Enfants de maos
Culture du don

Pharmacien, chirurgien, nurse, ou psy ?

Nurse Dans l'entreprise, on trouve des patrons, des managers, des employés,...Mais aussi, de plus en plus nombreux : des consultants.

C'est une profession en croissance permanente. Rien qu'en France, on évalue le marché à plus de 5 Milliards d'euros, rien que dans le conseil en management.

C'est dire qu'il est difficile de trouver une entreprise qui n'a pas, à un moment ou à un autre de l'année, des consultants parmi ses équipes.

Et pour le consultant qui débarque dans une entreprise, c'est souvent qu'il vient en remplacer un autre, qui n'avait plus les faveurs des dirigeants. C'est un éternel jeu d'entrées et de sorties, certains étant bien sûr plus habiles que d'autres pour conserver la fidélité de leurs clients.

Dans ce système, il est intéressant d'observer de quels styles de consultants les dirigeants s'entourent, ou se sont entourés. Cela parle beaucoup des formes de management, et de leur leadership.

David Maister en a fait une typologie, qui semble toujours autant pertinente. Lui se place plutôt du côté du consultant.

Pour certains dirigeants, le consultant est celui qui va apporter une solution à un problème, issue des meilleures pratiques. Les gens sèrieux appellent ça le "business consulting". Pratiquement cela consiste à proposer le bon médicament (le consultant est alors le pharmacien) ou bien, si le problème est plus grave, à pratiquer l'opération chirurgicale (le consultant est alors le chirurgien). Attention quand même pour le consultant à ne pas confondre : le client a un problème de stocks trop importants, et cheche le médicament, mais le consultant se prend pour le chirurgien : "mais non, monsieur le client, c'est tout l'appareil logistique qui est à remplacer, et peut être même qu'il y a un souci avec le cerveau de l'entreprise..et hop, on se retrouve sous anesthésie générale pour plusieurs mois. Certains dirigeants sont ainsi constamment entre deux opérations, proposées par des chirurgiens consultants pas toujours d'accord sur le diagnostic. Il est en permanence dans le coma ou en convalescence, et finalement ce sont les consultants qui dirigent la boîte.

Cette forme de consulting a de beaux jours devant elle, car elle répond à une tendance forte des entreprises et de leurs dirigeants : ils veulent tout tout de suite...Un problème, une solution, et c'est parti. C'est une conception trés masculine du consultant.

Le problème, c'est l'éxécution, et dans de nombreux cas, tout se plante. Combien d'interventions de consultants dans les entreprises n'ont conduit qu'à des rapports, des présentations, des tentatives de mise en oeuvre, et des résultats bien en deça des espoirs partagés avec le consultant lors de la signature du démarrage de la mission. Cela ne décourage pas les dirigeants, qui se persuaderont toujours que le problème, c'est qu'ils n'ont pas choisi le bon consultant, et, imperturbablement, vont en chercher un autre, avec des solutions différentes, et repartir vers le coma et les frustrations.

Pour les consultants, cette forme de consulting est trés profitable à court terme, car elle permet de formaliser des méthodes et démarches pleines de noms compliqués, de mettre en avant quelques figures seniors qui inspirent la confiance et la compétence (les chefs chirurgiens, le docteur en pharmacie, le partner,..), et de faire faire le job par une pyramide de managers et consultants assez juniors, qui connaissent et appliquent les méthodes. C'est le modèle de tous les grands cabinets de conseil.

Les clients qui ont de mauvaises expériences de chirurgiens ou de pharmaciens, on les repère : ce sont ceux qui vous disent "aimez moi !", c'est à dire : "on n'est pas une entreprise comme les autres", " on ne veut pas de solutions toutes faites". Ce qu'ils veulent , c'est de la tendresse, de l'écoute,...

Alors, bien sûr, il existe d'autres approches. On passe alors à une autre forme de conseil plus personnalisée.

Dans ce cas le client voit le consultant comme quelqu'un qui l'écoute. Il ne sait pas trés bien ce qu'il a mais il a besoin d'être rassuré. Le consultant est alors la nurse du client, ou, si le sujet est encore plus atteint, le psychothérapeute. Là, le modèle est différent : on ne promet rien tout de suite, on n'essaye pas de résoudre vite fait un problème, on essaye de "transformer" l'entreprise, d'aller chercher les causes profondes dul mal-être. Et on promet qu'à la fin (sous entendu dans longtemps), on aura fait du client une autre entreprise.

Là, le client va surtout chercher une personne plus qu'une firme. Il peut même limiter sa recherche à sa propre personne, d'où la popularité des coachs personnels aujourd'hui, dont la pratique professionnelle se distingue du conseil. Mais de nombreux coachs sont des consultants recyclés. On est là dans une conception plus féminine du consultant, mais de nombreux garçons, les plus sensibles, savent bien l' exercer.

Ce qui se passe avec cette forme de conseil, c'est que les clients risquent de se complaire dans ces séances de psychothérapie, sans vraiment de résultats sur la vraie performance de l'entreprise. Et les consultants qui s'engouffent dans ces approches, sans capacités sur le contenu, vont promouvoir des discours tels que : "toutes les réponses sont dans votre entreprise, dans les reins et les tripes de vos collaborateurs...nous allons les révéler avec nos méthodes de créativité et de brainstorming,...".Et puis le danger c'est que le client passe ses journées chez les psys et les nurses, avant de mourir d'un cancer du système logistique...

Dans les années 90, de nombreux cabinets se sont lancés là-dedans, et sont surtout parvenus à faire dépenser beaucoup d'argent à certaines entreprises, créant une agitation à tous les niveaux de la boîte, suscitant l'enthousiasme au début, et, au vu de la faiblesse des résultats, et même des actions vraiment lancées, généré des frustrations et des rancoeurs. On repère vite les clients qui ont été victimes de ce genre de thérapies ratées : ils se méfient énormément des consultants, les regardant comme des sorcières, et aspirent à des médicaments et de la chirurgie. "Nous, monsieur, on veut pas de bla bla, on veut des résultats"...Ce sont les futurs frustrés du business consulting...

Bon, alors, évidemment, vous voyez où je veux en venir, il y a forcément une troisième voie, qui consiste à faire les deux, le business et la nurse.

Mais ce n'est pas si simple.

D'abord, un même individu peut difficilement remplir avec le même talent tous les rôles. Et certains consultants, notamment les "free lance", ne se posent même pas la question. Ils passent du rôle de la nurse au chirurgien plusieurs fois par jour. Et ça déconne souvent sur un des rôles.

Autre cas : l'équipe, le cabinet. Ok, mais encore faut-il faire les bons assemblages, et que chacun comprenne son rôle et ce lui des autres, et sache travailler avec une telle équipe. Et que le client ait bien compris le "système de consulting" que son consultant a bâti pour l'accompagner.

Le danger est maximum quand le client croit traiter avec un chirurgien , que le partner se prend pour une nurse, n'osant jamais le contredire, et que les consultants juniors se prennent pour des pharmaciens, attendant, sans réfléchir, qu'on leur donne la méthode-médicament qu'ils doivent utiliser. Cacophonie et frustrations assurées. Y compris au sein de l'équipe de consultants, où chacun ne sait pas ce qu'il doit attendre de l'autre.

Oui, diriger une équipe de consultants, organiser un"système de conseil" qui convienne le mieux aux situations complexes des entreprises, c'est savoir être ce bon Directeur d'hôpital, où tous les intervenants connaissent leur rôle.

Cette façon de visualiser une équipe projet de conseil est trés différente de celles couramment utilisée, entre les experts en telle ou telle discipline, les gestionnaires de projet, les managers. Il s'agit là, plutôt, de concevoir de manière intégrée, et sur tout le cycle d'accompagnement, la compétence, et la méthode, qui feront le succès, et d'être suffisamment pro-actif et à l'écoute.

C'est pourquoi, en observant quels services de l'hôpital les dirigeants affectionnent le plus, et les consultants qu'ils font travailler, on en apprend beaucoup sur leurs manies, leurs vraies maladies, leurs phobies, ...

Et en prenant conscience de ses vraies compétences, le consultant sait de quelles équipes il a besoin de s'entourer, et dans quel hôpital ou service spécialisé il veut travailler.

Bien sûr, la vraie valeur de l'hôpital, c'est la qualité de chacun et de l'ensemble...

Commentaires

Jean-Louis Richard

D'accord à 100% Gilles. Tout ce que je sais, c'est qu'en matière de conseil tes clients n'ont pas de soucis à se faire, ils sont en bonnes mains !

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