Démosthénique
L'innovation et le syndrome du mess des officiers

Faut il être bête pour être discipliné ?

Caniche Bête et discipliné, on connaît la formule.

C'est la caractéristique de l'employé parfait, celui qui respecte les ordres, qui applique les procédures, qui obéit...la perle pour le manager, non ?

Pourtant ce qui dérange dans cette perfection, c'est le mot "bête"...ça donne pas envie; et on a l'impression qu'avec une équipe constituée de tels éléments, on ne va pas aller bien loin dans l'innovation.

Naturellement, quand on a un peu de fierté et de confiance en soi, on aime plutôt se sentir rebelle, libre, et non attaché par un chef qui nous adresse des ordres en permanence, et que nous appliquons sans conviction ni passion.

Pourtant, c'est un lieu commun dans de nombreuses entreprises : pour que tout fonctionne bien, il faut de la discipline, de l'ordre, et pour qu'il y ait de la discipline, il faut des employés obéissants, et qui la ramènent pas trop...

Afin de calmer les rebelles, il faut que les "managers" soient en état de contrôle et de surveillance permanents, afin d'éviter toutes dérives.

Il es clair qu'n croyant à de telles "évidences", nous ne sommes pas prêts d'innover en matière de management.

C'est justement pour nous ouvrir les yeux, nous apprendre à penser autrement, que Gary Hamel, dans une démarche proche de celle de Sutton et Pfeiffer, nous donne les clefs dans son ouvrage "the future of management", dont je poursuis la lecture.

C'est vrai qu'il faut de la discipline pour faire fonctionner correctement l'entrprise, et qu'un système complètement anarchique garantirait difficilement une performance stable. Mais là où l'"évidence" est fausse, c'est quand on croit que cette discipline impose d'avoir des employés bêtes et contraints. Le "comment" de l'entreprise disciplinée ET intelligente reste à inventer.

Gary Hamel cite quand même quelques pionniers intéressants, telle une entreprise de distribution (Whole Foods) où les équipes magasins ont la responsabilité du staffing, des prix, de la sélection des produits, et de la rentabilité de leurs départements. Les équipes sont évaluées chaque mois par rapport à des objectifs de rentabilité, et, quand ils atteignent ces objectifs, les membres de l'équipe, collectivement, reçoivent un bonus sur leur paye du mois suivant. Comme les bonus sont attribués à l'équipe, les membres de l'équipe ont un niveau de tolérance pour leurs collègues qui ne feraient pas le poids extrêmement faible. Le fait que la performance de chaque équipe soit visible et connue au sein de toute l'entreprise est un autre élément d'incitation à la performance. Dans ce type d'entreprise, la pression vient donc des pairs et n'a pas besoin de discipline imposée par le haut.

Autre exemple dans l'entreprise Gore (qui vend les produits en Gore-Tex) : les employés peuvent choisir les équipes et projets de recherche où ils ont envie de travailler. Ils peuvent dire non à une affectation qui leur est proposée. Ils ont aussi une partie de leur temps (20%) qui leur est réservé pour travailler sur n'importe quel projet qui leur fait envie. Mais ils savent aussi que le processus de management prévoit qu'ils seront évalués par au moins 20 de leurs pairs à la fin de l'exercice, et que cette évaluation déterminera leur rémunération.

Ce que nous apprennent ces expériences, et d'autres, c'est cette capacité à imaginer un système où la discipline est respectée et régulée sans nécessairement faire jouer la carotte et le bâton des chefs.La régulation par les pairs, et la solidarité des équipes, sont de bons exemples.

Quatre conditions reviennent souvent :

- les employés de base sont responsables de leurs propres résultats,

- les membres de l'équipe ont accés en temps réel aux données des indicateurs de performance,

- ils ont autorité de décision sur les variables clés qui influencent cette performance,

- il a une bonne cohérence entre les résultats, les rémunérations, et la reconnaissance.

Bien sûr, on sent bien que ces systèmes nouveaux remettent en cause les croyances de base les plus ancrées dans le management, et surtout déstabilisent ceux qui en profitent le plus : les "managers". Avec ces nouvelles approches fondées sur la responsabilité, on peut imaginer que l'on aura besoin de moins de "managers", du moins dans leur forme actuelle, et que c'est précisément cette caste des "managers" qui, cherchant consciemment ou inconsciemment à protéger leur situation, va lutter le plus fort contre toute évolution...

C'est pourquoi Gary Hamel aime bien parler de "Révolution" quand il parle d'innovation en management. C'était d'ailleurs le titre de son précédent livre, qui se prolonge en fait avec son dernier. Ce sont peut être les cadets de l'entreprise qui permettont cette révolution.

Intelligent, révolutionnaire, et...discipliné....une nouvelle forme de participation pour l'entreprise; c'est comme si on peignait les pattes et les oreilles du chien en jaune et le corps en violet...il va falloir s'y habituer...

Commentaires

laurence Pouthier

Bonjour,

C'est dans un hub de discussion sur LinkedIn et avec des professionnels de Chicago que j'ai entendu parler du livre de Gary Hamel. J'aime bien ce que vous en dites.

Souhaitez-vous particper à notre échange?
http://fr.linkedin.com/in/lpouthier
@+

Laurence Pouthier

Jean David

Bonjour,

J'ai lu le livre de Hamel et je l'ai trouvé franchement rafraîchissant...enfin!!! Je crois sincèrement qu'une entreprise qui se dote d'une véritable culture d'innovation est une entreprise qui acquiert sa liberté et qui peut pleinement envisager évoluer à son rythme, à sa mesure, guidée par l'apport quotidien de sa plus grande richesse: ses employés.

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