Parole d'obsédé
Manager de rêve

Une grenouille dure à cuire

Boiling_frog C'est une histoire, une allégorie, qui apparemment date de 1987, dans un livre de Marty Rubin, cela fait donc vingt ans. A l'origine c'est un syndrôme dans une fiction lesbienne féministe et antifasciste...(que peu de personnes doivent effectivement avoir lue..) et puis c'est devenu une histoire de management reprise dans de nombreux ouvrages et conférences...C'est comme ça que je l'ai découverte (car je suis encore peu expert en fictions lesbiennes féministes et antifascistes..).

Comme toutes les allégories, qu'elles parlent de hérisson ou de singes, celle-ci, qui parle de grenouille, fait partie des bonnes histoires des conférenciers et consultants, car elle est efficace et inépuisable d'enseignements.

Alors, quelle est cette "belle" histoire ?

Imaginez une casserole remplie d'eau dans laquelle vous mettez une grenouille. Allumant le feu sous la casserole, l'eau va chauffer doucement, puis devenir tiède. La grenouille va trouver tout ça agréable, et continuer de nager, sans se douter de quoi que ce soit, et va s'engourdir doucement...jusqu'au moment où elle va finir par cuire et mourir, sans s'être jamais extraite de la casserole.

Autre expérience : plongée dans une casserole où l'eau est déjà à 50°, la grenouille va immédiatement donner un coup de patte salutaire pour s'en extraire, et ainsi sauver sa vie.

Olivier Clerc, dans son ouvrage " La grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite, et autres leçons de vie", revient sur cette histoire pour en tirer...des leçons de vie....

De quoi nous parle cette grenouille ?

Pour l'entreprise, elle parle de gestion du changement, de cette perte de compétitivité qu'on ne voit pas arriver, de signaux faibles qui ont manqué dans nos tableaux de bord pour nous avertir...Elle parle aux dirigeants qui se laissent endormir par le succès, et perdent l'obsession du client, etc... Elle conseille, pour éviter tout ça, de toujours se remettre en cause, de lancer plein de projets de changements (et de commander plein de missions à leurs consultants favoris...qui adorent les grenouilles qui sautent, pas celles qui se laissent cuire dans l'eau chaude).

Pour nous, pour notre vie personnelle, selon Olivier Clerc, elle nous parle de ces détèriorations lentes dans notre vie qui échappent à notre conscience, et ne suscitent la plupart du temps pas de réaction, pas d'opposition, pas de révolte..

Que nous faut-il faire pour ne pas finir comme cette grenouille ?

Il nous faut une conscience plus aiguisée : les automatismes, les habitudes, tout ce qui empêche d'être en conscience nous rend moins humain, et plus grenouille...Il nous faut prendre conscience de notre conscience, et ne pas nous laisser abrutir par un excès de stimulations sensorielles qui endorment notre conscience.

Il nous faut de la mémoire, car c'est elle qui nous fait prendre conscience du changement : quand le jour est fini, et que vient la nuit, on la reconnaît car on s'en souvient..Gavée par trop d'informations inutiles, notre mémoire s'émousse.

Il nous faut un vrai thermomètre, un étalon fiable à partir duquel on pourra aprécier la réalité de la situation et de ce qui nous arrive : si l'on se contente de notre confiance excessive en nos propres évaluations et perceptions, forcément subjectives, et que nous changeons souvent, au gré des informations et perceptions qui nous parviennent chaque jour, nous n'arrivons pas à comprendre les vraies choses. Olivier Clerc nous encourage à retrouver nos valeurs, nos principes, à nous forger une philosophie de vie, nqui nous permettra de survivre et de trier les informations, sans se laisser bercer par la chaleur dees eaux de toutes les casseroles dans lesquelles nous nageons...Si nous n'avons plus d'étalon, nous n'avons plus de repères stables.

Mais surtout, pour ne pas finir comme une grenouille cuite, il nous faut retrouver le sens de l'effort .

Dans un monde où l'on veut tout tout de suite, où le mot "effort" est indécent : on nous promet tous les jours de "perdre du poids sans efforts", de "devenir riche sans effort", etc...sans compter ceux qui nous disent "laissez nous faire; on s'occupe de tout"...

Oui, l'effort, c'est la parade à cet endormissement, à ce manque de volonté qui menace la grenouille.

Finalement le message est simple : conscience, mémoire, étalon fiable, se sortir du bouillon de la culture ambiante qui nous endort, sens de l'effort et du dépassement de soi.

Des règles de vie pour nos entreprises et nous mêmes, que les lesbiennes féministes antifascistes connaissent depuis vingt ans...

Dépêchons nous de les imiter...

Commentaires

FJM

le "message est simple"? heu, ok, d'accord, le message l'est peut-être. Son application, son intégration, le sont apparemment moins... ou bien?

Paul Jaillard

J'ai entendu parler de cette histoire de grenouille à propos du réchauffement climatique, et elle est en effet très riche.

Je pense qu'à la mémoire, il faut ajouter la capacité à se projeter dans l'avenir. La mémoire est nécessaire à cette capacité, mais elle ne suffit pas. Si la grenouille se souvient que l'eau était froide et qu'elle constate que l'eau est tiède, elle pourrait penser que sa situation s'est améliorée et s'en réjouir. Sauf si elle se projette dans l'avenir, en imaginant à partir de l'analyse des faits passés que son avenir n'est pas rose car la température suit une pente nettement ascendante...

La grenouile doit être visionnaire.

pierre

Tout à fait d'accord sur l'analyse.
Malheureusement ces histoires qui tournent dans les livres sur le management (je dois l'avoir au moins 5 fois dans les bouquins que j'ai acheté depuis deux ans... comme quoi, rien ne s'invente, tout se recycle pourvu qu'on mousse).
L'étalon fiable et gout de l'effort : en renouvence, on appelle cela "Renouer avec son passé, ses valeurs..." et "utiliser, controler et optimiser ses facultés".
Bref : Du bon sens dans l'action ! :o)

Jean-Louis Richard

Très belle, cette histoire.

Elle nous parle aussi de souffrance : la grenouille s'habitue à la chaleur, qui pourtant la fait souffrir. La souffrance qu'elle associe à un bond dans l'inconnu lui parait plus insupportable. Aucune résolution ne changera ce couteux équilibre.

Et si cette souffrance imaginée du bond dans l'inconnu est si forte, c'est que la grenouille n'est pas rationnelle. Ce sont ses sentiments, ses peurs cachées qui commandent. L'image en elle de la souffrance d'un bond dans l'inconnu est riche de toute une histoire personnelle.

Si la grenouille était un(e) dirigeant(e), c'est en revenant sur ce qu'elle ressent, et en retravaillant les parties de son histoire de grenouille, d'homme ou de femme qui s'expriment en bridant ses choix, qu'elle pourrait disposer de davantage d'options.

L'autre possibilité est d'avoir un complice capable de fermer le gaz.

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