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Interview gastronomique

Grandvefour Sovanny Chhun, journaliste au Nouvel Economiste, m'a appelé à plusieurs reprises cette semaine, car elle avait lu ça.

Et d'un coup je suis devenu expert sur les habitudes des cadres et dirigeants pour le déjeûner.

Elle en a fait un intéressant article dans le numéro paru hier, et consultable sur le Net ici.

C'est vrai que c'est un sujet amusant. La notion de "repas d'affaire", paraît-il, est en train de disparaître, ça fait ringard. Maintenant, pour un cadre dynamique, il est de bon ton de ne pas perdre de temps, et ce qui marche bien, ce sont les plateaux repas; il s'en sert de plus en plus..

On connaît tous ces personnes qui considèrent que passer du temps à table, c'est perdre du temps, et se font un style de se promener tous les midis avec des sandwiches à la main, ou qui mangent à toute allure, plateau repas ou salade.

Pour les rendez-vous avec clients, bien sûr, on fera des exceptions, mais là encore, pour aller vite, on va direct au plat, ou bien on ne prend pas de dessert..Un café, et hop, au boulot...

Finalement, pour un vrai gourmet, cela est un peu dommage, non ?

Et puis, avaler à toute allure le repas, sans s'accorder une vraie pause repas, ça n'est pas trés bon pour la santé.

Mais il ne faut pas non plus dramatiser. Il y a encore du monde dans les restaurants gastronomiques pour déjeûner.

Observer les dirigeants à table, c'est apprendre de nombreuses choses sur leur style de management, leurs valeurs. Cela vaut tout autant qu'un diagnostique des process et de le l'organisation. Et en plus, on joint l'utile à l'agréable.

Bon, maintenant que cet article est paru, j'attend qu'on m'appelle pour m'inviter à déjeûner.

Pour ceux qui sont intéressés, j'avoue préférer Le Grand Véfour aux plateaux repas.


Conquête de style

Voilier Quand on parle de performance pour un manager ou un cadre, on parle souvent de compétence.

C'est vrai que celui qui démarre sa vie professionnelle, sortant de ses études supèrieures, va spontanément se mouler dans ce modèle où, pour progresser, il faut acquérir des compétences, de l'expérience, et, pour être bien évalué et reconnu (promu), fournir des résultats qui attesteront de cette compétence.

Pour avancer dans cette progression, il va s'efforcer de reproduire les modèles existants, et d'apprendre de ses managers les bonnes pratiques, ce qu'il faut bien faire pour être performant. Il va, si il est chanceux, ou opportuniste, se trouver un mentor, celui qui lui apprendra vraiment, qui lui transmettra son expérience.

Et puis, il va arriver un moment où ce système de performance et de réussite va plafonner, vers 35 ans, selon certains, même si l'âge n'est pas le seul critère.

Pour que la progression continue, il va falloir que le manager trouve son propre style d'efficacité, qu'il lâche les modèles pour exprimer sa propre façon de faire, de manager, de conduire ses collaborateurs.

Certains, on en connaît tous, n'y arrivent jamais, et deviennent avec l'âge des experts vieillissants, que l'on va écouter de moins en moins, et qui vont s'acheminer vers une carrière de pré-retraité languissant et pathétique.

Deux variantes à ce destin :

- ceux qui vont continuer à croire que pour réussir et être plus performant, il faut toujours en faire plus et se fixer des défis de plus en plus grands : le vendeur qui vendait 100 par an se fixe de passer à 200, puis à 300. Dans cette vie professionnelle rythmée par des chiffres de plus en plus gros, le manager se met en sur régime, oubliant sa santé, mentale comme physique, et se précipite vers l'accident...entraînant parfois ses collaborateurs, qu'il tyranise, dans sa chute certaine.

- et puis il y a, à l'inverse, ceux qui se mettent à considérer que leur vie personnelle devient plus importante que la performance professionnelle, et qui vont baisser leur envie de défi, qui vont se donner comme priorité de maîtriser leur vie. Conséquence sur leur activité professionnelle : une certaine langueur, de la molesse, de l'ennui. Ce sont ces managers qui vivent leur temps au travail de façon inerte, qui rêvent des parties de pêche qu'ils feront quand ils seront à retraite, qui déclinent en performance, et que les entreprises vont garder sur les bras ou dans un placard en attendant que cela finisse.

Bien sûr, il y a une voie médiane, celle que l'on pourrait appeler la "performance durable", qui évite, passé 35 ans, le piège du sur-régime stressant et le piège du sous régime et de l'inertie.

C'est ce que Meryem Le Saget appelle "la conquête du style" dans un ouvrage un peu ancien, mais toujours intéressant, "le manager intuitif".

Pour trouver son style personnel d'efficacité, conquérir son style propre, et poursuivre sa trajectoire professionnelle sur un trend de "performance durable", elle nous donne quatre conseils, qu'elle est allé chercher auprés d'auteurs divers, mais synthétise avec talent :

1.Retrouver son rythme

Jusqu'à un certain âge, le carburant principal de l'activité professionnelle, c'est l'énergie. et la capacité que l'on a de récupérer aprés des pèriodes de travail intense ou de stress. Les problèmes surgissent quand les résultats sont de moins en moins satisfaisants, que les périodes de fatigue sont plus fréquentes, ou quand la première semaine de vacances consiste à "récupérer"...

Retrouver son rythme, c'est reprendre contact avec soi-même, avec nos rythmes biologiques, retrouver le plaisir des gestes simples :prendre un café avec un ami, regarder autour de soi sans but précis, juste pour le plaisir,...à chacun ses expériences...et son style.

On reconnaît facilement ces personnes qui dégagent de la sérénité, qui inspirent confiance et adhésion, qui ont une forme d'élégance dans l'action. On les reconnaît d'autant mieux quand on les compare à ceux qui sont tout le temps excités, agressifs, autoritaires, sous tension, et à qui on n'aimerait pas ressembler.

2. Jauger son impact personnel

Evaluer sa propre performance au regard d'une succession de chiffres (les ventes, la productivité,...), conduit à un certain abrutissement et au risque de lassitude. Jauger son impact personnel, c'est prendre le recul pour connaître sa responsabilitén redonner du sens à son action. Elever sa performance durablement, c'est prendre cette hauteur, élever son niveau de responsabilité, et non seulement atteindre des "targets" qu'on ne comprend pas.

Cet exercice est personnel, mais il est aussi collectif, car ce sont les équipes, collectivement, qui doivent prendre une telle hauteur.

3. Reconnaître ses points forts

Il s'agit là de reconnaître, d'identifier, ses "qualités fondamentales", celles qui nous rendent authentique, vrai. On ne parle pas là de cette fausse modestie, où l'on va rejeter toute appréciation positive venue des autres, en pensant qu'ils se trompent, ou qu'ils exagèrent. Non, ces "qualités fondamentales" ce sont celles que l'on a identifiées en soi, que l'on respecte, qui nous accompagnent dans notre progression. Elles sont présentes d'abord dans notre vie sociale, notre vie privée, et les amener comme une matière vivante pour nourrir notre vie professionnelle va donner ce style. Il vaut mieux cette nourriture que de se nourrir, inconsciemment, des névroses des autres et des pathologies de son patron.Ces qualités personnelles et fondamentales vont donner la puissance qui permettra à l'embarcation de garder sa force et sa sérénité contre vents et marées.

4. Se libérer du passé

Se libérer du passé, c'est remettre en cause toutes les croyances, tous les modèles ou habitudes. C'est prendre conscience de manies qui ne constituent pas des traits de notre vraie personnalité mais au contraire la baillonnent. Croire que quand on dit du bien de moi c'est qu'on cherche à me manipuler, voilà un bon exemple de ces poisons, qui viennent d'une histoire personnelle, peut être de l'enfance, et qui vont miner tout développement professionnel (personnel aussi).

Se libérer , c'est porter un regard neuf sur ce qui nous entoure et ce que Meryem appelle "le supermarché des images", c'est à dire toutes les projections des gens qui nous entourent, et viennent s'ingérer dans notre vie.

Ces quatre conseils bien précieux, ce sont, selon l'auteur, les clés de la Haute Performance, c'est à dire de la vraie performance, celle qui nourrit et développe l'individu, tant d'un point de vue professionnel que personnel. C'est à une réconciliation entre la vie personnelle et ce que l'on appelle "le travail" que nous appelle l'auteur.

Le travail et la performance de l'entreprise ne sont pas synonymes de stress et de maladie; la conquête du style comme facteur d'excellence le démontre.

A l'heure où l'on pose dans les entreprises le problème du goût pour le travail, et du travail des seniors, ces questions ne sont pas innocentes : c'est en posant bien avant, pour l'entreprise et pour soi-même, de nouvelles bases pour la performance, que l'on répondra. Et non en limitant la vie de l'entreprise et le pilotage de sa performance personnelle à des "targets" toujours plus ambitieux, des compétitions de chiffres, et des jeux de pouvoirs stériles.


Bling-bling

Liljon_2 C'est une expression pas si nouvelle que ça, mais qui est revenue dans l'actualité récemment.

Le Monde daté de dimanche 17 février nous en retrace l'origine.

Cette expression : Bling-Bling...

Cela correspond au bruit des chaines en or qui s'entrechoquent : bling-bling..

Et pourquoi elles s'entrechoquent : parce que c'est la mode vestimentaire et accessoires des rappeurs du sud des Etats Unis: chronomètres géants à pendre au cou, bracelets longs comme des bras, dentitions en or, chaîne en or comme celle de Lil'Jon (photo), avec un pendentif de 2,32 kg d'or et de diamants...C'est la mode Crunk (crazy et drunk)...

Mais c'est aussi une expression dans l'air du temps depuis les titres des médias sur Nicolas Sarkozy comme "Président bling-bling", avec sa rolex, ses ray-ban,ses yachts,etc..Et là, ça fait encore plus mal que les chaînes en or qui s'entrechoquent....

Bling-Bling, c'est le symbole de ce qui brille, qui attire, les marques, la frime. Le luxe du plouc...

Un "historien" du rap, David O'Neill, précise que :

" Le bling-bling est souvent un moyen de détourner l'attention de la réalité; il suffit de quelques centaines d'euros de chaînes en or pour renvoyer au monde entier une image de considérable opulence, alors qu'on vit dans la misère".

Cela donne une impression de frime et de toc , cette histoire de bling-bling

Alors, puisque c'est tendance, on peut se demander si l'entreprise, elle aussi, ne risque pas de devenir bling-bling...

Car avec la guerre des talents, pour attirer les cadres et diplômés, elle va peut-être aussi se lancer là-dedans ...

Publicis Consultants a fait une enquête sur ce qui attire les cadres vers les entreprises, ainsi que sur l'image des entreprises. (Les Echos en rapportent les conclusions dans le numéro de vendredi 15 février).

Celles où les cadres ont envie de travailler : Air France, Veolia Environnement, LVMH .

Celles qui ont la meilleure image, ce ne sont pas toujours les mêmes : Michelin, L'Oréal, LVMH.

Et celles où l'on n'a pas envie d'aller : La Poste, RATP, SNCF...Celles-là, elles ne sont pas trés bling-bling, c'est le moins qu'on puisse dire.

Et Publicis de rechercher alors les origines de ces classements . Car, bien sûr, toutes les entreprises qui cherchent les talents vont vouloir trouver les bonnes stratégies pour figurer dans un tel classement.

Parmi les critères qui font renoncer à rejoindre une entreprise, ils ont trouvé :

- la mauvaise qualité du management (65%),

- la mauvaise qualité de la politique Ressources Humaines (58%).

Pa facile à déceler ce critères, non ? Car on se demande bien comment les cadres candidats vont évaluer de tels critères de l'extérieur, au vu des entretiens passés, ou de ce qu'ils lisent sur l'entreprise...

Et l'on voit bien tout le bling-bling qui peut germer pour essayer de répondre à ces critères de façon un peu "communication"..Comment on peut essayer de donner une image hyper sympa de la qualité du management ou de la politique Ressources Humaines.

"Chez nous, il y a un beau campus, et des salles de sport", et on distribue des M&Ms le mercredi,comme ICI. Rien à dire à cela, mais attention à ce que cela soit cohérent avec le reste.

Paul-Marie Chaumont, directeur des études de Publicis Consultants, le fait d'ailleurs remarquer :

"Le point commun entre la plupart des entreprises de tête, c'est la cohérence entre leurs vertus internes et leurs discours externes. Elles ont su asseoir leur image par des stratégies de recrutement et de communication maintenues dans la durée, quand d'autres tombaient dans le "stop and go"..".

Mais on peut aussi craindre, ou suspecter, que certains auront envie de faire un peu de frime de communication, pour attirer le chaland, sans pour autant changer grand chose dans le management proprement dit.

Et avec cette expression d'une cruauté trés efficace, qui porte déjà un sacré coup au Président de la République, on va disposer de quoi porter un doigt accusateur contre toutes ces pratiques.

Oui, il va falloir se méfier de cette "expression dans l'air du temps", qui viendra traquer "ceux qui essayent de détourner l'attention de la réalité"...

Je ne sais pas si le mal a déjà commencé, mais je parie qu'on va connaître bientôt les "entreprises bling-bling"...l'expression est trop belle...

Et toute la question va alors être, pour celles qui veulent y échapper,  de mener des politiques intelligentes et crédibles de gestion des talents sans tomber dans ce risque.


Talent injuste

Chapeau Le mérite et le talent, on pourrait penser qu'il est évident que ça donne le droit à plus d'avantages dans la société et dans l'entreprise. Celui qui travaille bien à l'école, qui aura les meilleurs diplômes, des meilleures écoles, eh bien celui-là, normal, il fera partie de l'élite dirigeante de demain.

Tout ça c'est évident, bien sûr, pour ceux qui font précisément partie des élites en question.

Et puis il y a les autres, et là, des opinions différentes se manifestent.

C'est cette question que traitait Marcel Gauchet lundi dernier lors d'une conférence de l'Association des Journalistes Economiques et Financiers (Ajef), qui consacre son cycle cette année à une question vraiment d'actualité : "Qu'est ce qu'une société juste ?".

J'avais déjà rendu compte de la conférence de Bertrand Guillarme consacrée au mérite.

Marcel Gauchet a tenté d'expliquer ce qui s'est passé depuis la fin des années 70 dans la façon de considérer la réussite scolaire (mais il est facile d'extrapoler, et de voir dans ces tendances l'évolution du regard sur la réussite en général).

On considérait auparavant qu'il existait un idéal méritocratique qui constituait le moteur de la réussite et de la reconnaissance sociale, incarné par une notion largement partagée d'"égalité des chances". En clair, il s'agissait de donner à chaque élève des chances égales pour exprimer ses capacités et ses talents, permettant ainsi que des inégalités scolaires dûment établies viennent perturber, c'est à dire corriger, voire supprimer, des inégalités de naissance. Dans ce modèle, les supèriorités intellectuelles viennent se substituer aux inégalités sociales; elles sont admises par tous, et le système est idéal.

Eh bien, ce discours, selon Marcel Gauchet, il est mort.Il est mal vu.

Pourquoi ?

Trois ou quatre facteurs, selon lui, sont venus mettre le désordre dans ces croyances, et contribuent à ce qu'il considère comme un danger majeur pour l'éducation et la justice sociale en général.

1. Ceux qui ont bénéficié historiquement des inégalités sociales de naissance ont fini par considérer comme dangereux cet élargissement du mérite à la réussite scolaire : cette méritocratie républicaine, si on la laissait s'exprimer trop librement, et de développer, n'allait elle pas sabrer les avantages acquis de ceux qui avaient pris pour habitude de s'attribuer les places des élites ?

2.Il s'est développé un rejet du principe méritocratique scolaire en tant que principe général d'attribution de condition sociale. Des contestataires ont fait remarqué que le principe de donner les places dans les fonctions sociales à ceux qui ont eu des mérites à l'école ne coulait pas de source. En effet, la sanction des mérites scolaires s'arrête à  un certain âge, et les talents dont on a besoin pour réussir socialement vont bien au-delà, voire sont complètement différents des critères utilisés par l'école. Que n'entend-t-on que réussir dans l'entreprise, dans le management des hommes, ça n'a rien à voir avec le bachotage abrutissant qui permet de réussir les examens et concours...

Et, de même qu'on avait aboli les privilèges en 1789 de ceux qui "s'étaient contentés d'être nés avec une cuillère d'argent dans la bouche", de même, une contestation est montée contre ceux qui "s'étaient contentés de réussir des examens et des concours scolaires à 25 ans".

D'où un rejet fort, ou a minima un agacement, bien relayé par les médias, de l'image sociale véhiculée par la réussite scolaire, de cette société où les plus intelligents, ces "polars", ont le droit de commander les moins intelligents, parce qu'ils n'ont pas réussi les examens en question.

3. Un individualisme nouveau s'est développé. Cet individualisme va amener l'idée qu'il faut une égalité de dignité et de considération pour tout être humain, et qu'il est pénible de considérer qu'il existerait une hiérarchisation des mérites. Dans cette approche, tout être humain est doté d'une forme spécifique de talent, et les perdants du système scolaire se sentent alors dévalués dans leur être. Cela conduit à porter un jugement trés négatif sur toutes les tentatives de classement et de hiérarchisation proposées par le principe méritocratique.

4. Une nouvelle définition de la justice sociale s'est développée, correspondant à la théorie de John Rawls : est juste l'organisation sociale qui fonctionne à l'avantage des plus faibles, celle où il n'y pas de laissé pour compte, ou tous les citoyens sont dans le jeu. D'où la hantise contemporaine de ce qui a été nommé "les phénomènes d'exclusion". D'où les propositions pour que l'école devienne le lieu d'inclusion, où l'espace scolaire est organisé pour que tout le monde avance, aux antipodes du principe de l'exclusion méritocratique. La notion de compétition est un mot sale; la seule compétition acceptable, c'est celle que l'on a avec soi-même. Un nouvel objectif de justice sociale se dégage alors, un objectif de justice sociale d'inclusion, et de dégagement des mérites personnels de chacun.

Et c'est cette convergence de facteurs que les entreprises récupèrent derrière. Là, Marcel Gauchet n'en a pas parlé, mais il est clair que ces croyances nouvelles, que l'on reconnaît effectivement dans les discours des jeunes qui arrivent et de leurs enseignants, sont trés pregnantes.

Ce que Marcel Gauchet a fait remarqué, c'est que le système éducatif est, de fait, à deux vitesses :

- d'un côté les élites, la minorité, qui ne se sont pas laissées impressionner par ces contestataires de la méritocratie, et continuent de l'entretenir, en organisant l'éducation de leurs enfants, et la gestion de la société et de ses élites sur le même principe;

- et puis, de l'autre côté, la majorité, qui est massacrée par les idéologues de cette nouvelle orientation éducative de brassage systématique et  d'inclusion.

On l'a compris cette "dérive" de la pensée et de l'idéologie éducative, il n'y voit pas du tout une bonne chose. Et considère que le système qui chercherait à mélanger tout le monde pour permettre aux plus faibles de ne pas décrocher, au risque (assumé) que les meilleurs avancent un peu moins vite, rendrait malheureux tout le monde, y compris les plus faibles, arguant du principe "qu'il est toujours pire d'être pauvre dans un pays pauvre, que pauvre dans un pays riche".

D'où les confusions qui apparaissent dans les tentatives de "discrimination positive", telles les expériences menées à Sciences Po : si elles devaient s'abstenir de toute référence à une notion de mérite, elles augmenteraient l'injustice sociale. C'est d'ailleurs pourquoi ceux qui sont pour la discrimination positive ajoutent souvent "à mérite égal" : finalement on y revient.

Et puis, il est choquant pour un individu d'être ramené dans le système pour une raison de discrimination positive, étant ainsi dévalué en tant qu'individu, et seulement pris en compte au regard de son origine.

Ce que Marcel Gauchet appelle de ses voeux, c'est un retour du principe méritocratique, même si il doit se composer avec d'autres aspects, mais jamais disparaître.

Il nous a aussi mis en garde sur la confusion entre élitisme et méritocratie : la méritocratie n'est pas réservée au traitement des élites, mais concerne tous les postes. Par principe, l'école démocratique est nécessairement méritocratique.

Si ce qu'on appelle "l'ascenseur social", c'est à dire la capacité du système de permettre de s'élever socialement par son mérite, ne fonctionne plus, c'est parce que le mérite est devenu une valeur dont on se méfie, qu'on culpabilise, qu'on empêche de s'exprimer dans un système d'"inclusion", conduisant les meilleurs à fuir ces établissements éducatifs.

Par contre, il faut probablement élargir cette notion de mérite, et apprendre à considérer des facteurs plus en ligne avec les exigences de la conduite de la société aujourd'hui. Malheureusement, en concentrant les propositions et les réflexions politiques sur les histoires d'inclusion, et de corrections des inégalités par la discrimination positive, on se trompe de moyens.

On l'a compris, Marcel Gauchet trouve que la  façon dont s'y prennent les politiques, quelles que soient leur camp, n'est pas la bonne.

Il est intéressant de réfléchir à ces questions à l'heure où, dans nos entreprises, privées comme publiques, on tente de développer la gestion, la détection, let a rétention des talents, en se préparant à "la guerre des talents". Il est clair que si le monde des entreprises va dans ce sens, alors que le système éducatif va dans le sens inverse, le choc qui se prépare lorsque ces générations arriveront au travail sera trés difficile.

Considérer que le talent et le mérite sont injustes, c'est le début d'une drôle de salade...

On peut en arriver à songer que, ce que l'école ne sait plus faire, ce sont peut être les entreprises qui vont devoir le faire : redonner au talent et au mérite une vraie place positive.

Mais, c'est clair, il va y avoir du boulot....


Choix de proximité

Total A l'heure actuelle de "guerre des talents", le truc qui fait chic quand on parle de recrutement dans l'entreprise, c'est de se prétendre "employer of choice". Cela veut dire se montrer tellement attractif que tous les candidats en tombent amoureux, et se précipitent, surtout, bien sûr, les meilleurs et les plus beaux...C'est trés romantique, non ?

Tiens, prenons la première entreprise de France, TOTAL. Celle où les clients ne viennent pas par hasard.

Le témoignage de son Président, nommé il y a un an, Christophe Jacquin de Margerie, est rapporté dans "Le Nouvel Observateur" de cette semaine par Airy Routier :

" En sortant de l'école, à 22 ans, il avait préféré Total à IBM et à Alcatel tout simplement parce que le siège de l'entreprise se trouvait alors à deux pas de chez lui. Et avait l'avantage de ne pas se situer dans une tour, mais dans un groupe d'immeubles anciens autour d'un jardin intérieur".

Ah bon ? C'est pas les valeurs, l'"employer of choice" qui l'ont séduit ??

Il aurait pu dire aussi : "parce que c'était mieux payé...", mais ça aurait pas fait le même effet, c'est certain...

En lisant une telle révélation, on ne peut que penser que toutes ces histoires de choix de l'entreprise sur les valeurs sont des fables que les candidats n'évoquent jamais.

Car, soyons sérieux, où habitait donc ce jeune diplômé pour pouvoir faire ce choix ? Les sièges de IBM, Alcatel et Total devaient être bien proches...N'y aurait il pas une petite coquetterie là dedans ? En fait, ce que cela donne comme effet, c'est que le Président de Total était un jeune rebelle, qui ne se laissait justement pas impressionner par les chansons sur les valeurs de l'entreprise; non, lui c'était un pragmatique, il avait choisi Total parce que c'était le plus près de chez lui...

Ce qui est drôle aussi c'est que depuis ses 22 ans, il n'a pas quitté le Groupe. Il aura passé toute sa carrière professionnelle dans la même entreprise, ce qui est, paraît il , de plus en plus rare...

Ce que nous dit cette anecdote, aussi, c'est que, peut être,  le lieu où se trouve l'entreprise détermine  un peu le style et la composition de son personnel.

Sauf à se persuader que les bêtises du jeune Christophe de Margerie ne sont plus de notre siècle où tout le monde est mobile....

Pas si sûr ...


Bienvenue à bord

Onboard2 En avion, ça a l'air simple : Mesdames et Messieurs le commandant de bord et son équipage vous souhaitent bien venu à bord. On vous détaille les consignes de sécurité, puis les hotesses et les stewards sont à nos petits soins pendant tout le vol...C'est super...

Dans l'entreprise, c'est pas toujours aussi évident...L'étape de "on boarding" comme on dit, elle consiste souvent à laisser livrer à lui même l'employé tout nouvel embauché qui se présente dans son beau costume, un matin, pour ses premiers jours de travail...

Lou Gerstner raconte dans son livre "J'ai fait dansé les éléphants", comment il a été reçu, lui, le Président Monde de IBM, pour son premier jour, c'était un 1er Avril 1993 :

Quand il arrive, la porte d'entrée est fermée. A côté de la porte, il y a un lecteur de badges, mais, comme c'est son premier jour, il n'a pas encore son badge. Alors, il frappe sontre la porte en verre. Aprés quelques instants, une femme de ménage, à l'intérieur, le repère, et l'observe avec inquiétude et sceptiscisme; et finit par lui ouvrir, toujours un peu inquiète, et le suspectant d'être un intrus de l'extérieur...

Mais ces drôles d'accueils non préparés, on les retrouve dans de nombreuses histoires...Il est souvent amusant de se faire raconter ces premiers instants, voire de se rappeler des siens dans son entreprise. Souvent, le constat est désespérant : le "on boarding" ressemble à un gros système D, où chacun a intérêt à se débrouiller...

Le sujet devient un vrai problème quand on découvre, comme ICI, que 4% des nouvelles recrues ne reviennent pas la semaine suivante à cause d'un manque d'intégration !

En effet, entrer dans une entreprise, c'est déjà toute une histoire technologique aujourd'hui : les codes, les badges, les ordinateurs, les téléphones mobiles, codes de la photocipieuse,..oui, pour certainesz entreprises, comme les banques, ou sociétés informatiques, qui recrutent des milliers de personnes par an, c'est la galère...D'où les logiciels qui se proposent de les aider.

Mais, le vrai problème de "on boarding" auquel les outils et logiciels ne peuvent rien, il est plutôt d'ordre managérial, et là, le cafouillage devient un vrai délire...

Arnaud, jeune bloggueur entré fin décembre (le 26 décembre précisément, quelle idée !) m' a fait le scoop de m'envoyer son rapport d'étonnement, et de m'autoriser à en faire une utilisation pour ce post de blog...Merci Arnaud, pour ce témoignage de première main..

Alors, Arnaud, entré le 26 décembre, dans une entreprise qu'il appelle GBQPB (Grosse Boîte Qui Paye Bien), il a l'impression :

"...d'avoir été poussé dans le grand bain sans savoir nager.."

Le 26 décembre, il arrive, comme Gerstner chez IBM :

" On m'a préalablement communiqué le nom de la personne en charge de m'accueillir : ça commence bien !

J'arrive à l'accueil ponctuel, demande à la demoiselle de l'accueil de m'annoncer, mais cette personne n'existe pas ...Enfin, si, mais l'annuaire du Groupe est en panne...

Au final, la personne est en retard, elle a pris soin de m'envoyer une de ses homologues à sa place...

L'homologue me guide et me parle un peu d'elle.

Grand Chef arrive; présentation rapide de l'entreprise, rendez-vous avec les RH pour faire mon intégration administrative, retour dans le bureau du chef. Elle a pris des rendez-vous avec les personnes présentes, m'informe qu'elle me communiquera mes objectifs par mail, qu'elle reste disponible pour qu'on échange".

Et là, Arnaud va connaître un mois surprenant :

" Depuis ce jour, je ne l'ai revue que le 26 janvier,...

Et le pire, c'est le contenu du dialogue de ce chef "un mois aprés" :

"pour m'entendre dire que je n'avais pas été acteur de ma formation, de ma prise de poste, qu'elle attendait de moi beaucoup plus de formalisation de mes actions, qu'elle attendait mon plan d'actions équipe (qui a changé déjà deux fois), que mes chiffres soient ma priorité...

Eh ben...

Il le dit avec toute sa sincérité, Arnaud :

" Je me suis pris mon premier entretien avec mon N+1 dans le bide !"

Mais Arnaud (que je ne connais que par dialogue de blogs) m'a l'air tenace et pas du genre à se décourager :

" passons sur cette expérience regrettable qui dans un mois et demi, fin de ma période d'essai, sera un mauvais souvenir. J'ai déjà vécu une belle expérience humaine. J'ai rencontré mes collaborateurs, écouté, pris des notes sur les modes de fonctionnement de l'entreprise; j'ai aussi appris qu'il ne faut pas confondre ambiance conviviale et sentimentalité. "

Parce que, Arnaud, il pensait que si tout le monde a l'air cool dans la GBQPB, c'est qu'on s'aime, et il s'apperçoit que les codes, les rites, de son entreprise sont plus complexes et subtils que ça...

Il a découvert que ce qui fait qu'il s'intègre, c'est le système Débrouille. Il doit répondre aux questions des collaborateurs de son équipe, alors qu'il ne connaît qu'une toute petite partie des réponses. Et il se sent un peu paumé.

Alors il termine son rapport de Grand Etonnement pour moi avec un cri du coeur :

" Qu'est donc être un bon manager ?

Comment on reconnaît un bon manager ?

Et comment on mesure ma performance ?"

Et il me promet une suite : " Réponse le 26 février"...quel suspense...

Que dire de ce témoignage plein de sincérité et d'émotion ?

J'ai retrouvé quelques principes de "bonnes pratiques pour le On Boarding" que, manifestement, l'entreprise où a atterri Arnaud ne pratique pas trop.

C'est un papier de Victoria Reese, que l'on trouve ICI.

Alors, il faut faire quoi pour un bon "On Boarding" ? Quelques bonnes pratiques que je retiens de Victoria :

- minimum de perturbations sur les aspects administratifs : le badge pas prêt, la porte fermée, la personne qui doit recevoir est en retard : tout ça, c'est typiquement ce qui va faire mauvaise impression tout de suite ...(Là, l'entreprise d'Arnaud, elle a pas été top top...), Ce sont tous ces petits détails qui déconnent qui vont griper le système.

participation des collaborateurs clés : le process de "On Boarding" devrait associer les chefs, mais aussi les subordonnés, pour assurer la bonne intégration. Le programme de "On Boarding" doit donc prévoir que le nouvel embauché va rencontrer, ou au moins identifier, toutes les parties prenantes qui vont travailler dans son environnement..(là encore, Arnaud, il a pas été trop gâté)...Il faut aussi anticiper les conflits et difficultés : si le nouvel embauché succède à quelqu'un qui est parti en retraite, il est bon qu'il le sache, et comprenne le style auquel il va succéder...

- connaître ses pairs : il est important que le nouvel embauché connaisse et dialogue avec ses pairs, ceux qui comme lui sont des nouveaux embauchés; il va pouvoir échanger sur ses étonnements, et il va aussi pouvoir interroger ceux qui ont été embauchés un peu avant lui, et qui vont lui passer tous les bons trucs qui permettent de bien s'intégrer...(Arnaud, lui, il a l'air bien seul, et c'est moi qui déchiffre son rapport d'étonnement..);

- communiquer la culture : le nouvel embauché va devoir connaître la culture de l'entreprise où il arrive, et il est important de l'aider à la comprendre. Il est notamment utile de comprendre la culture de l'entreprise où il était avant, et de bien repérer, et lui communiquer, ce qui est différent dans l'entreprise où il arrive maintenant..C'est le genre de discussion utile sur les valeurs et la culture que doti faire le responsable hiérarchique (Arnaud, lui, il n'a eu droit qu'à la promesse qu'on lui communiquera les objectifs..."par mail" !!!).

- donner les bons feedbacks pendant les premières semaines (et pas attendre un mois..),

- aprés les feedbacks, faire le plan d'action pour permettre de poursuivre la bonne intégration..

Bon, en clair, ces bonnes pratiques sont des évidences, mais ne pas y penser, c'est prendre de gros risques sur le "On Boarding"...

Eh ho, Arnaud, ta GBQPB, si elle paye bien les Arnaud, elle devrait peut être aussi payer des consultants sympas pour être un peu plus pro dans le "On Boarding"...

Allez, bon courage...et bienvenue à bord des "Grosses Boîtes Qui sont pas trés Pro dans le On boarding"...

On se fait la suite le 26 février...


La fin du temps de travail ?

Horloge_3   Au XIXème siècle, certains travailleurs travaillaient "aux pièces", c'est à dire qu'ils étaient payés en fonction des pièces qu'ils produisaient. Un temps oublié...

Cette pratique a disparu, interdite, pour un changement majeur, perçu comme un progrès social : maintenant, les travailleurs salariés seront payés en fonction du temps de travail. Finies, ces pratiques d'esclavage, cette course à la productivité.

Et ce sujet du "temps de travail" est devenu LE sujet de discussion pour les syndicats, pour les joutes politiques.

Rappelons nous les grands moments : 1936, les quarante heures, et, grâce à Martine Aubry, les 35 heures...

Alors ensuite c'est quoi ?

Et bien, si l'on en croit le dossier de Harvard Business Review de Février sur les tendances en management pour 2008, les jeunes ne veulent plus qu'on leur parle de temps de travail, et veulent revenir aux pièces.

Ces jeunes dont on parle, ce sont ceux de cette fameuse Génération Y, nés aprés 1980. Ce sont ceux, du moins les plus diplômés et les plus talentueux, que les entreprises s'aarachent et vont s'arracher de plus en plus, car, tout le monde nous le dit, c'est maintenant la "guerre des talents" qui fait rage..

Alors, pour gagner dans la guerre des talents, les dirigeants et leurs DRH (qui sont eux plutôt des baby boomers qui ont du mal à comprendre les Genérations Y), ont intérêt à comprendre ces tendances de fond, si elles sont exactes.

Les Gen. Y, comme les appelle HBR, pensent qu'ils sont capables de traiter les tâches qui leur sont confiées par l'entreprise plus vite que ne le font les employés plus âgés. Parce qu'ils maîtrisent mieux la technologie et tous les outils informatiques, mais aussi parce qu'ils ont de plus grandes capacités à coordonner des tâches de façon électronique; ils ont moins besoin de planifier. C'est pourquoi ils ne voient pas l'intérêt de se conformer à des horaires fixes de travail, et supportent encore moins qu'on leur demande de commencer (et de finir) à heure fixe : pourquoi faut il être là à 9H00 ?

Ils pensent et agissent de façon asynchrone; ils se sentent plus à l'aise dans un contrat basé sur les tâches effectuées, et les résultats, plutôt que dans un contrat indiquant le temps de travail, qui paraît une notion désuète.

Cette attitude face au travail remet en cause les pratiques habituelles de leurs aînés : à quoi servent toutes ces réunions où on n'avance pas ? Ils connaissent et se persuadent qu'ils ma^trisent des techniques plus efficaces pour faire travailler ensemble des groupes et équipes. Les pratiques des aînés semblent encombrées de perte de temps et de lenteur...

Un nouveau "code du travail" est attendu par cette génération :

- être redevable sur les résultats obtenus, et non sur la présence physique au bureau, et encore moins sur la participation aux réunions ( qui est optionnelle),

- évaluer la performance sur la qualité du travail effectué, et non le temps passé,

- aider les employés et les managers à apprendre à mesurer la motivation autrement que par le temps passé au travail,

- utiliser toutes les possibilités des réseaux pour permettre aux employés de travailler à n'importe quel moment, de n'importe où : cette habitude prise à travailler avec son téléphone mobile à tout moment...

Si tout cela se confirme, c'en est fini de la définition du travail comme un endroit où des employés viennent pour une période de temps donnée (jounée de 8 heures), à un endroit donné. Maintenant les entreprises deviennent, dans cette conception, des lieux de rencontres, de passage, d'échanges, avec des espaces ouverts, de nouveaux aménagements de bureaux.

Ces tendances, probablement, vont se retrouver plus rapidement dans les secteurs où les technologies sont les plus présentes, dans l'industrie du logiciel, des services informatiques; mais, avec des variantes, elles vont aussi pénétrer progressivement les autres entreprises.

Bien sûr, pour se consoler ou se rassurer, cetains peuvent se dire que ces histoires de Générations Y, c'est du gros bla bla; ou bien c'est trop américain,...: quoi, Génération Y ? Un peu de discipline et de rigueur, et on n'en parle plus, de ces comportements de rebelles barbares...Et puis, il suffit d'éliminer ces dangereux individus, et de recruter ceux qui sont "normaux"...(mais sont-ce ceux qui vont assurer la meilleure performance pour l'entreprise ?).

On peut se persuader comme ça, mais on peut aussi penser que les Gen. Y n'ont pas fini de rendre ringards les DRH qui essayent désespérément de les contrôler et de les faire rentrer dans le rang.

C'est peut être le bon moment pour les entreprises de s'en préoccuper, et de repenser de nouvelles pratiques de management et de gestion des Ressources Humaines, Parce que les baby boomers, il va y en avoir de moins en moins dans nos entreprises, alors qu'il y aura de plus en plus de Gen. Y...Et puis, aprés il y aura les Z...ça ne devrait pas s'arranger...