Conquête de style
20 février 2008
Quand on parle de performance pour un manager ou un cadre, on parle souvent de compétence.
C'est vrai que celui qui démarre sa vie professionnelle, sortant de ses études supèrieures, va spontanément se mouler dans ce modèle où, pour progresser, il faut acquérir des compétences, de l'expérience, et, pour être bien évalué et reconnu (promu), fournir des résultats qui attesteront de cette compétence.
Pour avancer dans cette progression, il va s'efforcer de reproduire les modèles existants, et d'apprendre de ses managers les bonnes pratiques, ce qu'il faut bien faire pour être performant. Il va, si il est chanceux, ou opportuniste, se trouver un mentor, celui qui lui apprendra vraiment, qui lui transmettra son expérience.
Et puis, il va arriver un moment où ce système de performance et de réussite va plafonner, vers 35 ans, selon certains, même si l'âge n'est pas le seul critère.
Pour que la progression continue, il va falloir que le manager trouve son propre style d'efficacité, qu'il lâche les modèles pour exprimer sa propre façon de faire, de manager, de conduire ses collaborateurs.
Certains, on en connaît tous, n'y arrivent jamais, et deviennent avec l'âge des experts vieillissants, que l'on va écouter de moins en moins, et qui vont s'acheminer vers une carrière de pré-retraité languissant et pathétique.
Deux variantes à ce destin :
- ceux qui vont continuer à croire que pour réussir et être plus performant, il faut toujours en faire plus et se fixer des défis de plus en plus grands : le vendeur qui vendait 100 par an se fixe de passer à 200, puis à 300. Dans cette vie professionnelle rythmée par des chiffres de plus en plus gros, le manager se met en sur régime, oubliant sa santé, mentale comme physique, et se précipite vers l'accident...entraînant parfois ses collaborateurs, qu'il tyranise, dans sa chute certaine.
- et puis il y a, à l'inverse, ceux qui se mettent à considérer que leur vie personnelle devient plus importante que la performance professionnelle, et qui vont baisser leur envie de défi, qui vont se donner comme priorité de maîtriser leur vie. Conséquence sur leur activité professionnelle : une certaine langueur, de la molesse, de l'ennui. Ce sont ces managers qui vivent leur temps au travail de façon inerte, qui rêvent des parties de pêche qu'ils feront quand ils seront à retraite, qui déclinent en performance, et que les entreprises vont garder sur les bras ou dans un placard en attendant que cela finisse.
Bien sûr, il y a une voie médiane, celle que l'on pourrait appeler la "performance durable", qui évite, passé 35 ans, le piège du sur-régime stressant et le piège du sous régime et de l'inertie.
C'est ce que Meryem Le Saget appelle "la conquête du style" dans un ouvrage un peu ancien, mais toujours intéressant, "le manager intuitif".
Pour trouver son style personnel d'efficacité, conquérir son style propre, et poursuivre sa trajectoire professionnelle sur un trend de "performance durable", elle nous donne quatre conseils, qu'elle est allé chercher auprés d'auteurs divers, mais synthétise avec talent :
1.Retrouver son rythme
Jusqu'à un certain âge, le carburant principal de l'activité professionnelle, c'est l'énergie. et la capacité que l'on a de récupérer aprés des pèriodes de travail intense ou de stress. Les problèmes surgissent quand les résultats sont de moins en moins satisfaisants, que les périodes de fatigue sont plus fréquentes, ou quand la première semaine de vacances consiste à "récupérer"...
Retrouver son rythme, c'est reprendre contact avec soi-même, avec nos rythmes biologiques, retrouver le plaisir des gestes simples :prendre un café avec un ami, regarder autour de soi sans but précis, juste pour le plaisir,...à chacun ses expériences...et son style.
On reconnaît facilement ces personnes qui dégagent de la sérénité, qui inspirent confiance et adhésion, qui ont une forme d'élégance dans l'action. On les reconnaît d'autant mieux quand on les compare à ceux qui sont tout le temps excités, agressifs, autoritaires, sous tension, et à qui on n'aimerait pas ressembler.
2. Jauger son impact personnel
Evaluer sa propre performance au regard d'une succession de chiffres (les ventes, la productivité,...), conduit à un certain abrutissement et au risque de lassitude. Jauger son impact personnel, c'est prendre le recul pour connaître sa responsabilitén redonner du sens à son action. Elever sa performance durablement, c'est prendre cette hauteur, élever son niveau de responsabilité, et non seulement atteindre des "targets" qu'on ne comprend pas.
Cet exercice est personnel, mais il est aussi collectif, car ce sont les équipes, collectivement, qui doivent prendre une telle hauteur.
3. Reconnaître ses points forts
Il s'agit là de reconnaître, d'identifier, ses "qualités fondamentales", celles qui nous rendent authentique, vrai. On ne parle pas là de cette fausse modestie, où l'on va rejeter toute appréciation positive venue des autres, en pensant qu'ils se trompent, ou qu'ils exagèrent. Non, ces "qualités fondamentales" ce sont celles que l'on a identifiées en soi, que l'on respecte, qui nous accompagnent dans notre progression. Elles sont présentes d'abord dans notre vie sociale, notre vie privée, et les amener comme une matière vivante pour nourrir notre vie professionnelle va donner ce style. Il vaut mieux cette nourriture que de se nourrir, inconsciemment, des névroses des autres et des pathologies de son patron.Ces qualités personnelles et fondamentales vont donner la puissance qui permettra à l'embarcation de garder sa force et sa sérénité contre vents et marées.
4. Se libérer du passé
Se libérer du passé, c'est remettre en cause toutes les croyances, tous les modèles ou habitudes. C'est prendre conscience de manies qui ne constituent pas des traits de notre vraie personnalité mais au contraire la baillonnent. Croire que quand on dit du bien de moi c'est qu'on cherche à me manipuler, voilà un bon exemple de ces poisons, qui viennent d'une histoire personnelle, peut être de l'enfance, et qui vont miner tout développement professionnel (personnel aussi).
Se libérer , c'est porter un regard neuf sur ce qui nous entoure et ce que Meryem appelle "le supermarché des images", c'est à dire toutes les projections des gens qui nous entourent, et viennent s'ingérer dans notre vie.
Ces quatre conseils bien précieux, ce sont, selon l'auteur, les clés de la Haute Performance, c'est à dire de la vraie performance, celle qui nourrit et développe l'individu, tant d'un point de vue professionnel que personnel. C'est à une réconciliation entre la vie personnelle et ce que l'on appelle "le travail" que nous appelle l'auteur.
Le travail et la performance de l'entreprise ne sont pas synonymes de stress et de maladie; la conquête du style comme facteur d'excellence le démontre.
A l'heure où l'on pose dans les entreprises le problème du goût pour le travail, et du travail des seniors, ces questions ne sont pas innocentes : c'est en posant bien avant, pour l'entreprise et pour soi-même, de nouvelles bases pour la performance, que l'on répondra. Et non en limitant la vie de l'entreprise et le pilotage de sa performance personnelle à des "targets" toujours plus ambitieux, des compétitions de chiffres, et des jeux de pouvoirs stériles.
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