Qui s'occupe de Télémaque ?
16 mars 2008
Oui, l'Odyssée, Ulysse, on connaît l'histoire...
Lorsqu'il s'est absenté pour la guerre de Troie, Ulysse s'est adressé à un ami de confiance pour s'occuper de l'éducation de son fils Télémaque.
Comment s'appelait cet ami de confiance ?
Mentor.
Et c'est de là que vient cette expression de mentor, qui représente un personnage qui nous guide, qui nous fait grandir, et que l'on admire dans sa vie personnelle ou professionnelle.
Malheureusement, dans nos entreprises, les Télémaques manquent de mentors...et ceux qui devraient avoir ce rôle ont oublié leurs responsabilités.
Si l'on demande à un manager ayant passé la quarantaine, on trouvera facilement une référence à quelqu'un qui les a aidé à réussir, à s'élever dans l'entreprise.
Par contre, essayons le même exercice sur les plus jeunes collaborateurs, et l'on constate souvent que cette figure n'existe pas.
C'est vrai que dans l'entreprise, pour progresser, on pense qu'il faut d'abord être un bon développeur du business, notamment dans les entreprises de services professionnels (conseil, audit, informatique,..), alors que les talents de mentor ne paraissent pas prépondérants. Et puis, lorque l'on est concentré sur le développement de son entreprise, on pense d'abord à trouver des clients, faire des affaires, mieux gérer la rentabilité. S'occuper de Télémaque, ça ne paraît pas aussi décisif. Aprés tout , les collaborateurs n'ont qu'à suivre et la fermer; si ils ne sont pas contents, qu'ils aillent voir ailleurs...
Pourtant, dans un univers d'hypercompétition, où les entreprises se ressemblent de plus en plus en termes d'offres, de positionnement, et de prix, que reste-t-il pour faire la différence ?
Thomas J.Delong, John J.Gabarro et Robert J.Lees sont catégoriques dans un article paru dans HBR de janvier 2008 : ce qui fait la différence, ce sont les capacités de "mentoring" des leaders et managers.
Savoir s'occuper des collaborateurs, les faire rêver, leur donner envie de devenir comme leurs chefs, voilà des secrets pour garder les talents, maintenir une bonne ambiance dans l'entreprise, et faire que chacun des collaborateurs se sente comme un "protégé". Les auteurs se concentrent sur les entreprises de services professionnels, mais leurs observations valent pour de nombreux contextes, car, finalement, tous les services et départements de nos entreprises, notamment les fonctions transverses, ne sont ils pas des "entreprises de services professionnels", au service de leurs clients "internes", et les mêmes besoins de fidéliser les collaborateurs talentueux.
Oui, mais voilà, on fait comment pour doter son entreprise, ou son service, de ces qualités de mentoring qui feront la différence ?
Ce que l'on retient des auteurs, c'est d'abord qu'il serait complètement innefficace d'imaginer de bâtir un système standardisé de mentoring, comme essayent de le faire certaines firmes. Tout ce qui ressemble à quelque chose de packagé, d'impersonnel, fera fuir les collaborateurs. Au contraire, ils seront sensibles à des approches personnalisées, à des feedbacks sincères, et assez fréquents, de la part de leur mentor direct.
Deuxième principe important : il serait absurde de croire que ces efforts de mentoring sont réservés aux top collaborateurs, ceux que l'on appelle les "A players", les meilleurs, et que pour les autres il n'est pas nécessaire de trop se casser la tête.
C'est exactement l'inverse : ces top guns sont, par nature, les minoritaires. Par contre la plupart des collaborateurs sont ce que l'on appelle les "solid citizens", les bons soldats. Ils représentent peut être 70% des employés. Ils ont tendance à rester plus longtemps dans l'entreprise, à être plus fidèles. Ils sont de fait un peu la mémoire de l'entreprise. Ils sont aussi ceux qui ont envie de réussir, qui sont consciencieux et persévérants dans l'effort.De plus, ils vont être sensibles à un minimum d'attention et de mentoring, et non hyper exigents comme des primas donnas (voir ICI).
Et puis, cette histoire de "mentoring", cela marche dans les deux sens : pour le collaborateur qui souhaite un mentor qui l'aide à grandir, il ne suffit pas d'attendre qu'il se présente en face de lui. Il faut au contraire gérer son propre parcours, son propre comportement, comme son entreprise personnelle ("Moi S.A"), et trés tôt identifier quels son nos alliés, notre réseau interne et externe, les personnes avec qui on se sent bien, qui nous aident, et favoriser tous les contacts avec eux.
En fait, s'occuper sérieusement, et avec des principes efficaces, de "mentoring", c'est travailler pour développer le capital immatériel de son entreprise. Ce capital immatériel, c'est celui qui fait la différence sur les marchés, notamment dans les activités de services.
Alors, pour être un bon mentor, les auteurs nous donnent 7 règles de comportement qu'il est bien utile de garder en tête . Un bon mentor est celui qui :
1. est quelqu'un d'absolument crédible dont l'intégrité transcende le message, qu'il soit positif ou négatif;
2. vous dit des choses que vous n'avez peut être pas envie d'entendre, mais vous laisse avec le sentiment que vous avez été écouté;
3. interagit avec vous d'une façon qui vous donne envie d'être meilleur;
4. vous fait vous sentir suffisamment en sécurité pour avoir envie de prendre des risques;
5. vous donne la confiance pour dépasser vos doutes et vos peurs;
6. encourage vos tentatives pour vous fixer à vous-même des objectifs ambitieux;
7. vous fait percevoir des opportunités et des challenges élevés que vous n'auriez pas identifiés tout seul.
De bons conseils à recouper avec ceux de David Maister pour mieux élever les juniors.
Oui, s'occuper de nos Télémaques, et être ce mentor aux 7 vertus, ce n'est pas une activité en plus pour les leaders et managers, c'est une condition de survie et d'excellence, pour le leader et pour l'entreprise.
La guerre de Troie, la guerre des talents, a commencé depuis longtemps...et va continuer...
Bonne Odyssée....
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