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Histoire de générations

Old-dog  J'étais hier dans une conférence-débat organisée par une association "professionnelle".

Hier, c'était sur le sujet du développement durable, de l'investissement responsable et solidaire, et la rentabilité financière.

Trois témoins passionnés ont pris le micro tour à tour, pour présenter à toute allure (pourquoi les organisateurs de tels débats se complaisent-t-ils à vouloir tout faire à toute vitesse - en n'arrêtant pas de dire "on n'a pas le temps de tout dire", "on est pris par le temps"...mais pourquoi sont-ils "pris par le temps " ?) .

Ils ont raconté ce qu'ils faisaient avec passion : l'un est responsable Microfinance pour une banque, l'autre dirige une entreprise de traitements de déchets qui a mis en oeuvre des actions trés concrètes pour avoir un comportement responsable, et le dernier dirige une agence de notation sur la responsabilité sociale et environnementale.

Ce qui était frappant dans cette assemblée, et qui m'a le plus intrigué, c'était le public.

J'y suis allé accompagné d'une jeune consultante de mon cabinet : elle était la seule jeune de la salle, remplie de personnages plutôt masculins, la plupart de générations qu'on appelle "seniors".

Et le moment fort, c'était celui des questions : trois personnes ont levé la main.

Sur trois questions, deux hyper négatives sur le sujet traité; le genre de questions qui n'en sont pas, mais sont destinées à exprimer un avis. Le futur de la planète, pour ces "seniors" qui vont bientôt la quitter, on sent que c'est pas leur truc...

Question du premier monsieur à cheveux et costume gris : "Ne croyez-vous pas que ces normes et critères de responsabilité vont amener les entreprises à délocaliser ? "...On entendait dans cette question au directeur de l'agence de notation, tout le mal qu'il pensait de la chose..

Autre question, un monsieur trés remonté, qui prend son souffle pour dire :" mais le Développement Durable,.....est-ce que ça ne sert pas uniquement l'ego des consultants,...(ou quelque chose comme ça), et la France est un pays qui ne représente pas grand chose sur la planète, alors pourquoi nous embêter...et alors pourquoi la Chine le fait pas, et alors...et moi je vous dis que...."...Toute la panoplie des questions de celui qui n'y connaiît rien, qui apostrophe, qui met un peu de sel franchouillard, un zeste de xénophobie (la Chine !!! pays où il n'a probablement jamais mis les pieds..).Bref, pour lui, tous ceux qui parlent et qui agissent pour le Développement Durable, ce sont tous des charlots...des empêcheurs de tourner en rond.

Cette agressivité envers le sujet; ces expressions de toutes les idées reçues que l'on croyait réservées aux bandes dessinées rigolotes, genre "les Bidochons", elles étaient là en vrai.

Les trois orateurs se sont évertués à tenter de répondre, mais ces deux bons messieurs n'écoutaient plus les réponses, trop contents de savourer leurs questions et leur "a propos"...A se demander ce qu'ils étaient venus faire ici...

Quelque chose d'effrayant...

Le reste de la salle : stoïquement muet.

Ma jeune collaboratrice, qui, elle, se passionne pour les sujets, en est ressortie dégoûtée...

 Leçon :

Le Développement Durable, c'est aussi une question de générations...


Cadres dirigeants : encore un effort pour être "2.0"

Foret  Quand on parle des cadres seniors, y compris (surtout ?) les cadres dirigeants, il y a des sujets dont on ne parle pas.

De drôles d'histoires qui circulent, de drôles de comportements qui sont constatés par tous les cadres et collaborateurs de leurs équipes, et dont on ne parle pas souvent. Pourtant, à l'heure où l'on n'arrête pas de nous parler de changement, de nouvelles technologies, d'entreprise "2.0", ça peut faire peur, ou indigner.

Exemple dans cette entreprise multinationale française, cette histoire que l'on m'a racontée :

Celle de ce cadre dirigeant qui ne sait pas utiliser sa messagerie (ou qui considère que sa manipulation n'est pas de son niveau ?); il fait imprimer chaque jour tous ses mails par son assistante (pauvres forêts !), puis rédige les réponses éventuelles avec son stylo plume sur papier blanc, afin qu'elle les retape en ligne..On imagine avec quel oeil cette assistante regarde son patron....

Ce n'est qu'une petite histoire, mais qui en dit long sur l'adaptation de nos entreprises, au plus haut niveau, et surtout parmi les cadres dits "dirigeants" les plus seniors, aux nouvelles technologies, au management moderne...On a du mal à croire que cela existe...

Cette situation est-elle typiquement française ? Et pourquoi ? Est-ce une histoire de pouvoir, de vision un peu "old school" des rapports entre patron et secrétariat ?

Cela laisse quand même songeur, non ?


Comment se manager soi-même ?

Managing  Je suis parfois interpellé, comme cette semaine, par des personnes se posant des questions sur leur carrière professionnelle, qui me demandent conseils et lectures pour être ou devenir un bon manager.

Vaste sujet, et la littérature est infinie sur le thème...

En fait, la question posée est plutôt : comment me manager moi-même ?

Pour un jeune qui sort de ses études supèrieures, et démarre dans le monde de l'entreprise, disons vers 25 ans, il y a de bonnes chances qu'il ait à travailler pendant au moins cinquante ans (selon l'évolution des régimes de retraite, et des envies de chacun de travailler le plus longtemps possible), c'est à dire plus que la durée de vie moyenne des entreprises elles-mêmes. Ce ne sont donc pas les entreprises qui vont leur apprendre à manager; il va devoir se manager lui-même, et c'est ça qui n'est pas facile, et peut effrayer avant d'avoir commencé.

Surtout que pour beaucoup, même aprés avoir parcouru avec succès le cursus scolaire, et terminé par HEC, l'X, ou un MBA, cela ne dit pas précisément ce que l'on a envie de faire de sa vie professionnelle pendant ces 40 ou 50 ans...sans parler de ceux qui ont déjà le dégoût de l'entreprise avant d'avoir commencé...

 Peter Drucker, dans son ouvrage " Management challenges for the 21st century", qui a été traduit en français cette année (9 ans aprés sa sortie aux Etats-Unis !) traite précisément de ce sujet, en nous listant les quelques questions essentielles qu'il nous conseille de se poser (et surtout d'en chercher les réponses).

Alors, on y va...

Première question : Quels sont mes points forts ?

Beaucoup l'ignorent, j'en vois la démonstration avec les candidats que je reçois régulièrement. Pire, ceux qui croient connaître leurs points forts, mais se trompent.

Pour aider à les connaître, Peter Drucker donne un truc :

" Chaque fois que vous prenez une décision importante, chaque fois que vous entreprenez quelque chose, notez ce que vous en espérer. Et neuf ou douze mois plus tard, confrontez le résultat obtenu à vos attentes".

Cette méthode, pratiquée régulièrement permettra d'identifier les points forts, qui ont servi à réussir, et les points où l'on manque de compétence, d'adresse,...

C'est une bonne façon ensuite de se concentrer sur ses points forts, pour les utiliser toujours au mieux. Et aussi de rémédier à ce qui bloque toujours, à cette "ignorance mutilante" qui nous empêche de mieux faire. C'est le comptable qui se rend compte que sa connaissance des aspects humains l'empêche d'encadrer correctement ses équipes; c'est l'ingénieur commercial qui se rend compte de son manque de culture générale qui lui permettrait d'avoir plus d'entregent dans ses relations avec les clients,...

C'est aussi le moyen de comprendre quelles sont les mauvaises habitudes, les manques de "bonnes manières", qui, là encore, viennent annuler tous les efforts et ruiner les actions que l'on entreprend.

Et puis, ces points forts étant identifiés, il est bon de les entretenir comme un champion. Souvent, l'on croit, dans les entreprises que l'essentiel pour progresser est de travailler surtout sur les points faibles; en fait cela ne fera que nous faire passer, avec d'énormes efforts, de l'incompétence à la médiocrité. Alors qu'il est parfois plus facile de passer de la bonne performance à l'excellence.

Autre moyen pour bien connaître et utiliser ses points forts : savoir comment on s'y prend ?

Nombreux sont ceux qui croient qu'il n'existe qu'une seule façon de faire les choses : celle qu'ils ont appris, la leur.Cela vient de l'école, probablement, où, pour résoudre un problème, il n'y a qu'une méthode, celle que le maître enseigne, et tous les élèves doivent faire pareil...

Mais la vraie vie de l'entreprise et du manager, ce n'est pas l'école.

Se poser la question pour soi, c'est commencer à accepter que les autres peuvent faire autrement.

Certains apprennent en lisant, et réfléchissent mieux avec des notes, des documents. D'autres apprennent en écoutant, et sont meilleurs quand ils écoutent les explications, les autres, qu'en réfléchissant tout seul.

Observons nos réussites, nos progrès : comment a-t-on fait ? quelles sont nos méthodes ? Et quelles sont celles des autres ? Comment les comprendre ? Comment les concilier avec les nôtres, combiner les deux pour être encore meilleur en équipe ?

Bon, une fois que je connais mes points forts et ma façon optimale de les utiliser, je passe à la deuxième question..

Deuxième question : Où est ma place ?

Connaître tout petit sa vocation, ce n'est pas donné à tout le monde. Nombreux sont ceux qui ne savent pas quoi faire..Pour éviter de choisir de jeunes diplômés s'orientent vers ...le conseil. Comme un troisième cycle qui permettra de faire une visite guidée dans des entreprises variées.

Mais cette question : où est ma place, où est-ce que je me sens bien ? Elle va revenir souvent, et il est important de se la poser, sinon ce sont les autres qui se chargeront de vous trouver la place qui les arrange, eux.

Peter Drucker rappelle :

' Les carrières réussies ne sont pas planifiées. Ce sont celles des gens qui ont su saisir l'occasion, parce qu'ils connaissaient leurs points forts, leurs façons de travailler et leurs valeurs. Savoir où est sa place, cela transforme des gens ordinaires - travailleurs, compétents, mais pas particulièrement brillants - en champions de leur catégorie".

Troisième question,: quelle est ma contribution ?

Cette question, ce n'est pas "qu'est ce que je veux faire ?", ni " qu'est ce qu'on me demande de faire ?", mais "qu'est ce que je dois faire ?". Comme une mission, une obligation, ce pour quoi je suis là.

Enfin, une quatrième :

Quatrième question : quelle est ma responsabilité relationnelle ?

Cette question est double.

Le premier aspect, c'est d'accepter que les autres sont aussi des êtres humains comme soi-même, et qu'ils veulent, comme soi-même, être traités comme des êtres huùmains. Ah bon ?

Eux aussi ont leurs points forts, à eux, leurs habitudes, leurs valeurs,...

Et puis la deuxième responsabilité, c'est de prendre la responsabilité de communiquer :

" Une fois que vous vous serez demandé quels sont vos points forts, vos façons d'agir, vos valeurs, et surtout quelle contribution vous voulez apporter, il faut vous demander : Qui a besoin de savoir tout ça ? De qui est ce que je dépends ? Et qui dépend de moi ? Et alors il faut aller le dire à tous ces gens - et le leur dire de façon que le message soit reçu - c'est à dire sous forme de note pour ceux préfèrent lire, et de vive voix pour ceux qui préfèrent écouter".

Cette question, c'est aussi celle qui permet de comprendre que les entreprises qui réussissent ne sont pas celles qui sont construites sur les rapports de force et d'autorité, mais sur la confiance.

En fait, ces questions toutes simples de Peter Drucker, elles ne s'appliquent peut-être pas uniquement aux managers de nos entreprises, mais à tous ceux qui veulent vivre en société.

Ce livre est comme un témoignage d'outre tombe tellement d'actualité aujourd'hui, de cet auteur passionné par le futur,décédé en 2005.


Pourquoi un nom sympa pour les systèmes mal aimés ?

Ann-taylor  Dans la distribution, ce qui coûte et ce qui compte, c'est bien sûr le personnel, les vendeurs, les vendeuses.

Alors, pourquoi ne pas les gérer de façon scientifique, avec des indicateurs bien foutus pour cerner les performances ?

C'est toute l'idée de Ann Taylor, une chaîne de magasins de vêtements aux Etats-Unis, et surtout de son dirigeant, Scott Knaul, qui s'exprimait dans le Wall Street Journal du 11 septembre, avec franchise.

Le principe est simple : plutôt que de gérer les emplois du temps du personnel en fonction de leurs souhaits, on va utiliser des super indicateurs. Chaque employé est suivi de près : nombre de ventes moyen par heure, montant moyen par transaction, nombre d'articles achetés par vente, montant moyen des ventes, etc... Et on va identifier comme ça les meilleurs vendeurs et les nanars...

Et puis, ensuite, on va faire les emplois du temps pour que les meileures vendeuses soient là quand il y a le plus de monde en magasin, pour transformer les badauds en clients, et les clients en super clients. Et on affectera le maximum d'heures à ces vendeuses. Les autres, les moins performantes, seront affectées aux moments les moins chauds, et feront moins d'heures.

Bon, mais c'est possible ça ?

Un consultant de Deloitte, qui a dû tremper dans l'affaire nous explique :

" Il n'y a pas beaucoup de syndiqués dans les entreprises de distribution, donc c'est plus facile pour l'employeur de disposer de l'emploi du temps des employés". Eh oui, bien sûr...

Mais ça doit râler un peu non ? Comme certains employés interrogés qui ont vu leurs horaires se réduire drastiquement pour cause de performance médiocre...

Mais là, le PDG nous explique le secret :

" Nous avons donné un nom sympa au système, ATLAS - Ann Taylor Labor Allocation System - car cela donne une personnalité au système. Ainsi les employés haïssent le système, et pas nous" (nous, c'est la Direction)...

On est un peu ébahi par de tellles révélations. Qu'en pensent les clients ? et le personnel ?

Scott Knaul a l'air ravi en tout cas. Grâce à ce système, il a pu réduire les effectifs en connaissance de cause..

Et puis il a en tête de nouveaux projets : étendre le système aux managers...

Décidément, c'est vraiment sympa les méthodes modernes de tableaux de bord et de management, avec des noms sympas et des acronymes qui donnent de la personnalité aux systèmes.

Après Ann Taylor, et les Etats-Unis, on attend cette innovation avec impatience en France.


DD qui s'en dédit

Dédé

DéDé !

Avant, quand on prononçait ce nom, ça parlait du Loto, et du cochon à gratter pour nous faire acheter les tickets...Même les oies en étaient folles.

Mais aujourd'hui, quand on parle de DéDé, ça veut dire "DD" : Développement Durable.

C'est un véritable engouement. Les écoles créent les dîplômes "DD", les consultants font du "conseil en DD", les entreprises sortent leur "rapport DD",...Il y des DD partout...C'est l'invasion du marketing vert...Sans parler de la semaine spéciale DD.

Et puis, cet engouement, il a aussi pénétré les entreprises publiques, notamment celles récemment mises en concurrence ou récemment privatisées.

Sandrine Rousseau, de l'Université des sciences et technologies de Lille, analyse le phénomène dans le dernier numéro de la "Revue Française de Gestion" (N°185), à partir d'une enquête qu'elle a menée auprès d'une dizaine d'entreprises publiques, dont EDF, SNCF, La Poste, Air France, RATP,France Télécom,..Elles ont leur rapport DD, leur Directeur DD, leurs journées DD, c'est la DDmania...

Et elle s'est demandée pourquoi un tel engouement?

En effet le service public semblait s'être développé sur un discours qui n'a pas besoin du "DD" pour marquer sa spécificité. Le service public est déjà par nature un concept qui est pensé pour résoudre les désordres, d'ordre social, nés du libéralisme et les défaillances supposées du marché : le service public assure ainsi, par exemple, l'équité de traitement entre les citoyens (c'est La Poste qui permet d'expédier son courrier au même tarif pour tout le monde, partout en France).

Le service public, c'est aussi l'idée de permettre à tout le monde d'accéder au confort (d'où EDF, GDF), ou aux technologies (le téléphone).

Oui, il y a un discours trés "on respecte les parties prenantes, on n'est pas victime des méchants marchés, etc...".

En fait, Sandrine Rousseau fait observer combien ce discours, ce positionnement, n'a fait que régresser au cours des dernières décennies.

Ainsi, alors qu'à l'origine, on estimait que la délivrance du "service public" se faisait sans aucune considération de coût, on en est arrivé, concurrence oblige, à parler de "rentabilité", et l'Union Européenne en vient à considérer que les obligations de "service universel" (un peu différent du pur service public) "visent à assurer l'accès par tous à des prestations essentielles, de qualité et à un prix abordable".

Avec cette histoire de prix abordable, on s'écarte du système "le même prix pour tous", et on commence à challenger le coût du service. Cela est en partie expliqué par un ralentissement de la croissance, et une plus grande sensibilité aux charges fiscales, qui font naître des critiques sur la qualité et le coût des services publics.

Cela se traduit aussi par la reconnaissance qu'il faut fermer des services qui seraient déficitaires, l'autorisation de discriminations tarifaires pour prendre en compte des situations différentes, et aussi l'ajustement de la qualité de service en fonction des moyens disponibles. Toutes ces évolutions ont été largement traduites dans les politiques de la SNCF, de La Poste, ou d'EDF par exemple. L'équilibre financier devient une valeur, un objectif, que les entreprises publiques se fixent comme objectif.

Alors, c'est dans ce contexte où, finalement, l'entreprise publique se rapproche de plus en plus d'un comportement d'entreprise privée, que le DD apparaît. Sandrine Rousseau y voit comme le signe possible d'un recul avoué du "service public".

Face à une contestation des entreprises publiques à cause de leur manque d'efficacité économique, le Développement Durable apporterait une nouvelle parade, une nouvelle légitimité. Il permettrait de proclamer qu'on vise à satisfaire toutes les parties prenantes, à avoir des stratégies d'intérêt général, sans toutefois (n'oublions pas la rentabilité) remettre en cause le bon fonctionnement des mécanismes concurrentiels ou l'ouverture du capital.

La Poste est particulièrement adepte de ce double langage, Sandrine Rousseau citant Jean-Paul Bailly, son Président, déclarant que "le Développement Durable est peut-être le nom contemporain du service public", et " Je suis personnellement persuadé que cette démarche de DD ne trouvera sa pérennité que si elle ouvre de véritables perspectives de développement économique, en procurant de réels avantages concurrentiels et en constituant un moteur de croissance, d'innovation, de motivation des collaborateurs et de progrès économique pour l'entreprise". 

Ainsi, il apparaît que la revendication du Développement Durable est un bon moyen de faire "comme les entreprises privées", et donc de s'en rapprocher, et de sortir des principes contestés du "service public", et en fait, en en reniant certains aspects.

C'est une transformation complète du service public qu'accompagne cet engouement sur le DD, où les usagers disparaissent au profit des clients et des consommateurs. Alors, souligne Sandrine Rousseau, " si les usagers ne deviennent pas immédiatement des clients, s'il reste des critères éthiques qui président à leur choix de consommation, le DD est alors un moyen pour les entreprises de les convaincre de continuer à acheter leurs produits". En clair, le DD devient un outil marketing pour conserver dans les entreprises publiques les nouveaux consommateurs qui pourraient aller à la concurrence privée.

Ainsi, le DD, parce qu'il est, rappelons le , une démarche complètement volontaire des entreprises publiques, non contraint par le droit (encore une différence forte avec ce qui constituaient les obligations de service public), n'est pas une suite logique du service public, mais au contraire une accélération de son identification au secteu privé. Alors que le discours des entreprises privées à l'égard du DD est de revendiquer "une plus grande responsabilité sociale et environnementale", Sandrine Rousseau montre bien le paradoxe, pour les entreprises publiques, puisque la même démarche DD, dans leur cas, est plutôt une réduction des garanties historiques du service public, notamment en matière de continuité du service et d'égalité de service.

Elle note bien que l'intérêt général que poursuivait le service public, dans sa définition originelle, était l'intérêt général de la seule génération présente, alors qu'avec le DD on passe à une définition de l'intérêt général comme celui des générations présentes ET futures.

Ce profond changement n'est peut-être pas encore totalement perçu dans les entreprises publiques, notamment par les syndicats, qui continuent à concentrer leurs revendications sur ce qu'ils nomment la "protection du service public", ne voyant pas que la déferlante du "DD" va venir bouleverser aussi la gestion des relations sociales dans ces entreprises publiques, sous la contrainte.

Oui, le marketing vert des DD de toute sorte, on n'a pas fini d'en mesurer les conséquences sociales...