La motivation, c'est un sujet inépuisable pour parler de performance dans l'entreprise.
Et puis, il y a toujours de nouvelles théories, qui parlent de neuro-sciences, on n'y comprend rien, mais ça fait sérieux.
Deux auteurs, en 2002, Paul R. Lawrence et Nitin Nohria, tous deux profs à Harvard, ont apporté un nouveau modèle (dans " Driven : how human nature shapes our choices") qui identifie quatre "drives" qui expliquent la motivation humaine.
Depuis, cette typologie traine dans de nombreux discours, et est encore reprise dans la HBR de juillet-août 2008, sous la plume de Nitin Nohria, adjointe de Boris Groysberg et Linda-Eling Lee. Oui, c'est une vraie école...de motivés. Ce sont les héritiers de Maslow, version XXIème siècle.
Bon, alors cette typologie, c'est quoi, pour voir si j'y retrouve mes propres motivations et surtout celles des autres, car on s'est tous, un jour, lamentés sur le manque de motivation de tel ou tel de nos collaborateurs.
Ces quatre piliers sont :
1. the drive to Acquire : l'envie d'avoir, des biens, mais aussi un statut,
2. the drive to Bond : l'envie de créer des connections avec des individus ou des groupes,
3. the drive to Comprehend : l'envie de satisfaire notre curiosité, et de maîtriser le monde autour de nous,
4. the drive to Defend : l'envie de se protéger contre les contraintes extérieures, et l'envie de justice.
Oui, ça fait A.B.C.D...bien vu le marketing du modèle.
Attention, pour que ça marche, il faut les quatre en même temps. (oui, dans HBR, c'est comme dans les recettes de cuisine compliquées, il y a des secrets qu'il faut appliquer, comme des alchimistes).
Là où l'article est instructif, c'est quand il illustre ces quatre "drives" pour définir les critères de motivation dans la gestion des ressources humaines de l'entreprise.
1.Pour satisfaire le besoin d'avoir, il faut soigner...le système de rémunérations. En fait, ce qui compte, c'est de bien différencier les rémunérations entre ceux qui performent bien et qui performent moins bien, car la motivation, c'est aussi se comparer aux autres, et d'être mieux payé si on se sent mailleur (j'ai déjà évoqué ce sujet, pour indiquer que cela ne marchait pas toujours, signe que l'exercice est délicat).
Cela suppose en tout cas que les critères de performance sioient correctement identifiés, et c'est souvent un point faible dans nos organisations.
Et puis, pour la motivation, Nitin conseille de payer aussi bien que nos concurrents (à ce jeu, c'est le premier qui commence qui a raison?).
Bien sûr, ce serait un grave erreur de croire qu'une fois le système de rémunérations ainsi calé, on en a fini avec la motivation. Ouh la la, non, nous dit Nitin, il faut aussi les autres critères.
2.Alors, pour le deuxième critère, le besoin de se connecter avec les autres, il faut soigner...la culture d'entreprise.
C'est vrai que ce besoin de se faire des copains, des relations, d'avoir plein d'amis sur Facebook, c'est un vraie motivation quand on voit l'ardeur que certains y mettent. Ce sont souvent d'ailleurs ces personnes avec des millliers d'amis sur Facebook qui se sentent les plus seules.
Pour l'entreprise, satisfaire ce besoin, c'est de favoriser le travail en équipes, les échanges entre collègues, la capitalisation des connaissances, le "knowledge management",...
3. Pour le besoin de curiosité et la compréhension du monde, Nitin nous conseille de soigner...le design des postes, c'est à dire le partage des responsabilités dans l'organisation.
C'est vrai que pour que je sois motivé, il vaut mieux que le job soit intéressant, challenging, et ait du sens, de mon point de vue, que si tout ce qu'on me demande de faire m'ennuie profondément.La variété, les opportunités de mobilité, comptent aussi. Cette réflexion sur la perception et le design des jobs est en effet intéressante. Et cela me fait aussi penser au "dream manager", qui, même dans un environnement où les jobs ne sont pas tous palpitants, a trouvé la stratégie pour jouer sur cet aspect de la motivation.
4. Enfin, dernier pilier de la motivation nouveau modèle c'est ce besoin de justice, de protection, pour lequel il faut soigner...les process de management de la performance et d'allocation des ressources.
Ce besoin de défense, c'est celui qui veut de la justice, des décisions que l'on comprend. C'est ce critère qu'exploitent les chasseurs de têtes, quand il est défaillant : "regardez cette entreprise qui vous dit que vous êtes formidable, et qui, à la moindre fusion, vous met sur la liste de ceux dont on n'a plus besoin". C'est aussi le besoin d'une "éthique", d'un comportement "Développement Durable", de la prise en considération de la diversité, etc...Tout compte, et le système de rémunérations et le culte du résultat et du profit ne suffisent pas.
Alors le process de management et d'allocation de ressources, c'est lui qui va répondre à ce besoin de transparence,
Ce besoin de défense, de protection, il est associé à la confiance dans les process de décisions, et donc dans leur transparence, leur caractère "juste". Ce sont aussi les valeurs de l'entreprise, et la cpacité des dirigeants et managers à démontrer qu'ils savent les vivre. Par exemple, dire que l'on est "orienté résultats", comme on l'entend souvent dans les propos des managers "qui en veulent", il ne faudrait pas que cela signifie que tout est permis, corruption, fraudes, dissimulation des erreurs, falsification des statistiques commerciales, ...On connaît les excés de ce type, et, à l'heure où l'on parle de plus en plus d'"éthique", on découvre chaque jour des histoires de fraudes et autres malversations.
Le manque de confiance dans les processus de décision, on le voit à l'oeuvre quand le "top management" est perçu comme un clan de conspirateurs, toujours prêt à nous raconter n'importe quoi pour masquer les mauvaix coups qu'ils préparent. Oui, ce genre d'ambiance, ça n'est pas propice à ce sentiment de sécurité et à la motivation.
Les auteurs insistent également sur le rôle majeur du management intermédiaire pour incarner cet A.B.C.D de la motivation, comme d'autres.
Alors, au moment où il va falloir insuffler cette motivation à ceux qui vont rentrer de vacances et "reprendre le boulot", comme on dirait retourner en prison, ce modèle théorique n'est peut être pas inutile. Et puis, on le dit, "rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie".