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Le garçon coiffeur et les vrais patrons

68bresson_jouissez_2  En ce moment, c'est la pèriode de souvenir de Mai 68. Tous les journeaux en parlent.

"L'Usine Nouvelle" s'y met cette semaine, avec en titre "les utopies à l'épreuve du temps".

Etonnant que ce journal ,plutôt au lectorat de patrons d'entreprises, revienne sur cette pèriode. Parce que Mai 68, c'était pas la fête des patrons : les grèves, les manifestations, les usines bloquées, oui, pas de bons souvenirs.

Mais les articles du dossier constitué par l'Usine Nouvelle sont justement l'occasion de montrer une autre facette : car il y aura une révolution aussi dans le management des entreprises qui naîtra de cette époque.

Danièle Linhart, sociologue, nous le rappelle :

" Avant 1968, dans les usines, l'autorité des petits chefs était terrible. Chez Renault, la maîtrise est souvent composée d'anciens militaires. Les ouvriers revendiquent plus de respect et de dignité. Peu à peu, les entreprises vont alléger les lignes hiérarchiques et remplacer les "chefs" par des "animateurs".Elles cherchent à créer du consensus. Le patronat estime qu'il faut sortir de l'affrontement avec les syndicats, et pacifier les relations sociales. Toutes les idées autour de la culture d'entreprise, de son identité, des valeurs communes, sont lancées à ce moment là".

C'est vrai que l'organisation du travail a changé. Anne Sophie Bellaïche évoque la grève dans l'usine de Sud Aviation, près de Nantes, qui a été la première, le 14 mai. Le patron de cette entreprise était Maurice Papon. Comme l'activité de l'usine ne va pas trop fort, Maurice Papon tente d'imposer une réduction du temps de travail de 48 heures à 45 heures, et baisse de salaire de 7,5%. Le 14 mai c'est parti : le Directeur de l'Usine est séquestré, et les portes soudées. Pendant un mois, 1800 personnes vont s'installer dans l'usine, jouant à la belote et chantant des chants révolutionnaires...Et fin mai, alors que la Direction a accepté toutes les revendications, le travail reprend.

Mais ce qui va commencer à changer avec Mai 68, c'est aussi les patrons eux-mêmes : Michel Drancourt, qui dirigeait à l'époque un journal économique, "Entreprise", dont le but était "de promouvoir l'entreprise dans une France trés marquée par l'Etat et les activités agricoles et rurales", évoque quelques souvenirs personnels.

" A "Entreprise", nous étions convaincus que les rapports humains et sociaux dans l'entreprise allaient évoluer. Outre les discussions salariales relatives aux conditions de travail, il fallait tenir compte d'un mouvement général multiface allant de la participation à l'autogestion en passant par la concertation".

Et de ce moment vont émerger des nouveaux styles de patrons, Antoine Riboud (BSN, futur Danone, dirigé aujourd'hui par son fils) ou François Dalle (L'Oréal), qui vont tenter de faire bouger le patronat, et de représenter un modèle de "patron social". Déjà à cette époque, il y avait conflit entre ces styles de patrons et ceux, tout puissants, de la sidérurgie et de la métallurgie. Et les soubresauts actuels de l'UIMM avec le MEDEF et Laurence Parisot en sont la continuité.

Pour montrer un peu l'ambiance, Michel Drancourt cite un échange avec Jacques Ferry, le patron de la sidérurgie, qui lui demande, à propos de François Dalle, le patron de L'Oréal :

"pourquoi j'invitais un "garçon coiffeur" dans les tables rondes de "vrais patrons".

Oui, Mai 68 c'était vraiment une autre époque pour les patrons aussi...

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