce pas, de nouveau, la preuve cruelle que l'entreprise ne "possède" pas ses employés, comme emprisonnés sous son contrôle ? Il faut au contraire que chaque jour elle sache ré-embaucher ceux-ci. Les collaborateurs ne sont ni achetés ni loués.

En fait, c'est justement parce que ces entreprises négligent un peu trop  la "gestion des talents" de leurs équipes qu'elles subissent ce genre de déconvenues. Il doit vraiment faire mauvais temps dans ces entreprises pour qu'un coup de téléphone général emporte ainsi les poules vers d'autres poulaillers. Certains veulent se convaincre que c'est parce que on, leur propose des salaires disproportionnés, mais en fait, ce ne sont pas dans les entreprises où l'on paye le mieux que les salariés sont forcément les plus fidèles et les plus heureux. C'est une condition souvent nécessaire, mais rarement suffisante.

Et puis celles qui envoient à l'assaut ces chasseurs, dans l'urgence, sont tout aussi mal en point finalement. Ce sont souvent les mêmes, chacun pillant l'autre à tour de rôle. On se demande bien ce qui reste aprés ces viols organisés...

Et on finit aussi par repérer ces consultants, souvent seniors, managers ou associés, plutôt médiocres, que les entreprises se refilent par chasseur de têtes interposés, évitant ainsi des coûts élevés de licenciement. Malheur à celui qui se retrouve avec ces mistigris, dont il découvrira les tares...un peu trop tard.

C'est  vrai aussi que la performance d'une entreprise de services professionnelle, c'est bien sûr le développement des ventes, les expertises, mais aussi le développement des talents et des hommes; et que si on les perd en route, cela fait mal..

Mais il est vrai aussi que la gestion des talents est un art qui se travaille dans la durée.

En voyant le visage tout rouge du dirigeant qui s'imaginait en train de saigner le chasseur de têtes et ses concurrents, et en écoutant ses éclats de voix, ses injures, ses menaces, je me sentais comme la petite poule dans son poulailler, toute effrayée, terrorisée...Et je me disais que, oui, effectivement, si un gentil renard à la douce fourrure passait à proximité, je me laisserai probablement enlever....pour ne plus le voir ni l'entendre me crier dessus comme ça...

J'aime le risque...et la douceur...


Formation : le média d'abord

Disparus  Je croyais échapper aux "chaînes de blogueurs", que je compare à des blagues d'étudiants ou de marabouts africains. Mais un certain Laurent Dureau, qui tient un blog sur le marketing de soi (et de lui-même en particulier), que je ne connais pas, a eu l'étrange idée de me mettre dans la chaîne pour répondre à la question :

" Quelle formation ou auto-formation a le plus influencé votre vie professionnelle actuelle ?".

Pourquoi pas...

Pour moi, la formation, c'est d'abord une question de média : ce qui m'a le plus influencé, ce n'est pas tant la formation, que le professeur qui la transmet. C'est pourquoi, aujourd'hui, quand je choisis des formations pour les consultants de mon cabinet de conseil préféré (PMP), je choisis d'abord la personnalité des intervenants. Car une formation c'est d'abord l'expérience d'une relation avec quelqu'un avant d'être un contenu.

C'est pourquoi aussi je me rappelle de peu de formations que j'ai reçues car , au test du media et de la personnalité du professeur, il y a beaucoup de déchets...

Le plus ancien , c'est mon institutrice du collège, celle qui m'a donné le goût de l'excellence, et mis dans une classe "expérimentale" faisant en une année les deux années CM1 et CM2, joli cadeau qui m'a permis de conserver cette avance pendant toute ma scolarité et de passer le Bac dans ma seizième année, pour la fierté de mes parents...

Puis, au lycée....aucun souvenir vraiment top dont je puisse dire qu'il a influencé ma vie professionnelle actuelle, sauf les professeurs qui m'ont transmis le goût, l'ivresse, de la lecture...Cela ne m'a pas quitté...

Prépa HEC à Louis-le Grand : souvenir de professeurs que j'ai admirés, quasiment tous; professeur de mathématiques en blouse grise, déroulant ses cours sans notes, tout de tête...on l'appelait "Maître"...il le méritait. Professeur de philo, qui me donnait envie de lire tout Nietsche...etc...Ils m'ont permis de réussir le concours. Et je serai bien ingrat de prétendre que ce diplôme n'a pas influencé ma vie professionnelle actuelle.

HEC : souvenir d'un professeur qui m'a fait découvrir et aimer l'Art Contemporain...Grâce à lui, j'ai découvert Pollock, Christo, et le goût des expositions...Il y en a d'autres, mais ce qu'on apprend à HEC à 20 ans, ça se démode avec le temps. L'art contemporain, par contre, est éternel...

HEC encore : Bertrand Jacquillat, professeur de Finance, qui faisait comprendre la Bourse et les mécanismes de marché avec des mots simples, qui s'asseyait sur le bureau comme le professeur du cercle des poètes disparus...Ce côté décontracté pour expliquer des choses difficiles, j'ai adoré...

Vie professionnelle, vie de consultant : des formations en tous genre dont je ne me rappelle pas grand chose...

Le pire, les formations au management par des énergumènes n'ayant jamais réussi à manager qui que ce soit...les formations internes assénées par des partners sans charisme, qui croient étaler leur science, et dont la pitoyable prestation fait rire ..ou pleurer.Ces expériences ont influencé ma vie professionnelle actuelle en me prévenant d'infliger de pareils massacres à mes collaborateurs.

Le meilleur : les formations de David Maister, de vrais shows (voir les videos sur son blog pour en avoir un tout petit aperçu); il est ma référence en matière de management d'une équipe de consultants; j'ai lu tous ses ouvrages, et les relit.

Mais ceux qui m'ont formé le plus et le mieux, ce sont mes managers, les partners, ceux qui m'ont transmis leur expérience et leur vision du métier...le reste est finalement accessoire.

Une formation qui m'a marqué : le séminaire de Bernard Alexandre, sur "l'activation mentale" : mélange d'exercices de visualisation en tous genres, et autres pratiques de développement personnel, qui m'ont profondément troublés à l'époque...Bernard Alexandre, qui m'a donné le goût de lire et relire Jung, et d'autres...Autant d'auto-formations...Et aussi de suivre des cours de graphologie..J'ai aussi appris et pratiqué le Shia-Tsu...Et puis on passe à autre chose. Mais on en garde quelque chose, une attitude, un point de vue sur la vie...qui sert toujours.

En fait, cette retrospective permet de relativiser l'importance que l'on accorde à la formation. Tout est formation; dans chaque détail de la vie on apprend. Et pas seulement dans les salles de classe.Apprendre, c'est faire des rencontres a dit un jour Albert Jacquard devant moi.

Chacun a son expérience personnelle...

Alors, moi aussi j'ai le droit de faire la chaîne ?

- Jean-Louis, (ou Sophie et Jean-Benoît),

- Bertrand, (le 2.0),

- Luc,(le narcisse),

- Jean-Michel. (homonyme d'un humoriste ,...qui se défend bien aussi),

A vous !


Militaire ou artiste ?

Defile  Pour comprendre l'entreprise et son style, sa culture, sa "marque", il suffit parfois d'écouter parler les dirigeants et managers à la machine à café.

Il y a les "militaires", là où l'on parle de "marcher au pas", de "guerre concurentielle", de "combat"..Ce sont celles qui veulent conquérir, dominer, qui aiment les règlements, les contrôles, les procédures. C'est "à la vie, à la mort".Le style de leadership favori, c'est l'autorité. Pour leur faire plaisir dessinez-leur un nouvel organigramme avec plein de chefs et de divisions.

Il y a les "cowboys" : là, on parle d'indépendance, de responsabilité individuelle. Ce sont les entreprises où l'on pense résoudre les problèmes avec les forces internes; où l'on ne sent pas trop le besoin d'aller voir à l'extérieur, ou d'étudier la concurrence. Non, on est des cowboys, on est meilleur que tout le monde. Ceux-là, il ne faut pas trop leur proposer des idées différentes de ce qu'elles pensent. Il faut féliciter les John Wayne, surtout les faux.

Il y a les " parents" : là, tous les managers sont des papas et des mamans. Ils parlent de "leurs petits", ils aiment parler de relations,de "relationnel". Ils vous étouffent de leur protection. Il faut être le copain du grand frère pour avoir le droit d'y entrer.

Il y a les "sportifs" : ici, c'est compétition, sports de l'extrême...C'est comme les militaires, mais en short.

Tous ces militaires, cowboys, parents et sportifs sont souvent des gens fatigants...y compris pour les employés de ces entreprises. Ils nous "pompent l'air" comme" on dit. Ils absorbent l'énergie de leurs interlocuteurs, sans rien leur rendre...

Et puis, inversement, d'autres images qui circulent apportent l'énergie.

Il y a ceux qui sont "nature" : on y parle équilibre, jardin, développement. On y voit le monde comme un équilibre harmonieux de forces et d'échanges. On s'y sent bien.

J'aime bien les "musiciens" : on y parle d'harmonie, de créativité, d'improvisation, d'intuition. Mais aussi d'orchestre, de rigueur dans l'éxécution et du plaisir de "l'accord parfait"...

Et puis, il y a les "artistes", c'est le lieu de l'innovation, des idées nouvelles, de l'inspiration. On a envie d'y jouer, de tester des idées nouvelles. On aime y rire. On y pleure des fois.Les émotions sont sur la table.

Il est amusant de retrouver ces caractéristiques lorsque l'on découvre une entreprise en parlant avec ses managers. Et aussi de trouver avec lesquels on se sent bien. Car quel malheur d'être un "artiste" chez les "militaires", ou un "musicien" chez les "sportifs"...


Marque de leadership

Leadership  Quand on parle de leadership, on parle plutôt des meilleures pratiques pour être un leader ou le devenir. C'est une vision surtout interne, qui part des individus, souvent les managers, et qui cherche les moyens pour améliorer leur efficacité à l'intèrieur de l'entreprise, leur capacité à entraîner les autres, à les emmener le plus loin possible.

Mais on pourrait aussi se demander s'il n'existe pas une approche plus externe, qui part du client, et qui constituerait une "marque de leadership", comme on parle d'une marque qui véhicule des valeurs, des émotions, qui font la valeur de l'entreprise, au-delà des produits eux-mêmes. On connaît ces marques : Danone (la santé), Starbucks (la troisième expérience, les deux autres étant son chez-soi et son lieu de travail), sans parler des marques de luxe qui ont toutes leur imaginaire.

Et parler de "marque", cela veut aussi dire que ce "leadership" n'est pas une affaire d'individus en particulier, mais concerne de façon générale tout ce qui permet de répondre, au travers des comportements des employés et de l'organisation, aux attentes (et même au-delà) des clients.Comme un pont entre la marque perçue par les clients, et celle vécue de l'intérieur par les employés : la culture, les comportements entre eux et avec les clients.

C'est le sujet du livre de Dave Ulrich et Norm Smallwood, dont j'ai déjà parlé, "The Leadership Brand".

L'idée générale, et la présentation étape par étape sur la façon de s'y prendre pour construire et développer cette "Leadership Brand" dans sa propre organisation, sont trés séduisantes.

Il suffit de penser à quelques exemples d'entreprises dont on connaît la marque pour comprendre ce lien évident entre le comportement attendu du personnel et la projection de la marque. L'image des dirigeants, lors des présentations aux clients, aux investisseurs, aux candidats, et en interne, est trés importante pour la perception de la marque.Et l'on sent bien , quand ce lien est cassé, combien l'image de l'entreprise en interne et en externe, peut en souffrir.

Le secret est donc de bien identifier quels sont les caractéristiques des comportements des employés qui répondront le mieux à la stratégie de la marque.

Mais la première question que pose cette approche, c'est : De quelle "marque de leadership" a besoin l'entreprise pour exécuter sa stratégie ?

Et pour bâtir la réponse, des questions test, toutes plus difficiles les unes que les autres.

Extrait :

- De combien de leaders, et avec quelles compétences, avons-nous besoin, et à quels endroits, pour soutenir notre stratégie et nos objectifs de croissance ?

- De quel style de leaders avons-nous besoin pour répondre aux besoins et désirs des clients, les fidéliser, les faire aimer la marque ? Et quel est le process qui assure cette continuité de culture et de valeurs lorsque nous recrutons ou promouvons de nouveaux leaders ?

- Comment garantissons nous que nos leaders actuels sauront s'adapter, auront les compétences, pour rester performants lorsque l'entreprise changera de stratégie et de challenges ?

- Avons-nous identifié et préparé les leaders dans les jobs qui seront sous la plus forte pression au fur et à mesure de notre croissance ?

- Avons nous les leaders capables de construire une organisation capable de combler les clients ?

Ce que ces questions évoquent, c'est qu'il est impossible de se lancer dans une stratégie de marque forte, de réputation, sans se préoccuper des leaders, de leur efficacité, d'aujourd'hui et de demain, dans toute l'entreprise.

Cela me rappelle ce dirigeant qui croyait que la stratégie c'était lui, et qu'aprés les employés n'avaient plus qu'à suivre...Il n'aurait pas aimé la démarche de Dave Ulrich et Norm Smallwood.

Voilà en tout cas de bonnes questions à explorer quand il s'agit de préparer les objectifs stratégiques de l'entreprise pour demain. Le niveau d'ambition, et la capacité à les atteindre en dépend.


Entrée des artistes

Comedie  Le discours général que l'on entend aujourd'hui sur les carrières des cadres, c'est : c'est fini de passer toute sa vie professionnelle dans la même entreprise, il va falloir changer plusieurs fois d'entreprise, de nouveaux parcours, etc...

Avec ce discours les entreprises se bagarrent pour s'arracher les candidats(les "talents") en compétition sur le marché de l'emploi. C'est la guerre des talents. Et les DRH deviennent des hommes de marketing, qui construisent des discours, des plans de communication, et autres outils, pour jouer à ce jeu à somme nulle où chacun se pique les cadres des autres...

Il suffit d'imaginer le phénomène pour en percevoir l'absurdité : le cadre A de la banque A est chassé par la banque B. Il se fait embaucher par B. Puis un cadre B de la banque B part chez la banque C, etc...Comme un jeu de chaises musicales, certains ne trouvent plus de place nulle part à un moment (les "seniors") ou n'arrivent pas à rentre dans le jeu (les "juniors"). Et les chasseurs de têtes se frottent les mains. Et on ne voit plus trés bien ce qui différencie une entreprise par rapport à une autre, ni ce qui fait leur performance.

D'autres, au contraire, choisissent une politique qui consiste à ouvrir la porte du recrutement aux candidats entre 23 et 25 ans, et à manager leur carrière pendant 20 ou 30 ans, en faisant le pari que les dirigeants de demain font partie de ces candidats, et que le job de l'entreprise c'est de façonner les CV de leurs "artistes". L'inverse de ce discours qui dit que l'on doit changer tout le temps d'entreprise.

On connaît ces entreprises qui adoptent de telles politiques (L'Oréal par exemple), et elles considèrent que c'est justement parce qu'elles fonctionnent comme ça qu'elles sont performantes. C'est pour cela qu'elles cherchent à être, et à rester, ce que l'on appelle "employeur de choix".

Et pour être cet "employeur de choix", où les jeunes veulent se précipiter, où l'on peut sélectionner les meilleurs, et faire de la gestion des talents une vraie compétence distinctive, il faut un vrai travail.

Quelle tristesse de voir ces experts du "marketing RH" s'imaginer qu'en peignant avec de jolies couleurs l'entrée des artistes, en offrant des bonbons, avec des jolis sourires, on va devenir la Comédie Française.

La plupart des ficelles que l'on trouve dans la littérature "marketing RH" sont des astuces de bonimenteurs, qui ne duperont personne, ou bien qui sont tellement banales qu'elles permettent peut être d'avoir des candidats, mais sûrement pas d'être "employeur de choix".

Dave Ulrich et Norm Smallwood, de l'Université du Michigan, ont étudié de prés ces entreprises "employer of choice" et les résultats de leur recherche sont particulièrement intéressants.

Parmi les caractéristiques de ces entreprises qui ont une marque de "développeurs de talents" qu'ils ont repérées :

- Elles considèrent le développement des employés comme un élément clé de leur stratégie : ce qui signifie notamment que tous les managers et le top management sont impliqués dans ce développement, et le considèrent comme une priorité. Et non réservé au marketing RH..

- Elles donnent la priorité absolue au recrutement par la promotion interne ("growth from within") : ce qui signifie que que le recours à une embauche externe pour les postes de management est un phénomène exceptionnel. Elles considèrent que leur façon de former et de développer leurs employés est un vrai avantage stratégique à long terme. Et que par exemple, les employés qui ont grandis ensemble dans l'entreprise, qui ont fréquentés les mêmes tranchées, seront plus forts et performants pour le travail en équipe, la coopération transverse,etc...

- Elles savent bien quelles sont les compétences et qualités qui comptent pour leurs employés : bien sûr ces modèles existent, mais ce qui fait la différence, c'est de les appliquer réellement.

- Elles sont des expertes en recrutement : Elles recrutent des personnes, et non des postes. Elles savent où chercher, et constituer les "talent pools" qui vont bien.Comme elles privilégient la promotion interne, leur principal marché est académique (écoles, universités); Elles savent tisser les bons réseaux et entretenir les relations avec ces milieux. Dans ces entreprises, tout le monde est recruteur; c'est une compétence de base.

- Elles sont passionnées par la formation : la formation est un outil majeur pour l'intégration culturelle et l'amélioration des performances.

- Elles sont trés exigeantes sur la performance des managers : Elles bâtissent des systèmes d'évaluations trés structurés. C'est le fameux "up or out" que connaissent bien les firmes prestigieuses d'audit ou de conseil.

- Elles connaissent le fort pouvoir des réseaux alumnis : et elles sont des "outplacers" des employés qui sortent (les out du "up or out") qui deviennent les ambassadeurs de la marque.

Ce ne sont que quelques éléments, mais on voit bien que tous ces points sont des actions de transformation interne, de rigueur de management, et non les falbalas habituels que l'on nous sert destinés à "attirer" les candidats comme avec des appâts.

Bien sûr, c'est plus difficile, plus exigeant.

Mais c'est comme à la Comédie Française : pour que les acteurs soient au top niveau, il ne faut pas repeindre l'entrée des artistes, mais plutôt s'occuper de ce qui se passe à l'intérieur, et de ce que voient les spectateurs.

Il faudrait peut être, pour ça, que certains DRH et dirigeants laissent de côté les bouquins de marketing, et aillent un peu plus à la Comédie Française...


1.