Previous month:
décembre 2007
Next month:
février 2008

Bandes d'englués !

Glue Dans une petite entreprise, tout le monde se connaît, on se dit bonjour chaque matin. Dès que le petit dernier de Josiane est malade, tout le monde est au courant. C'est sympathique...

Mais dans la grande multinationale, avec des usines et des bureaux partout dans le monde, c'est une autre histoire.

Alors, certains, surtout les "Directeurs des Ressources Humaines", se torturent pour trouver ce qui va faire que tout ça marche ensemble, que tous les employés se sentent dans la même boîte, parfois sans jamais se rencontrer. Drôle de fantasme, non ?

Chez Thalès, par exemple, il paraît que denis Ranque, le Président, appelle ça "la glue"...C'est quoi ce truc ?

C'est ce qui fait le lien entre tous les collaborateurs : les valeurs auxquelles il faut "adhérer" (ça sert à ça la glue !), les comportements, etc..Chez Thalès, aprés une période où le comportement était un peu hégémonique, lors des premières acquisitions, c'est devenu une glue plutôt légère, où le lien se réduit aux valeurs partagées, mais où toutes les sensibilités culturelles s'expriment (du moins selon les DRH).

Dans d'autres entreprises, la glue est  plus forte : il y a un "dress code" (on s'habille d'une certaine façon, et c'est valable pour tout le monde dans le monde entier), le "management book" (tout ce qu'il faut savoir par coeur et respecter pour être l'employé modèle). Tout le code de l'entreprise domine les différences individuelles ou culturelles.

On comprend bien l'intention (quoique..), mais quand même cette histoire de glue à laquelle on se colle, comme dans un piège, c'est bizarre, non ?

Et puis, cette histoire de valeurs auxquelles on adhère, est-ce un véritable critère de recrutement et de maintien dans l'entreprise ? Pour les fanas de glue, c'est sûr : personne ne peut rester dans l'entreprise si il n'adhère pas aux valeurs, aux croyances. Ok, mais en fait, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit souvent, que ces "valeurs" , ce sont toujours les mêmes dans pratiquement toutes les entreprises, au point que les cadres qui changent d'entreprise n'ont généralement aucune difficulté à changer de glue et de valeurs...ça ne serait pas un peu bidon, tout ça ?

C'est en tous cas ce que pense un DRH de la zone europe d'un groupe américain, venu témoigner avec beaucoup de provocation lors d'une table ronde  à laquelle j'ai assisté la semaine dernière...(tellement incroyable que je n'ose même pas dire son nom , de peur de lui faire attirer des ennuis par son "glue manager" en chef ..)

Il nous a raconté que le big boss du groupe envoit régulièrement, depuis les Etats Unis, des messages sur les boîtes vocales de tous les employés du Groupe, dans le monde entier,en anglais, et que les DRH de chaque zone recevaient les noms de ceux qui avaient écouté le message jusqu'au bout (ça ce sont les bons englués), ceux qui l'ont écouté seulement partiellement (attention !), et ceux qui ne l'ont pas écouté (méfions nous )..

C'est vrai qu'un bon système de valeurs, une solidarité entre les employés du Groupe, ça a plutôt l'air d'une bonne chose pour la cohésion et la performance d'un Groupe multiculturel et international...

Mais, là, ces histoires de glue extra forte ça m'a ...comment dire....scotché !


La responsabilité sociale cache-t-elle l'incompétence ?

Corporation La responsabilité sociale, c'est le mot chic pour parler de l'entreprise responsable.

C'est l'entreprise qui, pour prendre des décisions et évaluer sa performance, prend en compte des critères non strictement financiers tels que l'environnement, le bien être de ses employés, les conditions de travail, le respect des droits humains et sociaux,...

On se demande quelle entreprise oserait se démarquer de tels discours, même si il semble que cette fièvre touche plus les pays protestants et anglo saxons que les latins. Une faute sur la responsabilité sociale dans un pays protestant, et c'est la chute libre de la réputation, tant parmi le public et les clients que parmi les investisseurs. Il semble que dans les pays latins, on communique, mais finalement c'est un critère moins sensible dans la réalité pour la réputation.

Le Monde rendait compte dans son supplément Economie de mardi 22 janvier du prix  remis par le Forum pour l'investissement responsable (FIR), qui récompense des travaux de recherche et des publications sur ce sujet de la responsabilité sociale de l'entreprise.

Le prix du meilleur article a été attribué à Giacinta Cestone et Giovanni Cespa, deux professeurs de l'université de Salerne (Italie) sur un sujet formidable : et si les dirigeants qui invoquent la responsabilité sociale et tentent de s'attirer la sympathie des ONG protectrices de l'environnement et des salariés le faisaient pour masquer leur incompétence et leur innefficacité à diriger correctement (c'est à dire rentablement) leur entreprise ?

Quelle audace ! On n'osait pas le dire. Pourtant l'enquête qu'ils ont menée est cruelle, apparemment. Elle concerne des dirigeants qui sentent leur incompétence, et leur risque de se faire éjecter de leur poste par le conseil d'administration, c'est à dire les actionnaires, et qui vont jouer de manoeuvres diverses pour rameuter les "stakeholders" (encore eux), et les médias sur la chanson : mes actionnaires sont des méchants, moi je suis le bon patron qui est tout gentil avec la nature et ses gentils employés, tout en emmenant son entreprise au fond du gouffre.

Ce qui est dénoncé ici, c'est en fait la fraude à la responsabilité sociale..Et aparemment ça marche assez bien; ils citent par exemple l'échec de l'OPA de Krupp-Hoesch sur Thyssen qui a échouée grâce à ce genre de manipulation.

C'est vrai que cette sorcellerie semble diablement efficace; qui oserait accuser d'imposteur un dirigeant qui clamerait autant sa responsabilité sociale ? Aprés tout, les profits, c'est sale, pas important, non ? ça n'intéresse que les cochons de financiers...

Alors Marie-Béatrice Baudet, qui a interrogé pour le Monde ces deux lauréats diaboliques, pose LA question qui nous brûle les lèvres :

"Comment éviter les dérives que vous évoquez ?"

Et oui...

La réponse n'est pas trés encourageante, car elle ne propose pas de véritable antidote :

"En formalisant du mieux possible les codes éthiques, de bonne conduite et de responsabilité sociale, afin de ne pas les laisser à la seule discrétion des cadres dirigeants. Car ceux-ci peuvent, comme nous le montrons, avoir la tentation de les instrumentaliser".

En fait, cela veut dire qu'il faut contrôler (les actionnaires ? ou la police ?) les dirigeants qui sont vraiment des gros menteurs et manipulateurs...

Je ne sais pas si c'est cette idée qui a séduit le jury (comprenant des représentants d'entreprises et des professeurs), mais cette histoire de code, qui peut y croire ? Il faut être un peu naïf pour croire que ce sont les codes qui changent les comportements. Comme si l'on disait que c'est le code de la route qui fait changer les comportements au volant et les accidents !

Je ne connais pas Salerne, mais mes souvenirs de la circulation en ville en Italie me font croire que ça ne doit pas être différent de chez nous (voire pire diront certains) dans le pays de Giacinta et Giovanni .

Alors là on parle de "code éthique" : ça va être le nouveau truc à la mode pour parler de l'entreprise; on voit d'ailleurs de plus en plus de "directeur de l'éthique" dans les organigrammes. J'ai eu la chance d'en rencontrer une (oui, une femme) dernièrement; elle était justement en train de faire une super plaquette avec couverture cartonnée et plein de photos sympas, sur le sujet...ça doit coûter cher ce genre de document, mais, forcément, l'éthique, ça n'a pas de prix...

Ce qui est sûr, c'est qu'il ne suffit plus de raconter n'importe quoi sur la responsabilité sociale pour être au chaud; si même les chercheurs viennent chercher des histoires, ça va être plus dur...Et les directeurs de l'éthique qui reprennent la propagande...

Reste que ce genre de recherche et de lauréats ne va pas contribuer à arranger l'image de l'entreprise, encore une fois...Quand même, tous les dirigeants ne sont pas ces menteurs manipulateurs...

Et derrière ces recommandations anodines de mieux contrôler et formaliser les "codes éthiques", on n'ose imaginer les perspectives de bureaucratisation et de chicaneries qui peuvent en sortir...

Encore une fois, cela démontre aussi le poids de plus en plus fort des actionnaires sur les dirigeants à qui on n'autorise plus n'importe quoi...

Une profession doit se réjouir de ces discussions : celle des auditeurs, consultants, et agences de cotation et de communication en tous genre...qui vont se dépêcher de proposer tout ce qui va bien en terme de "formalisation"...

Comme d'habitude : le malheur des uns fait le bonheur des autres....


Un inconnu m'offre des fleurs

Fleurs Grâce au blog "marketing on the beach", c'était ma fête la semaine dernière...

Tanguy Pay, que je ne connais pas, mais qui a l'air d'être lecteur fan de mon blog, a commis ça :

"Ça fait un petit temps que je cherchais une occasion de parler de l’excellent blog Zone franche de Gilles Martin ; son récent décryptage d’un article paru dans le Harvardbusinessonline m’en donne l’occasion.

Gilles Martin est un consultant tel que je les apprécie : aucun cynisme, aucun pompisme, aucun angélisme (vs évangélisme) et une bonne dose d’humanité. Son truc à Gilles, c’est le management réaliste. Chacun de ses articles est teinté de théorie et de pratique, le tout observé du point de vue de l’humain de tous les jours, vous, lui, moi. Et je me dis que si j’étais un chef d’entreprise, n’ayant pas forcément le temps de me tenir au fait des dernières théories du management et désireux qu’on me parle en terme simples et clairs, je ferais appel à ce genre de consultant pour réviser/performer mes pratiques manageuriales."

Cela fait du bien de se sentir apprécié comme ça...

La suite est ici. Je suis désigné dans le genre "consultant utile"...

C'est parfois sympa la blogossphère, comme on dit. Merci Tanguy...

Et puis, cela m'a permis de découvrir "le marketing 2.0", ...encore !

J'y reviendrai...


Farinelli à l'horizon 2

Imagen_pelicula_farinelli_il_castra Farinelli, c'est ce castrat dont le film de Gérard Corbiau, de 1994, retrace la vie de chanteur qui enthousiasmait les foules et notamment les dames. Celles-ci prolongeaient parfois le concert dans son lit, où, au moment de la conclusion, il se faisait remplacer par son frère ...

Il y a dans l'entreprise un personnage qui ressemble un peu à ce Farinelli, c'est celui qu'on appelle le "Directeur de la Stratégie".

C'est vrai, la Stratégie, c'est la spécialité de qui dans l'entreprise ?

Généralement, on va vous répondre que c'est le job du Président, celui qui a été nommé par le Conseil d'Administration précisément pour ça, pour définir et conduire la stratégie.

Alors, le Directeur de la Stratégie, il sert à quoi ?

Toutes les entreprises n'ont pas cette fonction, d'ailleurs, et je connais des dirigeants qui l'assument sciemment, considérant justement qu'ils n'ont pas besoin de tels Farinellis, car ils sont capable de mener le concert du début à la fin...

Alors, les autres, pourquoi ont ils choisis d'avoir auprés d'eux un tel personnage ?

Cette fonction se développe de plus en plus, si l'on en croit la Harvard Business Review, qui lui consacre un article, signé Timothy S. Breene, Paul F. Nunes et Walter E. Shill (oui, ils écrivent à trois), dans le numéro d'octobre 2007.

La HBR n'évoque pas, bien sûr, Farinelli, mais tente de justifier l'existence de la fonction, et de nous donner les bonnes recettes pour l'exercer correctement.

En fait, la stratégie, quand est-ce qu'on s'en occupe ? Pas trés souvent, finalement, car le dirigeant est souvent accaparé par des sollicitations plus court terme, afin d'alimenter les actionnaires en résultats trimestriels. C'est ce que les auteurs appellent l'horizon 1.

Et puis, il y a aussi les envolées qui tentent de livrer une Vision, quelque chose que l'on voit de loin, une ambition, un rêve, quelque chose de lyrique qui se passe dans 10 ans environ. C'est l'horizon 3.

Et entre les deux il y a ce qui se passe dans les 2, 3 ou 5 ans qui viennent; c'est l'horizon 2.

Les auteurs ont même fait une étude pour fixer la bonne répartition du temps entre les trois horizons pour le Directeur de la Stratégie :

Horizon 1 : 25%

Horizon 2 : 39%

Horizon 3 : 36%

Et c'est cet horizon 2, et tout le pilotage de son exécution, qui gagne la course.

C'est ce job de fureteur dans l'entreprise, qui est libre de circuler dans tous les étages, qui est celui du Directeur de la Stratégie.

Ayant la délégation du dirigeant ,un peu comme son frère , il peut poser les questions dérangeantes, il peut proposer des idées nouvelles, ou les faire émerger en faisant travailler ensemble ceux qui ne rencontrent pas souvent.

Il est le réalisateur qui fait fonctionner les "usines à idées" dans l'entreprise. Il est celui qui incarne la créativité. Il convertit tout le monde dans l'entreprise pour exécuter la stratégie.

C'est aussi celui qui est obsédé par l'éxécution de la stratégie. Il a surtout des dons d'influenceur, et ne fonctionne jamais comme un dictateur.

C'est idyllique non ?

Dans les faits, je ne suis pas sûr que tous les Directeurs de la Stratégie ont cette superbe. Souvent ce sont des gens un peu isolés, qui passent leur temps à faire des "plans stratégiques" en couleurs, que personne n'utilisera, ou bien, encore plus cool, à payer les factures des consultants qui feront le boulot à leur place...Certaines entreprises vont même jusqu'à outsourcer cette fonction à des cabinets de conseils spécialistes en Farinelli...

C'est donc une vision rénovée, une réhabilitation, que nous proposent les auteurs pour la Direction de la Stratégie, et ils citent des exemples de sociétés américaines qui se sont mises à créer de tels postes (Motorola, Universal Pictures, Yahoo,..). Bien sûr ils ne parlent pas de la France (pour la Harvard Business Review, la France, c'est souvent "les petites îles"..on n'en parle pas trés souvent).

Ils insistent aussi beaucoup sur le couple que constitue le dirigeant avec son Directeur de la Stratégie. On croirait presque à une histoire d'amour.

Décidément,...

C'est une drôle d'histoire la Stratégie, finalement...On aimerait savoir comment ça finit.

Peut être faut il revoir Farinelli pour avoir la réponse...


Les M&Ms du mercredi

Mms SAS est une société de logiciel informatique qui me fait l'honneur de reprendre une des notes de ce blog dans leur site, à la rubrique Management (dans la colonne hypertextes à gauche des articles). Ils ne m'ont rien demandé, mais bon..C'est le post sur "Performance et affectif".

Je n'ai rien à voir avec cette société, mais je me suis souvenu d'un article que j'avais lu il y a quelques semaines à son sujet dans "The Economist". C'était le 1er décembre.

Cet article décrit cette entreprise, et surtout son patron, Jim Goodnight, comme étant réputée pour être gentille, super gentille avec ses employés. Et le patron interrogé explique pourquoi c'est un choix, et pourquoi il pense que c'est une source de bénéfices.

Exemples de choses super gentilles : le mercredi, il y a distribution gratuite de M&Ms au Siège, sur le campus de Cary, en Caroline du Nord...Cela symbolise la fantastique "employee-friendly culture" de l'entreprise.

Et l'article de continuer avec la liste de toutes les choses gentilles; c'est Noël tous les jours chez SAS :

- Tous les employés ont un bureau; il n'y a pas d'open space;

- Comme il y a des bureaux, il y a plein de murs à décorer avec des oeuvres d'art : le gentil Goodnight man en a mis 5000, plus des sculptures à l'extérieur;

- Les snacks sont gratuits et les cafés sont subventionnés (tiens; pourquoi pas gratuit aussi le café ?),

- Le campus offre aussi des super salles de sport, des crèches, et même un centre médical privé, qui permet à chacun de bien s'occuper de sa santé . Comme ça, chez SAS, il n'y a que 2,5 jours d'arrêts maladie par personne et par an....

Par contre, ce que n'offre pas SAS, ce sont des stocks options, car l'entreprise est 100% familale; tous les titres sont à Goodnight man...Il avait pensé à entrer en Bourse, mais il a renoncé car il ne voulait pas être contrôlé par des "analystes de 25 ans qui lui diraient comment gérer son business"...

L'article indique aussi que SAS est une entreprise super lucrative, sur un créneau à haute valeur ajoutée, et que Jim Goodnight est l'homme le plus riche de la Caroline du Nord, avec une richesse de plus de 9 Milliards de dollars...

L'article termine sur une petite pique à propos de ce philanthropique Mr Goodnight , en se demandant ce que deviendrait ce "management par la créativité" si les temps devenaient plus durs pour ses affaires...

Pas facile de se faire une idée précise de cette histoire. Est-ce qu'il faut marcher dans cette guimauve, ou bien s'en méfier, en suspectant une entreprise qui caline ses employés pour mieux les faire bosser dur ? Oui, c'est vrai, cela est pure imagination, je n'en sais rien, mais c'est vrai que ce genre d'histoires me laisse toujours un peu dubitatif. Ces employés heureux qui sautent de joie avec des M&Ms plein la bouche, qui font du sport ensemble , pour le plus grand bien du patron à 9 milliards de dollars qui possède toute l'entreprise...Je pense qu'il y doit quand même y avoir des employés qui font un rejet.

En fait, c'est un véritable dilemne : soit l'entreprise est accusée de manquer de reconnaissance et d'intérêt pour ses employés, soit on l'accuse de manipulation et d'endoctrinement. La marge de manoeuvre est étroite, et il est facile de faire des erreurs. Probablement, le critère de réussite est il la sincérité de la démarche. On constate aussi que ce sont souvent les entreprises détenues par leurs dirigeants qui recherchent, comme SAS, à fidéliser ainsi et à considérer comme un "club" leurs salariés. Mais la tendance s'étend.

En tous cas, si ces attentions marchent en terme de résultat et de performance, ça vaut le coup de s'y intéresser sèrieusement,

Seul problème pour moi : j'aime pas trop les M&Ms....


Réseaux dans l'entreprise : poison ou salut ?

Network_associate_meeting C'est une histoire que l'on entend depuis plus de dix ans, mais qui continue aujourd'hui.

Déjà, en 1997, le sénateur Tregouët en avait fait une commission et un rapport au titre trés chic : "Des pyramides de pouvoir aux réseaux du savoir"...

Oui, le sujet, c'est les réseaux.

On nous dit que les entreprises ne peuvent plus être dirigées et managées selon des modèles hiérarchiques, et que maintenant le truc dans le coup, ce sont les réseaux. Et puis les réseaux, ce n'est pas seulement dans l'entreprise, c'est dans la société toute entière, ça traverse les entreprises, les frontières, et puis internet, et bla bla bla, c'est le web 2.0, l'entreprise 2.0...Oui, tout ça on connaît...

Pourtant, les réseaux, c'est vieux comme le monde, non ? Et cela fait tourner le monde et les entreprises depuis bien longtemps, au grand dam de certains .

C'est Saint-Simon, déjà, qui avait décripté les réseaux qui tournaient, avec leurs codes et leurs signes secrets, autour du Roi Louis XIV, et que Emmanuel Le Roy Ladurie a trés bien analysé. Selon votre influence, vous pouviez avoir un strapontin ou un tabouret; votre proximité du frère de Roi vous donnait un pouvoir officieux parfois plus important que celui d'un ministre...

Cette comédie de Versailles est encore d'actualité dans nos entreprises, et c'est vrai qu'elle dépasse les hiérarchies : il y a les réseaux des anciens de telle ou telle école, où l'ENA et l'X ont droit aux meilleurs fauteuils, et de s'asseoir auprès du Roi lors des réunions du Conseil...Ce qui compte dans ces réseaux, c'est quelque chose qui excite les puissants et ceux qui veulent le devenir depuis toujours : le pouvoir.

Pour les promotions, les privilèges, les avantages, oui, les réseaux sont à l'oeuvre. C'est une spécialité en France, et ailleurs.

Et puis, à part les écoles, d'autres réseaux se constituent de toutes sortes, ou bien on les soupçonne de se constituer et d'être influents : oui, dans les années 30 l'antisémitisme se nourissait de ce type de soupçon (encore aujourd'hui peut être même); D'autres se constituent ou sont suspectés, avec toujours autant d'occasions d'entr'aide et de passe-droits, de copinage, du moins le croît on...

Il y a les grands classiques qui font le plus fantasmer, la franc-maçonnerie, l'Opus Dei, etc...Oui, ils sont de mèche, ils trustent tout, ...

Plus anodins, il y a les réseaux dits d'"influence"...Les bons vendeurs les repèrent, ceux qu'on appelle parfois les "mazarins" : ils ne sont pas trés visibles dans la hiérarchie, mais ont l'oreille (et bien sûr on pense aussi la couche) du patron...Autant d'histoires, jamais vérifiées, qui peuplent l'imaginaire de ceux qui voient des réseaux et des influenceurs partout, d'autant plus intéressant qu'il y a des histoires sexuelles en plus.

Et, si l'on n'est pas dans ces réseaux d'influences, il reste les réseaux de contestataires : les syndicats, les râleurs, les opposants de toute nature, savent aussi trés bien se constituer leurs réseaux dans les entreprises et à l'extérieur, pour se défendre et faire entendre leurs doléances collectives...

Alors, c'est sûr, pour certains dirigeants, pour qui "les réseaux d'entreprise" c'est cette foire aux privilèges aux magouilles, et aux complots de tous ceux qui veulent mettre la pagaille, le mot réseau donne des boutons...Et ils ont du mal à imaginer leur utilité. Ils aiment bien les hiérarchies, le pouvoir de leur réseau à eux, et surtout pas ceux des autres. Bref, les réseaux ont un goût de poison.

Pourtant certains, comme chez Renault, considèrent justement que ce sont leurs réseaux informels qui font la performance de l'entreprise.

Alors, qui croire ?

C'est vrai que ce phénomène de réseaux est extraordinairement efficace parfois. Cette capacité à s'entraider, à résoudre ensemble les problèmes, à constituer les équipes qui vont bien s'entendre, on en rêverait...Surtout si l'on compare aux diffcultés à faire marcher tous ces montages complexes d'organigrammes evec des matrices, des rattachements fonctionnels et hiérarchiques, des comités, des groupes projets, des commissions, tout un tas de trucs qui se marchent sur les pieds et entrent en conflits les uns les autres.

C'est pourquoi le sujet est constamment à l'ordre du jour des plans d'actions d'amélioration de la performance, et fait frétiller les consultants...

Ce qu'essayent de faire ceux qui tentent de dompter les réseaux, souvent aussi pour casser les baronnies des hiérarchies, c'est d'officialiser des réseaux plus formels, et de mettre en oeuvre des principes de management modernes, et non des passe-droits. C'est ce que Thomson a initialisé, avec les "réseaux de management". Le but est simple : faire que ça marche aussi bien qu'un réseau spontané, mais plus surveillé, plus contrôlé. Un peu comme une tribu de chats qu'on aurait castrés, qui deviendraient ainsi plus faciles à dresser.

C'est aussi la façon de promouvoir un management plus décentralisé.

Mais il serait stupide de croire que ces réseaux plus formels vont supprimer les autres. Et puis si l'on doit choisir entre le réseau des castrés et les autres, c'est vite vu...Donc les deux types de réseaux vont co-exister. Reste à trouver la raison d'être et le bon fonctionnement des réseaux formels de management.Pour l'entreprise, mettre en oeuvre des réseaux de management c'est finalement le moyen d'empêcher les réseaux poisons de faire la loi, et de donner un vrai socle de management transversal. C'est donc pratiquement un salut. Partout où seule la hiérarchie a droit à la parole officielle, ce sont les réseaux poisons qui vont prospérer.

Rob Cross, un professeur de l'université de Virginia, a commis un ouvrage cde référence sur le sujet, " The hidden power of social networks", repris, et co-écrit avec un autre professeur, Jeanne Liedtka, dans un article de Harvard Business Review .Cet article vise à nous donner un guide pratique pour mettre en place des réseaux formels dans l'entreprise.

Il nous donne de bons conseils pour structurer des réseaux de management permettant vraiment de faire s'exprimer les talents et la créativité, et de coordonner les actions.

Ce qu'il nous encourage d'abord à faire c'est de déterminer de quels types de réseaux exactement a besoin l'entreprise pour atteindre les objectifs stratégiques qu'elle s'est fixés.

Parfois on a besoin de réseaux capables d'adresser des sujets pour lesquels les solutions sont ambiguës, et où l'on a besoin de plusieurs spécialistes ensemble trés rapidement. Ce type de réseau,que Rob Cross appelle "customized Response", il est bien connu des entreprises de conseil par exemple, où se mettent en place des "communautés de pratiques" ou "centres de compétences", pour capitaliser et faire évoluer les offres et méthodologies.

Un autre type de réseau, c'est celui où les composantes de la question à traiter sont connues, mais où l'assemblage de ces composantes et la séquence de leur utilisation dépend de chaque situation. C'est le type de réseau où les protagonistes, par exemple, s'organisent pour mener un procès ou la procédure d'une opération chirurgicale, ou coordonner le contrôle aérien.. Rob Cross appelle ça les "Modular Response".

Enfin, le dernier type de réseau, c'est celui où il s'agit de répondre à des problèmes qui sont trés connus et standardisés, ainsi que les solutions . Le réseau sert alors à mettre en relation, de manière organisée, et permanente, tous ceux qui vont contribuer à la solution. C'est le modèle des call centers, où selon la question posée, le client est mis en contact avec le bon spécialiste pour son problème. C'est aussi comme ça que s'organisent les processus de gestion des sinistres des compagnies d'assurances. C'est le système des "Routine Response". Pour être efficace, ce type de réseau doit avoir bien défini les frontières entre les contributeurs, et les éléments qui déclenchent leur participation.

Ce que nous apprend cette typologie, c'est à nous poser la question : de quels types de réseaux avons nous vraiment besoin ? Et puis, ensuite, d'adapter les règles de fonctionnement, les délégations de responsabilités, en fonction de chaque type de réponse que l'on veut apporter aux différents types de problèmes.

Si nous ne nous posons pas ce genre de questions, alors les seuls réseaux qui fonctionneront correctement seront ceux des rumeurs et des copains, les autres restant des réunionites ou des échanges de mails sans aucune efficacité .

Oui, pour que les réseaux soient autre chose que du poison, il faut y mettre un peu d'organisation,..mais pas trop non plus, car, dans ce domaine, comme dans bien d'autres dans l'entreprise, le mieux et l'ennemi du bien, et la bureaucratie n'est jamais bien loin.

Les réseaux, on n'a donc pas fini d'en parler dans nos univers professionnels et dans la société en général.


2008 est elle une bonne année ?

Avenir La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne le futur...

Je ne sais plus qui a sorti cette phrase, mais elle est effectivement pleine de bon sens.

Alors que certains font des plans, prennent des décisions pour l'année, d'autres , en effet, font des prévisions. C'est un métier à part entière, et ils ont un business pérenne, car c'est incroyable combien on aime bien savoir l'avenir.

Bien sûr, la version la plus populaire, c'est les voyants, les diseuses de bonne aventure...

Mais, dans les entreprises, dans le monde sèrieux, ce sont les analystes, les économistes, et, forcément, toutes sortes de consultants, qui vivent aussi de cette angoisse de ceux qui désespèrent de ne pas tout connaître, et cherchent toujours plus de "bonnes pratiques", de "benchmark", d'"oeil neuf".

Toutes ces institutions diverses, d'études, de recherche, de statistiques, de marketing, vivent de ce business qui consiste à expliquer le futur.Souvent leurs discours consistent à interprêter l'écoute qu'ils s'efforcent de satisfaire. D'où le caractère trés pervers de ce système.

Forcément, la meilleure saison pour exercer cette écoute perverse et ces discours, c'est maintenant, au moment du changement d'année.

Alors pour 2008, ça sera comment ?

Il y a ceux qui ont choisi le registre : on est foutus, ça va aller mal, discours avec une arrière pensée politique, spécialité de ceux qui sont dans le camp des opposants. C'est le discours de Michel Rocard, dans le Nouvel Observateur, il y a quelques semaines ( le 13 décembre) : "La crise mondiale est pour demain "; C'est le discours classique sur les méchants de la finance, les "excès" de la financiarisation, la spéculation, toujours suivie de l'adjectif "effrénée", etc... Et les propositions pour s'en sortir, ça consiste à "règlementer" un peu tout,...Et il propose aussi un "changement de statut juridique de l'entreprise" : "Au lieu d'appartenir à des apporteurs extèrieurs de capitaux, elle doit être faite de la communauté des hommes et des femmes qui gagnent leur vie en partageant un même projet économique"...Oui, son truc à Michel Rocard, depuis plus de trente ans, c'est l'autogestion. 2008 ne sera pas trés différente pour lui...

Autre exemple, la presse "people économique". Le magazine L'Expansion de Janvier titre : "2008, l'année à hauts risques". C'est plus subtil, mais un peu du même genre. "Aprés un millésime 2007 excellent pour l'économie mondiale, 2008 s'annonce périlleux pour les pays industrialisés, Etats-Unis et France en tête". Et de nous lister tous les risques, de la flambée du pétrôle à la chute de l'immobilier, en passant par le krach boursier et la hausse de l'inflation. Là, on répond aux angoisses en les amplifiant...Même technique que dans les films de vampires...On aime être séduit par Dracula...

Pour trouver une façon plus optimiste de parler de 2008, il faut aller chercher la presse anglaise : The Economist publie un numéro spécial, "The World in 2008", avec en couverture un dragon chinois décoré des anneaux olympiques, et une photo de ...Nicolas Sarkozy (qui fait même un article dans ce numéro sur "France in a challenging world").

Ce numéro consacre notamment un article au futur...de la fururologie.

Et il nous apprend que justement, les grands bla bla sur le futur et ce qui va nous arriver, c'est plus du tout dans le coup.

Non, le bon futurologue, aujourd'hui, c'est celui qui s'intéresse aux micro-prévisions plutôt qu'aux grandes tendances.

En 1982, le best seller de la futurologie, c'était l'ouvrage de John Naisbitt, "Megatrends". En 2007, c'est "Microtrends", de Mark Penn, qui est le consultant en stratégie de Hillary Clinton pour les élections présidentielles de 2008.Pour être célèbre en 2008, il va falloir écrire "Nanotrends"...

Autre tendance : la fin des futurologues solitaires, qui donnent un avis d'"expert" sur tout. C'est fini. Maintenant, ce sont les foules qui sont "intelligentes" (voir le bouquin de James Surowiecki, "The wisdom of crowds"). Avec internet, on peut tout savoir, donc il suffit de demander aux foules et aux marchés ce qu'ils disent du futur pour le connaître...

D'où les nouveaux instituts qui prévoient le futur grâce à ces sondages de foules. Ainsi Newsfuture, la "bourse des prévisions" (sic!) a interrogé sur la capture de Ben Laden en 2008 : 15% de chances.

Enfin, selon l'article, pour être vraiment dans le coup quand on vous interroge sur le futur, surtout si vous souhaitez être considéré comme un futurologue réputé, c'est de dire :

"Je ne sais pas; tout est possible"

Dire qu'on ne sait pas vous rend tout de suite plus sympathique, plus ouvert, mieux vu. C'est LE conseil pour les politiques notamment. Tous ceux qui jouent sur le registre "je sais ce qui va arriver" se font jeter, sont considérés comme "arrogants", etc...

Voilà un conseil que l'on peut appliquer facilement.

Alors, cette année 2008, vous la prévoyez comment , vous ?

"Tout est possible"....

Sage prédiction....