Action corrective
L'alchimie créative

Stratège ou despote ?

Roi Dans l'entreprise, c'est connu, la stratégie, c'est l'affaire du chef...C'est pour ça qu'il est chef. Et imaginer que la stratégie va être élaborée par les collaborateurs, des groupes de travail, bref un genre de "débat participatif", c'est la meilleure chose pour ne rien décider, et aller nulle part.

Qui pense ça ?

En tout cas un chef d'entreprise ("de PME" me précisera-t-il) qui me faisait part de son aversion profonde pour le "management participatif"...Il semble qu'il avait connu ça dans des groupes plus grands, et qu'il ait ainsi acquis la conviction que le débat, demander l'avis des autres, c'est du bla-bla...

Admettons...

Mais alors, une fois cette stratégie ambitieuse sur la table, que se passera-t-il ? Il serait quand même un peu rapide de croire que, parce que le chef, avec un ou deux bras droits de confiance, et des consultants, a imaginé une stratégie, il n'y aura plus qu'à la transmettre aux autres, les collaborateurs enfermés dans la caverne de l'entreprise, pour qu'ils EXECUTENT...

Si c'était si simple, il n'y aurait pas de problème : n'importe quelle organisation pourrait mettre en oeuvre n'importe quelle stratégie conçue par son chef...Et que se passera-t-il si les employés ont du mal à comprendre ou à appliquer cette stratégie ?

Bon, il a senti la faille, et il réplique : "je suis stratège, mais pas despotique !"

C'est vrai que cette posture n'est pas simple : quand on dirige une entreprise, qu'on a de l'ambition pour elle, qu'on s'est forgé une conviction pour mettre en oeuvre une idée de business, un positionnement, une vision, on n'a pas vraiment envie de discuter trop longtemps avec son personnel à l'infini, on a envie d'action, de réussite, de combats contre la concurrence. Et pas de palabres internes interminables, où toute décision est retardée, pesée, empêchée...C'est cette ardeur, cette impatience, ce souci de l'efficacité, qui nous conduit à nous méfier des discussions sans fin...

Et en même temps, on sent bien qu'un excès d'autoritarisme nous fera virer au despote, et risque de faire échouer l'éxécution de notre stratégie.

C'est pourquoi il est important de bien savoir, pour un dirigeant, ce sur quoi on va discuter dans l'entreprise, et sur quoi on ne souhaite pas ouvrir de débats. Et de trouver le juste milieu entre "pas assez de conversations" et "trop de débats". Et de se préparer, en fonction de la situation de l'entreprise et de sa communauté humaine, à faire évoluer, corriger, améliorer (pourquoi pas ?) les ambitions stratégiques que l'on s'est fixées.

En fait, face à une organisation et à une communauté humaine qui va devoir se préparer à exécuter un changement stratégique profond initié et voulu par le dirigeant, trois questions sont à distinguer :

1. L'entreprise est-elle prête pour le changement ? Est ce que les responsables et employés de l'entreprise comprennent pourquoi ce changement est nécessaire ? pourquoi cette stratégie est voulue ? Est-ce qu'ils comprennent quel est le gap de performance que l'on s'apprête à essayer de combler ? Est-ce qu'ils comprennent bien que des choses doivent changer dans leur job, la manière de le faire ? Savent-ils ce qui doit vraiment changer ?

2. L'entreprise est-elle engagée pour le changement ? Nous sommes là sur le sujet d'abandonner l'existant, les habitudes, le "business as usual", pour se lancer dans une nouvelle aventure. Est-ce que les responsables comprennent et identifient les compétences nouvelles qu'il va falloir développer pour se lancer dans cette stratégie ? Est-ce que l'on comprend ce que la nouvelle stratégie va avoir comme impact sur mon job, ma façon de décider, de manager à mon propre niveau ? Et est-ce que cela me rend confiant ? Ou bien est-ce que tout le monde a peur ? On parle donc aussi de la confiance, dans la vision du dirigeant, de la confiance que c'est la bonne . Bien sûr le dirigeant peut considérer cette question accessoire, du moment que, lui, il a confiance, mais il est quand même mieux d'avoir des troupes courageuses que des collaborateurs qui tremblent, stressent, ont peur de l'avenir, et font des cauchemards..

3. L'entreprise est-elle capable de changer ? Là, on parle des compétences, des outils, des process, qui sont nécessaires pour réussir la nouvelle stratégie. Est-ce que le management a les bonnes compétences ? Est-ce que les leaders dont on a besoin aux différents niveaux sont bien en place ? Est-ce que les réseaux et les projets vont bien fonctionner (on y revient) ? Va-t-on être capable de concilier une stratégie à moyen terme avec les exigences du court terme (car, pendant la mutation stratégique la vente au jour le jour continue) ? Est-ce-que notre histoire a démontré que nous savons bien prendre les virages stratégiques, ou au contraire a démontré que, chaque fois qu'on s'embarque dans quelque chose de nouveau on se plante ? Tous ces petits signaux donnent des indications sur la stratégie.

Voilà pourquoi, même si l'on a la vue claire sur la stratégie, bien connaître son équipage sur ces trois questions essentielles permettra de conduire la bonne exécution (et ça aussi c'est de la stratégie), et fera la différence entre le stratège avisé et le despote...pas trés éclairé...

Commentaires

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.