Enfants de maos
03 juin 2008
J'ai déjà parlé du souvenir de Mai 68, vu par les patrons.
Virginie Linhart apporte une contribution originale dans son livre "Le jour où mon père s'est tu", celle des enfants des révolutionnaires et maoïstes de l'époque.
Virginie Linhart est la fille de Robert Linhart, maoïste et figure de l'époque, qui s'est rendu célèbre en participant au mouvement des intellectuels (il a fait Normale Sup) qui allaient travailler dans les usines pour y propager l'idéal révolutionnaire. Lui, il est allé un an dans une usine Citroën, et en a fait un best seller : "L'Etabli".
Je me rappelle avoir adoré ce livre que j'ai lu lors de sa sortie,l'année de ma prépa HEC...Sûrement mon côté révolutionnaire de l'époque...
C'est mon premier souvenir du monde ouvrier, décrit par un intellectuel surdiplômé, comme un enthomologiste. C'est aussi un de mes premiers contacts avec le monde de l'entreprise, assimilé à une usine bruyante, avec des gens abrutis par des gestes répétitifs.
Alors, en voyant ce nom de Linhart, et le prénom de sa fille, Virginie, j'avais l'impression d'être son grand frère.
Elle doit être un peu plus jeune que moi. Elle raconte dans son livre ses rencontres avec les jeunes de sa "génération", tous fils des figures du maoïsme, enfants de Krivine, Geismar, Castro, etc... Tous nés autour de mai 68.
Et l'on découvre la drôle de vie de cette génération.
Claudia : " J'ai le sentiment que nos parents avaient à vivre tellement de choses qu'ils n'étaient pas du tout centrés sur nous. Avec ma soeur juliette, nous faisions absolument ce qui nous plaisait: on mangeait ce qu'on voulait, quand on voulait, on ne nous disait jamais d'aller nous coucher. Pas une seule fois, dans ma vie d'enfant, je n'ai entendu ma mère me demander de ranger ma chambre !"
Thomas : " jusqu'à l'âge de vingt cinq ans, je n'ai connu aucun repas familial, nous ne retrouvions jamais tous ensemble assis autour d'une table".
Julie : " Petite, je n'ai jamais eu mes deux parents ensemble à dîner : le plus souvent j'étais seule et l'un des deux passait par là, presque comme par hasard".
Pour certains, ça tourne au cauchemar :
Mao (oui, celui-là, ses parents l'ont appelé Mao...) a un souvenir des discussions de sa mère, militante féministe, avec ses copines :
" A l'époque, on parle beaucoup de l'avortement, de la contraception, mais aussi du viol, de la nécessité de lutter contre, de comment se venger des hommes. Moi, je suis un petit garçon qui baigne là-dedans. Une des amies de ma mère avait été violée, et j'ai précisément en mémoire la discussion au cours de laquelle elles ont évoqué entre elles l'idée de l'émasculation pour se venger. L'émasculation ! J'en ai cauchemardé des années durant ! ...est-ce là ce qui fonde mon homosexualité ? en partie sans doute...
Et ce qui est intéressant à observer, dans les témoignages, trés concordants, de ces enfants de maoïstes, c'est comment ils élèvent à leur tour leurs propres enfants : le mot clé, c'est autorité.
Claudia : "Je ne peux pas supporter des enfants qui ne soient pas couchés aprés vingt heures".
" Je suis totalement obsédée par mes enfants : si dans la journée ils n'ont pas fait leurs devoirs, du sport, de la musique, ça ne va pas. Mon grand moment de bonheur, c'est le samedi matin, lorsque j'accompagne mon fils au conservatoire du VIème arrondissement pour son cours de piano : là, je me sens vraiment bien !
Ces récits de génération appellent une autre réflexion : Les parents étaient des révolutionnaires (qui ont d'ailleurs raté leur révolution, et ont, pour certains, beaucoup de mal à s'en remettre, sombrant dans la dépression, comme Robert Linhart, le père de Virginie). Les enfants sont des bourgeois du VIème arrondissement. Qu'en sera-t-il alors des enfants, ceux qui arrivent, ou vont arriver, pour leurs premiers pas dans le monde du travail ? De nouveau, des révolutionnaires ? comme un cycle qui se renouvelle toutes les duex générations ?
Virginie n'en parle pas...Il faudra attendre le livre de son fils...
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